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Le christianisme ne cherche pas les applaudissements (I)
par Meneau 2017-10-29 19:26:43
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Essai de traduction (1ère partie)

L'amour peut-il être un péché? Et si oui, qui peut le croire? La controverse au sujet de la lettre "Amoris laetitia" couve partout dans le monde - également parce que le pape François reste silencieux.

Cardinal, l'Église catholique traverse actuellement une période difficile. Le Pape est soupçonné d'hérésie par certains, et célébré par d'autres comme un réformateur luthérien. Les obstacles sont les questions de moralité sexuelle, telles qu'elles sont abordées dans la lettre papale "Amoris laetitia" sur le mariage et la famille. Le débat devient mondialement parfois très vif et fondamental, avec une Conférence épiscopale opposée à l'autre, par exemple en ce qui concerne l'admission des divorcés remariés aux sacrements. D'un point de vue séculier, il est d'abord intéressant de voir comment on peut encore en venir au XXIe siècle à vouloir normer la vie sexuelle , du moment que les partenaires sont parvenus à un consensus

Je pense que nous devrions d'abord nous poser cette question fondamentale: qu'est-ce que la religion? Que signifie pour un catholique la religion? La religion dans la compréhension d'aujourd'hui est pour beaucoup de gens un phénomène purement psychologique, socioculturel. Selon l'entendement catholique, la religion n'est cependant pas un produit de l'esprit humain, ni une tentative d'alléger son existence à l'aide de la réflexion philosophique. La religion est la réponse de l'homme à un appel extérieur. Et donc la question est orientée vers Dieu, vers le Créateur, sans qui les hommes n'existeraient pas. Ce Dieu, selon la conception du christianisme comme religion de la Révélation, s'est fait connaître à l'homme. Et ce en se plaçant lui-même au niveau où se trouve l'homme. Dieu est devenu un homme selon la conviction chrétienne en Jésus de Nazareth, il est entré dans l'histoire pour rencontrer les gens et faire connaître son enseignement définitif. La réponse de l'homme à cette communication du Créateur est la religion, qui façonne naturellement aussi le mode de vie.

Mais c'est là que le débat commence. Dieu ne parle pas sans équivoque quand on admet son existence. La Révélation a à voir avec l'interprétation, puisqu'il s'agit de la langue. N'est-ce pas pour cela qu'il y a différentes écoles de théologie? En fait, la question qui est en jeu ici nous semble aller bien au-delà de la question de la morale sexuelle. La question n'est-elle pas essentiellement de savoir pourquoi quelqu'un - une institution, un être humain individuel - peut prétendre pouvoir parler au nom de Dieu d'une manière contraignante ? Et ne se pourrait-il pas que cette question religieuse séculaire, désormais pour la première fois se pose aussi au sein de la papauté, ce qui expliquerait pourquoi une lettre comme "Amoris laetitia" serait volontairement floue?

Tout d'abord, il existe une base en droit naturel sur laquelle le mariage, l'amour et la famille peuvent également être appréhendés.

Le recours au droit naturel ne fait que reporter la question: qui l'interprète pour quelles raisons?

La loi naturelle, à laquelle se réfère la dogmatique catholique, considère le mariage comme une union de vie entre l'homme et la femme dans le but de transmettre la vie humaine. Ce mariage naturel est élevé par le Christ à une dimension surnaturelle et divine et devient sacrement. Le sacrement est un signe extérieur utilisé par le Christ pour indiquer et accomplir une action de la grâce dans l'âme humaine. Les sacrements font ce qu'ils décrivent, ce qu'ils expriment. Par conséquent, dans cette perspective ecclésiastique, qui bien sûr n' a pas à être partagée par les agnostiques et les athées, mais qui peut être comprise, le mariage n'est plus une affaire entre l'homme et la femme et la société, mais plutôt une affaire entre l'homme et la femme et Dieu, qui leur donne le pouvoir de continuer sa création. L'apôtre Paul dit:"Le mariage chrétien et sacramentel est un véritable reflet de la relation entre le Christ et son Église. Nous envoyons ici un message qui, tout en dépassant la raison humaine, ne la contredit pas.

Comme vision poétique de l'amour, on aimerait le laisser ainsi. Mais comprise comme une ligne directrice normative, cette façon de voir se heurte à la conception autodéterminée des relations entre les sexes qui prévaut aujourd'hui. Les relations amoureuses sont devenues radicalement non traditionnelles. Les décisions culturelles concernant les enfants, les partenaires et les relations hétérosexuelles ou homosexuelles sont dissociées des lois biologiques. Il est également possible de se séparer d'un commun accord. L'assouplissement de la moralité sexuelle sous le signe théologique de la miséricorde, tel que François le prétend apparemment, n'est-il pas novateur si l'Église veut avoir quelque chose à dire aux gens à l'avenir?

L'Évangile de Jésus-Christ ouvre des horizons qui, sans ce que nous appelons Révélation, sont initialement inaccessibles à la raison naturelle. Cela signifie qu'une contradiction entre l'Évangile et la plausibilité sociale ne peut être surprenante. Jésus lui-même parle clairement dans ce contexte lorsqu'il parle sans équivoque de l'indissolubilité du mariage et de la répréhensibilité de l'adultère. Donc, quand je suis catholique, je m'inscris dans ce cadre. C'est un cadre qui prend en compte la réalité de l'échec éventuel d'un mariage et permet, par exemple, la séparation de la table et du lit en cas d'incompatibilité entre époux.

Se séparer, oui, se remarier, non? N'est-ce pas là une conviction provocante, étrangère à la vie, qui avec "Amoris laetitia" pourrait être corrigée de façon peut-être théologiquement désordonnée, mais au moins avec autorité?

Comme je l'ai dit, Jésus lui-même parle de l'indissolubilité du mariage et de la répréhensibilité de l'adultère. La possibilité d'échec dans l'église a toujours été prise en compte. Cela s'est souvent produit lorsque l'un des conjoints s'est avéré insupportable au sens littéral du terme. Mais il n' y a aucun moyen de se remarier. Cela n'existait pas dans toute l'histoire chrétienne jusqu' à Luther.

La séparation de corps rappelle l'aristocratie anglaise, où l'on se référait toujours au conjoint en disant: divorce jamais, meurtre à tout moment. Quand je rencontre ma voisine dans la cage d'escalier et que je ne fais plus avec ma femme "séparation de corps", mais que je préfère emménager avec ma voisine - qu' y a-t-il alors?

Adultère.

Et si je reste avec la voisine pour les dix prochaines années sans remords, mais avec bonheur?

Alors c'est un concubinage. Adultère continu.

Comment cela se situerait-il dans la hiérarchie des fautes ?

Comme un péché grave.

Mais pas comparable au remariage?

Non, parce que le concubinage peut être dissout à tout moment - également sur le plan humain et social. On déménage à nouveau et on part ailleurs.

Cette position ne vous semble pas très formaliste? Elle ne semble pas non plus être tout à fait compatible avec un langage d'amour.

Oui, mais excusez-moi! Le christianisme, surtout sous sa forme catholique, est une gêne pour le monde. Et le Christ était et demeure un défi pour le monde. Le christianisme et l'Église ne sont pas à la recherche de plausibilité et d'applaudissements. Cela ne va pas.

Que dites-vous à ceux qui pensent que si nous ne changeons pas maintenant, alors nous allons à notre perte?

Ah, vous voulez dire que l'église est en train de couler?

Eh bien, dans ce pays, pour parler prudemment, ça en donne l'impression ici et là.

Excusez-moi, que dit l'Evangile? Dans l'Évangile, ce n'est pas le triomphe glorieux de la foi et de l'Église qui est prédit, mais a grande apostasie. Je n'ai même pas besoin d'ouvrir l'apocalypse de Jean, les quatre évangiles suffisent. Et il est crucial que l'Église en tant que telle ne périsse pas. "N'ayez pas peur, petit troupeau, dit le Christ, car mon Père vous a promis de vous donner le royaume. Ce sont des choses que nous devons reconnaître et dire avec clarté. Et cet effort constant et étriqué pour éviter tout problème, pour être un enfant chéri entre tous, n'est certainement pas compatible avec l'Évangile, avec l'existence du chrétien dans ce monde. Dans l'Evangile, on parle du tièdissement de la Charité. Avons-nous un réchauffement de la Charité? Nous avons un tel refroidissement de la Charité que des enfants à naître et des personnes âgées, démentes et malades sont tués. Est-ce le refroidissement de la Charité? Je dois dire oui. Nous faisons aujourd'hui ce pourquoi on était condamné à mort il y a quelques années.

(à suivre)

     

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 Et un entretien digne de lecture par Lycobates  (2017-10-28 22:06:06)
      Le cardinal Brandmüller est excellent ! par Jean-Paul PARFU  (2017-10-29 00:10:47)
          Merci par Diafoirus  (2017-10-29 09:11:12)
              Le christianisme ne cherche pas les applaudissements (I) par Meneau  (2017-10-29 19:26:43)
                  Épatant ! par Lycobates  (2017-10-30 00:52:00)
                      Au contraire ! par Meneau  (2017-10-30 08:10:36)
                          Une précision par Lycobates  (2017-10-30 12:36:47)
               Le christianisme ne cherche pas les applaudissements (II) par Meneau  (2017-10-29 20:50:02)
                  Quelques remarques encore par Lycobates  (2017-10-30 13:24:53)
          Effectivement ! par Lycobates  (2017-10-29 22:28:57)
              Merci à Meneau par Diafoirus  (2017-10-29 23:12:19)


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