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Pointer ce qui est remis en cause dans Amoris Laetitia
par Johanis 2017-09-30 18:41:28
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Attention, amateurs d’explications rapides et simplistes, s’abstenir !
Encore un fil sur la dispute d’Amoris Laetitia ?
On remarque qu’il y a un scandale (c’est-à-dire la perception d’un péril pour la foi) suscité par Amoris Laetitia pour ce qui a trait à la possibilité de faire communier des divorcés remariés et aux motifs de cette permission.
Mais on remarque aussi qu’il y a un malaise face à des accusations d’hérésie qui paraissent mon appropriées à un grand nombre, car ils estiment qu’on reproche au pape des affirmations qu’il n’a pas faites. Et il est vrai que les positions du pape sont subtiles et que d’une part un certain sensus fidei est choqué, mais que d’autre part il est difficile de pointer une ou des oppositions claires au magistère universel de l’église, hormis le fait que sera permis dans certains cas ce qui était toujours défendu : la communion de personnes divorcées remarié vivant pleinement comme des époux.
Alors est-il possible de mieux pointer ce qui est litigieux et qui peut-être s’oppose à la doctrine traditionnelle de l’église ?
Je pense que oui, qu’il est possible de mettre le doigt sur les points précis d’une divergence avec la doctrine traditionnelle.
Beaucoup ont relevé que le nœud de la question est celle de l’imputabilité d’actes qui sont intrinsèquement mauvais ; car même s’ils sont intrinsèquement mauvais ils ne seraient pas imputables dans des circonstances où les sujets seraient en état de grâce et dans l’incapacité de bien agir. Là est toute la question.
Or l’exhortation affirme que l’on peut être en état de grâce mais dans des conditionnements où il est impossible de bien agir. Quels sont ces conditionnements ?
- D’une part les sujets peuvent ne pas percevoir « les valeurs contenues dans la norme », ne pas percevoir donc qu’il est bon que le mariage soit indissoluble et les époux tenus à la fidélité,
- d’autre part des vertus non acquises qui empêcheraient de prendre et exécuter les bonnes décisions

Il y a donc une double question:
- est-ce que ces deux sortes de conditionnements peuvent se présenter pour des personnes en état de grâce ?
- Est-ce que ces conditionnements empêchent effectivement d’observer la loi ?

On peut prendre comme témoin de la doctrine traditionnelle, et portée à son plus haut point de précision l’enseignement de Jean-Paul II.
Peut-on grâce à lui donner une réponse, dans l’axe du magistère universel et constant, aux deux questions posées ?
Je donne la conclusion avant de la prouver : oui une personne dans l’état de grâce peut se trouver dans ces conditionnements, et c’est d’ailleurs une situation banale à des degrés variables ; mais non, ces conditionnements n’empêchent pas qu’on soit tenu à l’observation des commandements et qu’il soit possible effectivement de les observer. Et à mon avis le changement doctrinal de grande portée se situe là : la grâce justifiante ne serait pas opérante pour permettre l’observation des commandements, dans certains conditionnements.
La doctrine catholique traditionnelle affirme que Dieu donne la grâce suffisante (à celui qui est justifié par le Christ) pour suivre les commandements qu’il exige ; mais cette affirmation a toujours été comprise comme universelle, c’est-à-dire comme devant s’appliquer à toutes les situations, et donc quels que soient les conditionnements. Mais aujourd’hui le pape François dit : « Certes, les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières » et il ajoute que ce n’est qu’après une progression morale (au nom de la loi de gradualité, mais je montrerai que ce n’est pas cela qu’elle signifie), qu’il sera possible au sujet de sortir de ses conditionnements qui le bloquent.
Si Jean-Paul II dans la fidélité à tout le magistère antérieur affirmait qu’il n’était pas possible aux divorcés remariés vivant comme des époux de communier, c’est parce que pour lui il leur était possible avec le secours de Dieu d’observer les commandements, nonobstant ces conditionnements qu’il connaissait parfaitement et qu’il avait mentionnés dans les documents magistériels en particulier dans Splendor Veritatis. Car pour lui ces conditionnements, ceux-là mêmes auxquels Amoris Laetitia se réfère, ne constituent pas un empêchement d’observer la loi. En effet pour lui c’est la grâce de la justification qui permet une connaissance suffisante commandements de Dieu et permet de les observer. Car ce n’est pas parce qu’on a une bonne connaissance des valeurs contenues dans la norme qu’on peut l’observer, c’est parce qu’il s’agit des commandements de Dieu et que la grâce justifiante permet :
- par la foi de les connaître avec certitude et
- par la charité d’aimer Dieu par-dessus tout et de vouloir par-dessus tout accomplir sa volonté (et donc d’observer ses commandements), et de le pouvoir.
Dire qu’il y a des conditionnements, d’ailleurs très courants, qui font en quelque sorte obstacle à la grâce justifiante, et qu’il y a tout un travail du sujet nécessaire avec l’aide de la grâce pour parvenir à observer les commandements, c’est une forme de pélagianisme.
Et c’est là que la doctrine de la gradualité de la loi est centrale dans cette dispute : pour Jean-Paul II, le processus de gradualité de la loi permet une croissance morale, à ceux qui sont déjà déterminés à observer la loi ; dans cette croissance comme l’explique Saint Thomas dans l’article sur les degrés de la charité, se fera l’acquisition des vertus, il se fera aussi une découverte de ce qu’il y a de bon dans la loi pour l’épanouissement de l’homme. Tandis que pour les tenants de l’interprétation la plus vraisemblable d’Amoris Laetitia, c’est seulement en vertu de la loi de gradualité, moyennant un travail éthique accompagné, que le sujet justifié, prisonnier de certains conditionnements, pourra parvenir, aux conditions de vertu et de connaissance morale nécessaires à l’observation de la loi.
Voici un passage de l’enseignement de Jean Paul II dans lequel il affirme une conception de la loi de gradualité à laquelle s’oppose la nouvelle doctrine : « En réalité on ne peut accepter « un processus de gradualité », sinon dans le cas de celui qui observe la loi divine avec une âme sincère … Ainsi, ladite «loi de gradualité» ne peut s'identifier à la «gradualité de la loi» » (discours de clôture du synode des évêques sur la famille, octobre 1980). Pour lui, repousser le moment de l’observation de la loi c’est graduer la loi : en effet, comme il le dit aussi avec insistance, considérer d’abord la loi comme un idéal à atteindre dans le futur, et dans un deuxième temps seulement lui donner son statut de loi c’est-à-dire d’obligation effective, c’est graduer la loi. Car la graduation de la loi ce peut-être de changer son énoncé, mais aussi de changer son statut de loi. Les tenants de la « nouvelle doctrine » font un contresens sur ce que signifie loi de gradualité et gradualité de la loi par rapport à ce que cela signifie dans l’enseignement magistériel fondamental de Jean-Paul II sur le sujet. Ils disent certainement de bonne foi que comme Jean-Paul II ils tiennent que la loi de gradualité n’est pas la gradualité de la loi, alors que pour Jean-Paul II ce qu’ils défendent c’est en réalité la gradualité de la loi.
Conclusion : les doctrines présentées dans Amoris Laetitia, prises selon leur sens le plus vraisemblable, s’opposent à la doctrine traditionnelle en ce que la possibilité d’observer les commandements du seul fait de la grâce justifiante devient conditionnelle, alors que la Parole de Dieu et le magistère jusque-là l’affirmaient inconditionnelle et ne supposant pas l’acquisition antécédente des vertus et d’une connaissance des valeurs des commandements. C’est un changement très profond, et extrêmement lourd de conséquences concrètes.
Le cheval de Troie emprunté pour ce changement très important est le contresens fait sur la loi de gradualité et la gradualité de la loi.

     

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 Pointer ce qui est remis en cause dans Amoris Laetitia par Johanis  (2017-09-30 18:41:28)
      pour faire bref... par Johanis  (2017-10-01 15:54:19)
          Très bonne analyse par Meneau  (2017-10-01 17:26:25)
              « L'autorité de l'Eglise enseignante me suffit » dixit Meneau par Marquandier  (2017-12-09 17:39:27)
                  Sérieusement ? par Meneau  (2017-12-09 18:08:59)
          Excellent! par Rodolphe  (2017-10-01 17:35:02)
              Je ne pense pas que l'imputabilité soit en cause. par Paterculus  (2017-12-09 20:06:52)
          Fausse analyse par Ion  (2017-10-01 17:44:25)
              Pipeau par Meneau  (2017-10-01 18:18:22)
                  Ah oui, et j'oubie par Meneau  (2017-10-01 18:36:43)
                  Vous esquivez la question ... par Ion  (2017-10-01 23:25:42)
                      Ah ah ! par Meneau  (2017-10-01 23:40:53)
              Lisez bien vous-même AL par Johanis  (2017-10-01 18:55:13)
                  Non par Ion  (2017-10-01 23:46:45)
                      En effet : quelle gradualité ? par Johanis  (2017-10-02 13:27:18)
              Vous êtes bien seul... par Paterculus  (2017-12-09 20:08:59)
          Une question pour vous, Johannis... par Rodolphe  (2017-10-01 22:23:59)
              Toutefois par Meneau  (2017-10-01 22:59:48)
              Réponse à Rodolphe par Johanis  (2017-10-02 13:16:59)
      Confusion fatale sur la gradualité par Johanis  (2017-10-02 12:21:50)
          Malentendu sur le terme de loi ? par Ion  (2017-10-02 13:52:28)
              Gradualité suite par Johanis  (2017-10-02 15:58:00)
                  Il me semble que votre ... par Ion  (2017-10-02 16:39:57)
                      enfin pouvoir dire que l'on peut enfreindre les commandements sans pécher... par Johanis  (2017-10-02 17:04:18)
                          Quand, du fait d'une ... par Ion  (2017-10-02 17:35:41)
                              Le problème est qu'il y a des vérités de Foi.. par Mboo  (2017-10-02 18:18:33)
                                  A fortiori… par Marquandier  (2017-10-02 22:32:10)
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