Bonjour, bon dimanche, et merci, Yves Daoudal.
1. Je suis très attaché à l'expression exacte, "l'herméneutique de la réforme", non seulement par souci d'exactitude, mais aussi parce que cette expression fait droit au caractère composite de l'intention officielle, de l'objectif officiel du Concile : notamment, la réforme des structures et des relations de l'Eglise, et non la continuité sans renouveau, ou le renouveau sans continuité.
2. Il y a des réformes sans succès, ou, en tout cas, des réformes sans succès immédiat ou intégral, mais il n'y a pas de réformes sans prise de risques, en l'occurrence, sans prise de risques considérables, ad intra et ad extra ; entre autres risques, il y a ceux-ci :
- le risque du "pas assez" ou le risque du "beaucoup trop",
- le risque de ne pas être compris ou le risque d'être compris sans être suivi,
- le risque d'être contré, y compris par ceux-là mêmes qui disent que le fait qu'ils aient bien compris l'esprit de la réforme les dispense de l'exigence, de l'obligation, de suivre la lettre de la réforme.
3. La possibilité de prendre en compte puis de mettre en oeuvre l'expression exacte, "l'herméneutique de la réforme", est pour moi synonyme d'une possibilité de procéder, de recourir, à une herméneutique, nécessaire et préalable à une analyse, à une appréciation, en un mot : à une évaluation, d'une prise de risques doctrinaux, liturgiques, pastoraux, ce qui permet, sans "angéliser" ni "diaboliser" qui ou quoi que ce soit, d'identifier et de localiser
- ce qui a été plutôt couronné de succès
et
- ce qui a été plutôt sanctionné par l'échec,
en aval ou au sortir de cette prise de risques.
4. Cela ne signifie pas que je réduis ma relation au Concile à une herméneutique, à une interprétation, la moins subjective possible, du fondement, du contenu, du devenir, des résultats, de cette prise de risques.
5. Je m'efforce ainsi de prendre également appui sur une explicitation, la plus objective possible, à caractère historique, de ce qui s'est passé, en amont immédiat, au moment du Concile, et en aval ultérieur au Concile.
6. Je considère en effet que l'appréciation du Concile, pour être la plus complète et la plus concrète possible, doit pouvoir reposer à la fois sur une interprétation à caractère philosophique et théologique ET sur une explicitation à caractère historique.
7. Cela ne signifie pas non plus que je renonce aux remarques suivantes ;
- j'ai parlé d'intention, d'objectif, composite ; écoutons donc ceux qui nous disent que, dans les faits, le composite s'est traduit par de l'ambivalent, pour ne pas dire : par de l'équivoque ; si ceux qui pensent et disent cela n'ont pas toujours raison, ils n'ont pas toujours tort non plus ;
- j'ai déjà parlé ici-même dans les termes suivants : oui, il y a continuité entre l'avant et l'après, mais,
a) d'une part, il n'y a pas que continuité,
b) d'autre part, le renouveau n'a pas toujours été synonyme de clarification ou de consolidation effectives,
c) enfin, puisqu'il y a continuité, et puisque nous disposons, chaque jour un peu plus, d'une capacité d'appréciation distanciée, le moins que l'on puisse dire est qu'il y a eu à la fois
i) continuité dans la disproportion, compte tenu du caractère démesuré de l'importance qui a été accordée à certains sujets ou thèmes, y compris à certains sujets ou thèmes qui avaient déjà été traités abondamment, mais peut-être d'une manière moins "personnaliste", par les Papes de l'avant-Concile,
ii) continuité dans le dysfonctionnel, puisque que ce Concile pastoral a été sanctionné, en tout cas, jusqu'à présent, par un échec pastoral (même si cet échec n'est ni complet, ni définitif), notamment dans le contexte européen / occidental (lequel n'est pas, j'en conviens, le "tout" de l'Eglise).
8. Je termine sur la remarque suivante : l'une des principales réussites de cette réforme (de ce qui aurait dû pouvoir être, entre autres choses, un Concile d'adaptations et d'applications, plus au service avéré qu'au détriment relatif de l'essentiel) réside dans le fait qu'elle a donné naissance ou rendu possible la conception puis le déploiement d'une doctrine de qualité, étayée, étoffée, notamment et surtout chez Jean-Paul II et chez Benoît XVI, sans que cette doctrine de qualité ait toujours été prise en compte à sa juste valeur dans les diocèses, précisément : dans le cadre de la pastorale.
Je vois dans tout cela un paradoxe, une ruse de la raison historique, compte tenu du fait que l'un des "motifs" du Concile était celui-ci : changer de langage sans changer de message, par constat du fait que le langage antérieur au Concile nuisait à la réception du message, et dans l'espoir selon lequel le langage ultérieur au Concile contribuerait davantage à la réception du message...
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour mon absence de brièveté, vous souhaite un bon dimanche et vous dis à bientôt.
Scrutator.