J'ai 50 ans dans quelques jours, donc je ne connais pas exactement ce qui s'est passé dans les années 60 et 70, mais durant mon éducation religieuse dans ce qu'on nomme sur ce forum l'église conciliaire, j'ai eu de la chance au niveau de la foi dans mes toutes jeunes années (bon curé, famille croyante).
Mais de ce que j'ai connu ensuite, c'était différent. Au bout d'un moment, je voyais bien que la base de la hiérarchie (curé, diacre, conseil paroissial, etc.), ne disaient plus la même chose que le pape. On se retrouvait donc avec un pape conservateur à partir du milieu des années 90 où j'ai commencé à avoir des enfants, et j'étais satisfait de cet état de fait. Et plus les enfants grandissaient, plus je voyais des problèmes. Alors j'étais encore assez à l'aise, car il me suffisait d'aller voir le curé, le diacre ou la catéchiste, pour lui dire : "Non, mais cela ne va pas, regardez ce que dit le catéchisme de l'Eglise, allez, lisez ce que vient de dire le pape ! Vous voyez bien que cela ne va pas ?"
Mais leur réponse facile c'était : "Heureusement qu'il y a les montagnes entre nous et le pape, de toutes façons, à Rome il n'y a que des vieux théologiens célibataires qui ne comprennent rien au réel, ils pondent des théories, tandis que nous, eh bien on a les mains dans le cambouis, on est au contact de la misère des gens, on est dans la pratique et la pastorale, pas dans des grandes théories !"
(J'habite en Valais à côté d'Ecône).
Et je pense que Jean-Paul II avait compris cela, qu'il ne maîtrisait plus ses "subordonnées" locaux, d'où sa désertion de Rome pour aller prêcher à travers le monde et laisser les commandes théologiques à son bon cardinal Ratzinger à Rome.
Ensuite il y a eu un phénomène particulier en 2003, l'invention des manuels scolaires Embiro (conçu par des curés "catholiques", des orthodoxes, des pasteurs, des imams, des rabbins et moines bouddhistes), et ils ont fait table rase du catéchisme à l'école pour introduire des cours de "science des religions", sauf que pour toutes les autres religions, c'était "L'ange du seigneur a dit à Mahomet : blablabla...", et pareil pour toutes les autres religions, c'était clair et sans équivoque, mais pour la religion catholique c'était : "Les apôtres ont dit qu'il était le fils de dieu"..., donc tout était plus flou, c'était des rapportages, des on-dit, en gros : de la merde !
On s'est mis avec une bande de croyants pour faire une pétition, on a écrit des articles dans les journaux, on s'est même fait interroger à la TV, ça a fait un peu de foin (surtout que la part consacrée au christianisme c'était vraiment peau de chagrin comparé aux autres). On a même reçu un coup de fil du ministre de l'éducation qui nous a dit : "Mais non de chien, je suis un ministre du parti radical, et je sais bien qu'historiquement, les radicaux étaient des anticléricaux, mais ce n'est plus le cas maintenant, je joue de l'orgue chaque dimanche à l'église de Bouveret ! Ce machin : Embiro, m'a été proposé clefs en main par des théologiens, et vous croyez vraiment que je l'aurais mis en circulation en Valais sans la bénédiction de l'évêque ? Mais bon sang, réveillez-vous un peu, tous les curés et même l'évêque veulent ces manuels, j'ai pas envie de passer pour un vieux radical bouffeur de curés, c'est eux qui veulent ça, à commencer par l'évêque !"
Donc là on est complètement démunis, Jean-Paul II est à ce moment aussi complètement diminué, personne n'écoute la congrégation pour la doctrine de la foi, mais bon, on reste sûr de notre bon droit car on peut continuer à s'appuyer sur Rome.
Ensuite, arrive Benoît XVI, et il sait qu'il a déjà perdu la main. Donc il explique, avec douceur, il se dit peut-être que ça passera mieux envers les âmes réceptives. Il sort un document cosigné par le cardinal responsable du culte et des sacrements qui demande de communier sur la langue. J'en fais des copies et j'en laisse toute une pile sur un tabouret au fond de l'église ! Foudres du curé.
Ensuite, Benoît XVI tente de donner un coup de main à la tradition en 2007. On demande une messe traditionnelle à l'évêque, et il multiplie pendant deux ans tout un tas de tracasseries pour ne pas obéir. Au bout de deux ans, en 2009, arrivé au bout de tout ce qu'il pouvait inventer pour empêcher la messe traditionnelle, il tranche : "Ceux qui veulent la messe en latin n'ont qu'à a aller à Ecône !" Fermé le ban.
Bref, durant un tas d'années, on avait du personnel paroissial, des curés et même évêque contre le pape, ... mais il nous restait quand-même le pape ;-)
Et pour la messe traditionnelle, on a obéi à notre évêque !
Bon, à la fin, je pense que Benoît XVI s'est rendu compte de l'inutilité de ses efforts, et voilà, maintenant, les catéchistes, diacres et curés ont un pape à leur mesure ! Leur seul problème, c'est qu'ils ont vieilli, et qu'il n'y a plus grand monde au catéchisme ni à la messe. UNE famille, une seule va encore à la messe paroissiale (sur 3500 âmes), et sinon c'est tempes grises et mamies bigoudis. Donc ils font des réunions, parce que pour attirer les jeunes, il faut progresser, mettre de la musique, animer, et plus ils progressent dans l'inventivité, moins il y a de jeunes, donc il faut progresser encore plus !
C'est assez pitoyable vu comme ça, mais voilà, ils ont enfin leur pape, et là, plus question de montagnes entre le Valais et Rome, non non, ils ont tout aplani au fer à repasser...
Donc dans toutes les chapelles de la FSSPX il y a plein de jeunes et de poussettes, et les diocésains se retrouvent maintenant bien aux commandes, mais aux commandes de quoi ? Il n'y a plus personne !
A la fin de l'histoire, tout ça me semble assez clair : Jean-Paul II et Benoît XVI ont échoués à remettre de l'ordre dans ce bazar, François aime ce bazar, alors il pousse dehors ceux qui sont encore tentés par la foi catholique, sa tradition, et même son bon sens populaire.
La FSSPX rafle la mise (et François les aime bien d'ailleurs, il leur a accordé toutes les faveurs, tous les sacrements, tout ce qu'ils voulaient, pourvu qu'on arrête ces discutions doctrinales et théologiques, et qu'ils lui foutent la paix). En fait, il fait exactement ce qu'a fait notre évêque en 2007 contre Benoît XVI : "Vous voulez la tradition et la foi catholique ? - Allez donc à Ecône !"
Le concile a donc enfin hérité d'un pape à sa mesure, et François mourra sans doute avec les fidèles qui restent dans les églises paroissiales. Bref, il fait le job et il le fait bien, et en cas de futur conclave, je n'y attends rien de mieux.
(désolé pour la longueur)