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connaissez-vous l'Histoire des curés ?
par JVJ 2020-06-09 10:23:16
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Luc Perrin a rédigé la partie contemporaine, certes au-delà de l'échelle française.

Je ne suis pas un peritus de cette chose, mais je lis et je suis de la campagne, et toujours en campagne (du moins sur le papier, car la démographie galope, comme les sauvages et les allophones d'outre-Méditerranée...). La pratique des villes fait illusion, car depuis toujours, même Paris n'est pas une ville pratiquante. La masse fait illusion et remplit.

J'ai pour réflexe de me demander, systématiquement, quand le presbytère de tel village a été abandonné (1919 pour mon petit village d'enfance, 1995 pour mon village actuel…). Ce genre de cartes n'a, je crois, jamais été faite. Songez aux cartes montrant les avions dans le ciel américain le 11 septembre : on voyait des points disparaître en quelques heures... Idem pour les presbytères en France si on faisait cela depuis 1900 !

Je désapprouve les évêques, comme celui d'Orléans, qui forcent les prêtres à vivre en commun s'ils ne le demandent pas : à croire qu'ils vont tous se suicider, coucher ou boire ! Ce n'est la vocation d'un curé séculier, à supposer que la cure des âmes ait encore un sens, parce que les curés (le terme n'existe plus à Orléans ! je crois sans que le droit canon l'autorise…) ne connaissent plus et ne contrôlent plus du tout leurs vastes paroisses. Si un prêtre séculier n'est pas fichu de vivre seul, c'est qu'il devait être chanoine régulier ou oratorien... Je connais des prêtres qui sont impropres à vivre en commun et qui ont souffert de la maison de retraire, même celle du diocèse. Les coups de canne et les mots durs volaient... Pour suivre le compte d'un magnifique jeune curé du diocèse du Mans, je sais qu'il se trouve au moins un curé heureux en France dans son presbytère (célèbre dans les deux formes), même s'il a des coups de blues bien compréhensibles face à ses églises souvent désertes.

Benoist m'est sympathique, j'espère que vous connaissez ses entretiens avec l'excellent Paul-Marie Coûteaux. Il a un avis à peu près sur tout, lit beaucoup, est un solitaire. Mais Benoist est un celtisant du point de vue de la religion, pas du tout catho pour un sou. Alors son approche économique de la religion sent plus le marxisme qu'autre chose.
La situation au XIXe s. variait tellement et même d'un village à l'autre ! Ph. Boutry a publié sa thèse sur les curés au temps du curé d'Ars, dans son diocèse. Cela arrange les progressistes de dire que le curé mangeait au château. Débile. J'ai écrit récemment que ces gauchistes n'ont cessé, y compris les curés roses, de conspuer les bourgeois et les notaires depuis les années 60, mais ils étaient bien contents d'avoir leurs deniers et leurs conseils gratuitement. Et de manger chez eux, d'avoir leurs enfants dans les écoles sous contrat et leurs mères pour faire le catéchisme. Sans ces méchants bourgeois et sans les méchants légitimistes nobles du XIXe s., des églises et des couvents dominicains n'auraient jamais été achetés ou construits.

Oui, je crois aussi que l'offre crée la demande. Si je pouvais assister à une messe basse tous les jours, j'y serais. Mais je ne vais pas prendre la voiture pour m'y rendre à 20 km… Et je ne suis pas retraité.
Je pense toujours, encore à la messe ce dimanche, à tous ses enfants et ses vieillards qui ne verront jamais un prêtre dans leurs rues, qui n'auront jamais l'occasion de le voir. Dans les grandes villes, chacun fait son marché. Dans un diocèse qui m'est très cher, l'excellent évêque n'a plus qu'une vingtaine de prêtres en activité, dont un tiers d'Africains. Il est bien obligé d'en mettre deux dans la préfecture et les sous-préfectures, et après, c'est un peu au pif, mais je crains que les derniers curés des gros bourgs ne soient les derniers…
En ville, le tradi habitué à son unique chapelle (grand bien lui fasse) ne sait pas toujours que mes campagnes n'ont plus d'obsèques faites par des prêtres (ou même des diacres, soyons ouverts…). La messe n'est plus dite à l'année, même en semaine. C'est la mort.

Les messes de rassemblement font illusion et m'agacent, car on trouve toujours des niais, clercs compris, pour dire "nous sommes nombreux aujourd'hui etc". Si on faisait une carte des diocèses pour montrer combien de messes ont lieu le 24 décembre au soir, on serait terrifié. Dimanche, en revenant de la messe, je me suis dit en traversant le bourg principal (9000 hab.) que sans doute 20 à 30 personnes se sentaient concernées par la messe du jour. De mon village (1700 hab.), il y a ordinairement moins de 10 personnes qui vont à la messe (je ne me sens pas meilleur qu'un autre). Le curé n'est pas en cause, on ne peut espérer mieux. Mgr Fort était un évêque d'une droiture parfaite et qui célébrait la messe traditionnelle, qui appartint au GREC. Mais son tempérament ne le poussait pas à prendre des décisions fortes et il a nommé Mgr Eychenne comme vicaire général, ce qui demeure un mystère (ce qui lui a préparé la mitre).

Même les St-Martin qui vivent en communauté ont tendance en campagne à ne célébrer que dans une ou deux églises le dimanche, sans faire tourner. Je suis formel pour certains lieux. Ils ne sentent pas que ces églises doivent vivre et qu'il faut évangéliser, s'afficher, aller au contact des gens. Tout le monde n'a pas la voiture ! Et des enfants n'iront pas à la messe si les parents n'y vont pas. Cela me fatigue profondément de faire 20 ou 30 km le dimanche et autant au retour... Alors les autres, je n'imagine pas. Il ne suffit pas de compter sur les mêmes qui nous tueront avec leur prière universelle à la gomme et le Veni Creator en français.

Si la messe de St-Pie V était aussi proposée (elle fait peur aussi à ceux qui ne la connaissent pas, peur d'être bêtes, ne pas savoir, or il faudrait se détendre sur ce point…), des personnes feraient tout de suite la différence et seraient touchées. A condition aussi que les fidèles ne soient pas trop raides et tristes en sortant de l'église…

Le XIXe s. est un siècle magnifique, pour la littérature et pour la foi. On revenait de loin. Il y avait Huysmans, Chateaubriand et Bloy. Aujourd'hui, plus rien.

J'ai connu un curé socialiste, descendant des châtelains d'Ars et qui recevait une dame le soir au su de tous. Il se vantait d'avoir eu une vie avant d'être prêtre et d'avoir ses homélies pour toute l'année sur son ordinateur. Il voulait être moderne dans ces années 90. En revanche, il a exigé de la mairie socialiste qu'on lui aménage un presbytère à neuf (des amis curés dans le même diocèse vivaient pauvrement et n'avaient pas tous un dentier…). Le maire s'est exécuté pour qu'on ne dise pas qu'il est anticlérical. Les dames agitées tombaient devant le charme du curé, qui ringardisait l'ancien desservant qu'on obligea sans ménagement à prendre ses quartiers (et même à dégager, ce fut odieux de la part de l'évêque). Eh bien, ce socialiste avait des goûts de luxe, n'était pas regardant sur sa vie privée et quand les aristos du bourg l'invitaient (j'en fus témoin), il se moquait du col romain de leur fils prêtre tout en sortant sa propre chevalière. Il restait tard dans l'après-midi dans le jardin de ses hôtes. Il ne devait pas souvent aller dans les cuisines pas très nettes de mes amis paysans ou dans les HLM. On est de gauche, on n'en reste pas moins sourcilleux sur son petit confort. Il voulut avoir la peau de l'ancien curé qu'il a accusé d'avoir mis la main dans la caisse. Ce fut odieux. L'évêque avait besoin du jeune prêtre et voulut virer le vieux, qui était dans son modeste presbytère depuis 1960 et qui avait fait de son village un véritable couvent (presque tous les hommes à la messe, et le silence total avant la messe, ça filait droit). Les gens furent divisés, ce fut bien triste. Comme le vieux s'est accroché soutenu par le maire athée qui lui loua le presbytère communal pour le franc symbolique, le jeune a fait sa crise des nerfs et changea de diocèse. Jamais personne ne s'est servi de sa vie privée pour le disqualifier et, comme on sait faire dans l'Eglise, la version officielle fut : ce prêtre a changé d'incardination (faut le faire !!!) à cause du vieux. On nous avait pris Ralph de Bricassart !!! Mais cela arrangeait tout au fond. Ce prêtre fit des articles dans Libé, évidemment. Si ce prêtre avait eu le moindre intérêt pour son diocèse, il aurait demandé de changer d'endroit, les presbytères libres ne manquant pas.
Mais quand je conduisais le vieux curé (qui ne l'était plus) au pharmacien, cet ami ne pouvait s'empêcher de se dire "celui-là, est-ce qu'il croit que j'ai piqué dans la caisse ?". Ce curé était un ami des nouveaux prêtres de la Tradition et n'avait plus aucun confrère à moins de 30 km de chez lui. Il les a vus tous mourir ou partir. Moi qui ai suivi ce curé jusqu'à la tombe stricto sensu, je peux témoigner que la douche était spartiate, que sa cuisine était plus enfumée que chauffée, que seul son bureau était à peu près chaud, et qu'il était très généreux. Il recevait ses voisins hollandais protestants pour boire un cassis, non les responsables de l'équipe locale qui attendaient qu'ils périssent le plus tôt possible. Cet ancien curé était obligé d'être dans les bancs avec la famille pour les enterrements, et de voir des laïcs présider ! Interdiction de dire la messe dans l'église contre son presbytère. On surveillait ses visites et un séminariste qui mettait la soutane seulement là fut vidé, après dénonciation. Ce prêtre n'avait pas de dentier et a donné sa voiture à un prêtre traditionnel. Son frigidaire n'était pas très rempli, des voisins donnaient un peu de soupe. Quand vous alliez le voir, il avait commandé un gâteau et sortait une belle nappe. Il disait sa messe sur son bureau puisqu'il était mis au ban. Il était connu et respecté des gens les plus éloignés de l'Eglise. S'il voyait un gamin dans la rue, aussi bien chez lui qu'à Rome, il lui parlait, même avec la barrière de la langue par conséquent. Un nouvel évêque est arrivé, et cela a changé du tout au tout. Comme quoi, un évêque peut tout faire ou défaire.

J'ai aussi suivi l'éviction sans aucune charité de mon propre curé d'enfance en 1995. A la faveur d'une hospitalisation, l'évêque a ordonné son placement d'office dans la maison de retraite diocésaine (qui sera fermée de force en 15 jours par son successeur, opération dégueulasse dont je parle souvent, et les familles des prêtres durent trouver dans les départements voisins des maisons laïques ou diocésaines, certains sont morts de tristesse dans l'année). Mon curé voulait mourir chez lui. Il fallait aussi remplir la maison de retraite ! La commune, très pieuse, fut ravie de tout casser pour y faire quatre logements ! Je crois que depuis mille ans il y avait eu un desservant dans ce village de 300 hab. Tout le monde allait à la messe (même la seule famille communiste !) et il avait donné jusqu'à dix prêtres et plusieurs religieuses dans les années 40-60. Je me souviens de la messe où au Sanctus tout le monde était à genoux, et les hommes à droite. En un an, la paroisse fut annexée et la pratique s'est effondrée, la messe n'étant plus dite que de temps en temps. Plus de servants, plus de curé au village.

J'ai assisté à la mort des curés en campagne, qui étaient pour beaucoup des personnes attachantes, dont les parents avaient dû payer le séminaire. Quand ils furent ordonnés, il n'y avait qu'une ligne pour indiquer leur assignation dans la semaine religieuse. On n'en faisait pas une fête auto-centrée. Ils ont connu l'eau froide et le mépris parfois de gros curés quand ils furent leur 1er ou 2e vicaire. Je n'idéalise pas. J'ai enregistré dans ma petite tête.
J'ai aussi assisté à la mort des gouvernantes, autre mystère et bon courage aux historiens qui s'attaqueront au sujet (problème des sources). Ces braves femmes qui étaient les piliers et le réconfort de nos curés.

Les mutations de curés tous les 3, 6 ou 9 ans sont une autre bêtise aussi. Un évêque qui a été curé sans être carriériste pourrait le comprendre… Les laïcs devraient en faire autant avec leur couple.

Vous savez que jusqu'au XIIe siècle, qu'un évêque change de siège et quitte son Epouse (l'Eglise) choquait profondément les premiers canonistes et bien des penseurs. Cela se tient.

Des amis curés m'ont rapporté que tel de leur confrère qui était particulièrement sale était surnommé "le propre du diocèse". Je connais son nom et le lieu, qui aujourd'hui doit compter 70 habitants.
Aujourd'hui, qui en dehors de quelques historiens et des tradis peuvent comprendre cette plaisanterie de curés du dimanche après-midi ?

Il faudrait faire un essai avec les clercs tradis (s'il s'en trouve…) qui donnent des leçons au clergé séculier dit conciliaire. Qu'on leur donne trente villages à la campagne et qu'ils fassent comme avec leurs brebis habituelles, sans rien changer. On verra. L'essai n'a encore jamais été fait en France, je crois.
Il faudrait aussi trouver un évêque qui n'a pas peur des vieux de la vieille chez ses laïcs et dans son presbyterium, mais essayons pour voir…
A un moment donné, des évêques seront tellement dos au mur qu'ils feront diversion en demandant la fusion de leur diocèse (mesure bureaucratique sauce Hollande avec les régions) ou que, jouant le tout pour le tout, ils feront venir des courageux venus d'autres horizons (comme Mgr Louis donna tout Châlons aux St-Martin, mais ce n'est pas encore la messe traditionnelle avec eux). Je crains aussi que la plupart du (valeureux) clergé traditionnel séculier aime bien son petit confort (je peux comprendre, se battre toute une vie est fatigant et détruit moralement).
Pensons aux curés qui entrent dans une église froide le dimanche où ils n'auront aucun servant et pas d'orgues, des chants poussifs et deux enfants dans les bancs. Ce sont eux les saints, pas ceux qui se demandent si c'est la bonne fête dans l'octave… D'autant que ces curés rentreront manger une mauvaise boîte chez eux vers les 14 h, après avoir fait un crochet pour saluer une vieille dame malade chez elle.
(s'ils avaient des enfants, ceux-ci n'attendraient pas 14 h, et je ne leur souhaite pas d'avoir une Chupa-Chups sur le dos... les diocèses devraient aussi fournir des presbytères confortables et un salaire à la hauteur, on rigolerait, avant de songer au divorce. La femme catholique française du XXIe s. n'a pas la docilité et l'abnégation de la femme de pope roumain ou grec que je peux croiser...).

     

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