Ce n'est pas faire injure à la science ni à la méthode historiques que de rappeler qu'elles comportent inévitablement des biais disciplinaires et méthodologiques : cela relève au contraire d'une lucidité nécessaire à l'histoire comme aux autres sciences.
Il me semble qu'on pourrait identifier trois grands types de biais.
1° Le biais du conformisme académique. Ce biais permet en général d'éviter les interprétations délirantes, mais il peut aussi générer dans certains cas de faux consensus, les historiens se recopiant parfois les uns les autres sans revenir à la source. Le danger est accentué ces derniers temps par la tendance à l'hyperinflation bibliographique qui pousse des chercheurs à multiplier les références à des ouvrages qu'ils n'ont souvent pas même survolés. On pourrait ajouter, dans certains domaines un peu sensibles de l'histoire, des prismes idéologiques qui se superposent aux faux consensus. C'est en l'occurrence un problème qui se retrouve dans toutes les disciplines.
2° Le biais des sources, qui est évident pour n'importe quelle personne ayant déjà ouvert un carton d'archives. Je ne crois pas qu'il soit indispensable d'en dire davantage.
3° Un biais disciplinaire plus spécifique, qui tient à ce qui attire l'attention de l'historien. L'histoire s'intéresse aux changements, c'est pourquoi elle est moins sensible aux permanences, sans même parler des vérités éternelles qui ne rentrent pas dans son champ de perception. C'est tout le problème de l'historicisme, qui est à l'origine d'affirmations parfois hasardeuses intellectuellement, et ruineuses pour la foi.
Pour ne prendre qu'un exemple particulièrement caricatural, en parcourant des ouvrages sur diverses périodes, on peut lire que la distinction entre clercs et laïcs est inventée au IIe siècle, puis au IIIe siècle, puis à l'époque constantinienne, puis lors de la réforme grégorienne, puis lors de la Contre-Réforme (selon la période dont l'auteur est spécialiste).
Ce biais historiciste explique les innombrables usages contemporains de l'histoire à des fins de déconstruction.
Bloch désignait le christianisme comme une religion d'historiens. Si la pratique de l'histoire peut permettre de pratiquer une religion plus éclairée, la foi quant à elle purifie la pratique de l'histoire en avertissant l'historien chrétien des limites de sa méthode, qui doit l'inciter à s'humilier plutôt qu'à s'enfler : car notre science est partielle, et quand sera venu ce qui est parfait, ce qui est partiel prendra fin (I Co XIII, 8).
Peregrinus
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