« Aussi, je le déclare, s'il commande, il agit mal, puisque, par amour de lui-même et pour ne pas déplaire aux créatures dont l'intérêt et l'amour-propre le rendent esclave, il étouffe en lui la sainte justice. Il voit les défauts et les péchés de ceux qui lui sont soumis, et il fait semblant de ne pas les voir, pour ne pas les reprendre ; ou, s'il les reprend, c'est avec une telle nonchalance et une telle lâcheté de coeur, qu'il ne produit aucun effet. Il ménage ainsi le vice, parce qu'il craint de déplaire et de s'attirer des ennemis. Il s'aime lui-même, et il ne fait rien pour avoir la paix, et c'est la plus grande cruauté qu'il puisse commettre. Si la plaie, quand il le faut, n'est pas brûlée avec le feu et taillée avec le fer, si on y met seulement du baume, non seulement elle ne guérit pas, mais encore elle se corrompt et elle donne la mort.
Hélas ! hélas ! mon très doux Père, c'est ce qui fait que ceux qui obéissent se perdent dans le désordre et l'iniquité. Hélas ! je le dis en gémissant, combien est dangereux ce ver rongeur de l'amour-propre, qui non seulement donne la mort au pasteur, mais en fait périr aussi tant d'autres ! Pourquoi emploie-t-il de semblables moyens ? Parce qu'il redoute la peine. Le baume qu'il applique aux malades ne déplaît à personne, et personne ne lui en saura mauvais gré. Il n'a pas contrarié le malade, qui voulait du baume ; il lui en a donné. O misère humaine ! Le malade est aveugle, parce qu'il ne connaît pas son besoin ; le pasteur qui soigne est aveugle, car il ne voit et ne regarde que son plaisir et son utilité personnelle ; et, pour ne pas se nuire, il n'use pas du fer de la justice, ni du feu d'une ardente charité. Il arrive ce que dit le Christ : “Si un aveugle en conduit un autre, ils tomberont tous les deux dans le précipice.” Le malade et le médecin se précipitent dans l'enfer. C'est bien là un pasteur mercenaire ; car non seulement il n'arrache pas ses brebis à la dent du loup, mais encore il les dévore lui même. Et pourquoi cela ? Parce qu'il s'aime sans aimer Dieu, et il ne suit pas le doux Jésus, le vrai Pasteur, qui a donné sa vie pour ses brebis. Il est donc bien dangereux pour soi et pour les autres, cet amour coupable ; et il faut bien le fuir ; car il est la source de tout mal. J'espère, par la bonté de Dieu, Ô mon vénérable Père, que vous l'étoufferez en vous. »
V.
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