Bonjour Jean Kinzler,
1. Ce qui est premier, c'est l'adhésion à Jésus-Christ.
Ce qui est second, c'est l'adhésion à des dogmes.
Mais ce qui est second n'est pas secondaire, et est même nécessaire, dans la mesure où les dogmes renvoient à des mystères qui renvoient eux-mêmes à Jésus-Christ, et qui découlent de son être et de son agir.
2. Ainsi, que vaudrait une phrase telle que celle-ci : "J'adhère à Jésus-Christ, mais je n'adhère pas à l'Incarnation" ? De quel Jésus-Christ pourrait-il s'agir, sinon d'un homme adopté par Dieu, et non du Verbe de Dieu, incarné dans un homme ?
Dans ce qui suit, je force un peu le trait, mais peut-être pas beaucoup, en fait.
3. Aujourd'hui, disons au moins depuis 1945,
- on ne veut plus que la Foi catholique ait avant tout une vertu informative, dans l'ordre de la connaissance de Dieu,
mais
- on veut que la Foi catholique ait avant tout une vertu performative, dans l'ordre de l'action dans le monde.
4. Par ailleurs, beaucoup croient, font croire ou laissent croire que la référence dogmatique à la vérité révélée est plutôt un obstacle à l'adhésion à Jésus-Christ, parce que, comme je l'ai déjà entendu, "Jésus-Christ est une personne, alors que la vérité est une idole".
5. C'est absurde, ou c'est un sophisme, d'inspiration indirectement ou infidèlement heideggerienne, notamment parce que Jésus-Christ EST la Voie, la Vérité, la Vie, et parce qu'aucune référence dogmatique à la vérité révélée, dès lors qu'elle est bien comprise, ne constitue un obstacle à l'adhésion à celui qui est l'Incarnation de la vérité, ou la vérité incarnée.
6. Etre chrétien ce n'est donc pas AVANT TOUT croire en des dogmes, c'est AVANT TOUT adhérer à une personne, Jésus-Christ,
- mais, d'une part, l'adhésion à Jésus-Christ ne rend pas escamotable ni facultative l'adhésion à des dogmes, sinon il n'y aurait plus besoin du Credo,
- et, d'autre part, même l'adhésion à Jésus-Christ, nécessite, présuppose, la connaissance, la compréhension, la reconnaissance d'un minimum d'informations sur Jésus-Christ, cette "précompréhension" de Jésus-Christ pouvant être, dans sa forme, à caractère non dogmatique, mais ne pouvant pas, dans son fond, contredire, falsifier, "dépasser" ou "périmer" telle ou telle définition à caractère dogmatique.
7. Des phrases telles que :
- "avant, on croyait que Dieu est Créateur et Juge, mais aujourd'hui, on sait que Dieu est Amour et n'est qu'Amour",
- "avant, on croyait que la vérité est une certitude définie et orthodoxe, mais aujourd'hui, on sait que la vérité est un dévoilement progressif et pluraliste",
sont à peu près aussi BIAISEES que la phrase que vous citez : "être chrétien ce n'est pas croire en des dogmes mais adhérer à une personne, Jésus-Christ".
8. Les "répétiteurs" de ces phrases en ont-ils seulement conscience ? Ont-ils bien conscience du fait que leur explicitation porte en elle un potentiel de fragilisation, et non de clarification, de la Foi catholique ?
Les questions que l'on devrait pouvoir (se) poser dans l'Eglise, sont à peu près les suivantes :
- par quels moyens, et surtout pour quelles raisons, l'adogmatisme, voire l'anti-dogmatisme, a-t-il été élevé au rang de quasi-dogme ?
- par quels moyens, et surtout pour quelles raisons, a-t-on "à ce point là", pour ainsi dire, fait prévaloir la mise en oeuvre de "l'authenticité spirituelle", au détriment de la prise en compte de "l'exactitude dogmatique" ?
- pourquoi un mode de raisonnement "métaphysique" ou "substantialiste" est-il dorénavant considéré comme inapproprié, voire comme incompatible, vis-à-vis du christianisme catholique ?
Si qui que ce soit dispose d'éléments de réponse, merci beaucoup pour tout message...
Bonne journée et à bientôt.
Scrutator.