Il semblerait que votre auteur veuille que l'Eglise soit soumise à l'Etat.
Pour moi, les devoirs de l'Etat vis à vis de l'Eglise sont de lui faciliter sa tâche, pas de lui dire ce qu'elle doit faire.
J'adhère donc à ces propositions :
- La liberté de l’Église est un principe fondamental dans les relations de l’Église avec les pouvoirs publics et tout l’ordre civil.
- Dans la société humaine et devant tout pouvoir public, l’Église revendique la liberté au titre d’autorité spirituelle instituée par le Christ Seigneur et chargée par mandat divin d’aller par le monde entier prêcher l’Évangile à toute créature.
Vraiment je ne trouve rien à redire.
Il me semble même que c'est au nom de cette liberté de l'Eglise qu'on a eu le devoir d'intenter des procès au gouvernement au sujet de l'interdiction de la messe.
Je crois aussi qu'il faudrait comprendre, une bonne fois pour toute, que l'expression 'liberté religieuse' peut avoir deux sens, l'un mauvais et l'autre bon.
- Le premier signifie que chacun doit être absolument libre par rapport à toute religion. Le XIXème siècle était individualiste, et c'est ce sens qu'avait l'expression à l'époque. C'est inadmissible et Vatican II dans Dignitatis Humanae condamne en long et en large cette conception :
3. Liberté religieuse et relation de l’homme à Dieu
Tout ceci est plus clairement manifeste encore si l’on considère que la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle, par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d’amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l’homme participant de telle sorte que, par une heureuse disposition de la Providence divine, celui-ci puisse toujours davantage accéder à l’immuable vérité. C’est pourquoi chacun a le devoir et, par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse, afin de se former prudemment un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés.
(...)
Mais c’est par sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l’exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs, volontaires et libres, par lesquels l’homme s’ordonne directement à Dieu : de tels actes ne peuvent être ni imposés ni interdits par aucun pouvoir purement humain [3]. Mais la nature sociale de l’homme requiert elle-même qu’il exprime extérieurement ces actes intérieurs de religion, qu’en matière religieuse il ait des échanges avec d’autres, qu’il professe sa religion sous une forme communautaire.
Le second sens de l'expression 'liberté religieuse' est que les communautés ou institutions religieuses ne doivent pas être l'objet de pressions (de tout ordre et de tout degré) de la part de l'Etat. Ecrivant au XXème siècle, où ont fleuri les totalitarismes, c'est dans ce sens que les Pères conciliaires ont employé cette expression. Il s'agissait de réagir contre le nazisme et le communisme. En même temps il faut reconnaître un certain pouvoir à l'Etat en matière religieuse : par exemple si d'aventure une religion disait qu'on peut imiter son prophète, lequel aurait commis un acte pédophile, il faudrait que l'Etat exige des autorités de cette religion qu'elles fassent disparaître cette permission... Je crois que
Dignitatis Humanae ne s'en est pas trop mal tiré, bien que le texte ne dise pas assez que l'Etat est tenu lui aussi de chercher la vérité et de l'honorer officiellement.
Maintenant, il faut reconnaître que
Dignitatis Humanae est un texte doublement mal construit, ce qui excuse partiellement certaines critiques par ailleurs inadéquates.
Premièrement le plan en deux parties est inepte : d'abord on entend parler de la liberté religieuse en général, puis selon la Révélation : n'y a-t-il donc rien de général dans la révélation ? Et ne faut-il pas partir de la révélation pour chercher ENSUITE comment l'expliquer même à des non-croyants ?
Deuxièmement le point de départ, la dignité humaine, est mal choisi. La dignité de l'homme tient à son ouverture à Dieu. En un sens elle est inaliénable, dans la mesure où même le pire pécheur peut toujours se convertir, et partant, est toujours l'objet de l'amour miséricordieux de Dieu. Mais aussi, en chacun, la dignité est proportionnelle à ce qu'il fait de sa capacité à l'égard de Dieu, et de ce point de vue la dignité de l'homme n'est pas un absolu. C'est ce qui fonde la possibilité et même le devoir qu'a l'Etat d'intervenir contre les communautés qui se parent du titre de religion pour faire des choses inacceptables en droit naturel. Il y a aussi un devoir pour l'Etat, de tâcher de faire comprendre à l'ensemble de la population là où se trouve le vrai bien, mais en affirmant cela, il faut rester prudent, car l'Etat n'a pas en lui-même les ressources de la grâce qu'a l'Eglise pour reconnaître le vrai et le bien.
Et c'est cette dernière constatation qui justifie cette liberté que réclame l'Eglise, comme elle l'exprime dans les deux propositions auxquelles j'ai dit adhérer au début de ce message.
Votre dévoué Paterculus