Dom Chautard, Abbé de la Trappe de Sept-Fons, Les cisterciens trappistes - l’âme cistercienne, conférence à la Défense des Religieux anciens combattants, donnée à Paris le 28 janvier 1931 (extraits).
Il faut remercier le prieuré Saint-Louis de Nantes d’avoir remis ce beau texte de Dom Chautard aux fidèles nantais, le dimanche 8 novembre dernier. L’abbé de Sept-Fonds relate dans sa conférence l’entretien qu’il a eu avec Clémenceau, entretien qui a permis à Sept-Fonds d’être épargné par les expulsions. Manifestement Monsieur de Paris doit ignorer ce texte.
La Sainte Messe expliquée au gouvernement
La Messe de tous les jours. Non plus seulement notre prière à Dieu, mais la prière de Dieu lui-même. Vous ne savez pas ce que c’est que la Messe. Hélas ! ll y a tant de chrétiens qui ne le savent pas non plus ! Mais nous savons, nous ; du moins notre foi nous fait découvrir quelque chose de cette splendeur qu’est la Messe.
La Messe, c’est le sacrifice divin du Calvaire se reproduisant chaque jour au milieu de nous. Tous les jours, le Christ offre à Dieu sa mort par les mains du prêtre, tout comme au ciel dans la Messe de gloire il présente à son Père les cicatrices glorieuses de ses plaies pour perpétuer l’efficacité rédemptrice de la croix. Tous les jours, à la Messe, le Christ renouvelle l’œuvre immense de la rédemption du monde.
Et à cet événement, le plus grand qui se puisse passer sur terre, plus important que le choc des armées, plus salutaire que la plus féconde des découvertes scientifiques, vous pensez que nous pourrions assister sans un frémissement de tout notre être, les yeux et l’esprit atones, le cœur desséché par l’accoutumance ? On ne s’accoutume pas à la Messe. Ou alors quelle serait notre foi ? Quand le Christ donne son sang afin d’offrir à son Père le seul hommage d’adoration qui soit digne de lui, nous resterions inertes et sans vibrer devant cette grande chose d’un Dieu qui adore un Dieu ? Quand, par son sacrifice, il remercie pour toutes les grâces qui pleuvent sur le monde nous qui en sommes les premiers bénéficiaires, nous n’unirions pas notre merci au sien ?
Comment ! C’est pour nos péchés et pour ceux du monde entier que le Christ est mort ; et s’il continue à s’immoler à la Messe, c’est pour demander continuellement pardon, puisque continuellement nous péchons ; et nous, coupables, nous ne nous frapperions pas la poitrine en criant notre repentir ? Par sa mort, il nous a obtenu des richesses de grâces ; à la Messe, il continue à les demander pour nous ; il veut nous en combler pour peu que nous lui ouvrions notre âme ; et nous ne chercherions pas à joindre nos pauvres prières à sa supplication toute puissante ? Encore une fois, où seraient notre foi et notre amour ?
Ah ! Monsieur le Président, ne traitez pas tout cela de billevesées. Vous n’en avez pas le droit. Alors que nous avons dans notre lignée des Augustin, des Pascal et des Bossuet, et ce grand converti que fut Lacordaire, alors que tant de génies ont eu la même foi que nous, on peut ne pas la partager, on ne doit pas s’en moquer.
Mais comprenez-vous quelle foi nous soutient, quelle ardeur d’amour nous échauffe le cœur, et comme notre vie, toute tournée vers l’Eucharistie, est belle et chantante ? Et comprenez-vous aussi que, si on a la foi, on doit admettre l’existence des Ordres contemplatifs, la nôtre. On ne conçoit pas l’Eucharistie sans des hommes qui en font le centre de leur existence et se sont spécialement voués à l’adorer et à l’aimer.
Car c’est vraiment toute notre vie qui est ensoleillée par l’Eucharistie. Quand nous avons en notre âme le renouveau de vie que nous donne la communion, toute notre journée en est imprégnée. Et que pourrions-nous alors trouver difficile ? Jésus, a dit Pascal, sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Nous, ses amis, ses intimes, pourrions-nous hésiter à partager un peu ses souffrances puisqu’il nous convie à cet honneur ?
Il y a, dans notre religion, une merveille trop peu connue, le dogme de la communion des saints. Pas un sacrifice, pas un acte d’amour, pas une prière accomplie quelque part sur la terre, qui n’aient leur répercussion immense dans le monde des âmes. Par là, unissant nos pauvres prières à celles du Christ, nos mortifications aux siennes, notre amour à son amour, nous attirons sur les âmes, sur les familles, sur les États, des grâces sans nombre. Et voilà encore qui donne du prix à notre vie et la fait resplendir d’un nouvel idéal.