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Commentaires et réflexions;La nouvelle traduction française du Missel romain
par Jean Kinzler 2020-01-11 15:13:54
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La nouvelle traduction en français du Missel romain (2019)
Commentaires et réflexions.
Dans l'Instruction Liturgiam authenticam du 28 mars 2001, le Pape saint Jean-Paul II demandait une
nouvelle traduction du Missel romain réformé par le Pape Paul VI en 1970 (la troisième édition
typique en latin est de 2002) qui soit conforme et fidèle au texte original. Le document était très
précis et stigmatisait les dérives (idéologiques) des traductions en vigueur. Il donnait six ans aux
conférences épiscopales pour "rendre leur copie". Investies depuis le Concile Vatican II par des
progressistes toujours à la manœuvre, de l'indolence complice des évêques, d'ailleurs très divisés,
lesdites Conférences nationales ont traîné, envoyé des projets à la Congrégation du Culte divin et
de la discipline des Sacrements à Rome, retoqués, renvoyés et imparfaitement amendés; bref, on
bloquait le processus et on paralysait les travaux.
Le préfet de la Congrégation, le Cardinal Robert Sarah, nommé par le Pape François, restait ferme
dans les exigences de l'Eglise dans Liturgiam authenticam. La situation étant bloquée et l'autorité
romaine, en la matière, faible et défaillante, le Pape François a modifié l'Instruction de Benoît XVI
de 2001 par le Motu proprio Magnum Principium, enlevant de fait à la congrégation pour le Culte
divin de tout pouvoir de censure pour en faire une chambre d'enregistrement (une simple
confirmatio) du travail des liturgistes francophones.
C'est ainsi que nous avons la nouvelle traduction en français qui présente bien des améliorations
cependant et un retour à la conformité des textes avec le texte latin et la foi catholique.
Cette traduction a été publiée en novembre 2019 en coédition avec l'AEFL pour les textes,
"Magnificat" et "Mame" pour l'ensemble de l'ouvrage (121 pages; 5,95 €). Les mots et phrases
nouveaux sont en bleu dans cette édition.
En feuilletant l'ouvrage, je vous fais part de quelques remarques (non exhaustives):
- dans le Confiteor du début de la messe, bienheureuse a été rajoutée à "Vierge Marie", mais semper
virgo (toujours vierge), non.
- dans le Gloria, on revient aux péchés personnels (les péchés) et non au vague le péché du monde.
- dans la conclusion de la Collecte, on précise bien "Par Jésus Christ... notre Seigneur... dans l'unité
du Saint-Esprit, Dieu..." dans les trois formules, selon qu'on s'adresse à l'une au l'autre des
Personnes.
- au Credo, l'équivoque de même nature est enfin traduit correctement par consubstantiel (au Père).
Dans la Liturgie eucharistique:
- A l'introduction de la "Préparation des dons", il est précisé que sur l'autel doivent être placés "le
missel, le corporal, le purificatoire et la pale" (en italique). Qu'est-ce à dire ? La pale, qui protège le
contenu du calice et soutient "le voile du calice" toujours de règle (au détriment de la bourse qui
abritait le corporal, linge sacré) a disparu dans bien des communautés que j'ai fréquentées.
Il est toujours précisé que les paroles de l'offertoire sont dites "à voix basse".
Le coeur humble et contrit est de retour dans la prière que le prêtre dit à la suite "tout bas",
"profondément incliné".
Au lavabo il est dit que "sur le côté de l'autel" le prêtre "se lave les mains". C'est ridicule. Il se lave
les mains à la sacristie ou chez lui, mais à l'autel, il purifie ou "lave" les deux doigts qui vont toucher
la sainte hostie, le pouce et l'index, qu'il gardera joints tout le temps jusqu'à ce qu'il les purifie
après avoir touché les hosties pour la communion (d'où l'incongruité de la communion dans la main
des fidèles qui ne purifient rien du tout, ni avant, ni après !) comme il est d'usage dans la forme
extraordinaire du rite romain.
A la fin de "la préparation des dons", les formules actuelles, non conformes au texte original en
latin, sont complètement remaniées, vous les découvrirez (Cf pages 65 et 66 du livre cité au début)
- Dans la première Préface des dimanches donnée dans le livre, à part des ajouts, la hiérarchie
angélique n'a pas été rétablie selon l'original, après "les anges et les archanges": "les Trônes et les
Dominations, avec toute la milice de l'armée céleste".

2

Prières eucharistiques:
- La I ou "canon romain" (Il est rappelé dans l'un des commentaires du début du livre, qu'il "est cité
déjà en grande partie par saint Ambroise, mort en 397; p. 27):
Au début, après le signe de la croix sur les oblats (au lieu des trois dans l'ancienne liturgie), "ces
offrandes saintes" sont mieux traduites par ces dons, ces offrandes, sacrifice pur et saint...
"Le Pape" est redevenu notre Pape. La "damnation" est redevenue éternelle (damnatio aeterna).
Pour les paroles de la consécration, peu de changements, mais on regrette que calix soit toujours
et systématiquement traduit par coupe et non par calice. C'est la même chose, certes, mais coupe est
d'usage profane et multiple (Cf "coupe de fruits", "coupe de Champagne", coupe ou trophée des
concours sportifs, etc.), tandis que calice est du vocabulaire religieux et bien compris ainsi par nos
contemporains.
A la fin de la consécration du précieux sang, on regrette aussi que le futur ait été maintenu: Vous
ferez cela en mémoire de moi alors que le texte latin du Missel de 1970 avait rétabli l'impératif (hoc
facite...: faites ceci...) dans les paroles du Christ le Jeudi-saint (Cf Lc 22, 19; 1 Co 11; 23, 25) et avait
associé fort heureusement l'institution du sacrement de l'Ordre (Faites ceci...) à celle du sacrement
de l'Eucharistie (Ceci est mon corps... Ceci est mon sang).
Dans l'ancienne liturgie (dite forme extraordinaire), ces paroles étaient disjointes et c'est en faisant la
génuflexion après les consécrations que le prêtre disait à voix basse: "Toutes les fois... vous le ferez
en mémoire de moi".
Le concile de Trente spécifie bien: (après les paroles de la consécration) " Il donna son corps et son
sang aux apôtres sous les espèces du pain et du vin - qu'il constituait alors prêtres de la Nouvelle
Alliance - pour qu'ils les prennent; et à ceux-ci ainsi qu'à leurs successeurs dans le sacerdoce, il
ordonna de les offrir en prononçant ces paroles: Faites ceci en mémoire de moi (Lc 22, 19; 1 Co 11, 24),
etc, comme l'a toujours compris et enseigné l'Eglise catholique." (22ème session, Doctrine et canons
sur le sacrifice de la messe, chap. 1, canon 2).
Rappelons que le Concile de Trente réaffirmait la Foi catholique contre l'hérésie luthérienne qui ne
croyait ni au sacrifice perpétué sur l'autel (il abhorrait le terme de messe), ni le sacerdoce ministériel, ni
le sacrement de l'Eucharistie (ni aucun sacrement d'ailleurs; il gardait le baptême mais qui ne
communiquait pas la grâce sanctifiante).
Avant les paroles de la consécration, il est rappelé dans les prières eucharistiques au célébrant:
"Il prend le pain et le tient un peu au-dessus de l'autel". De même: "Il prend le calice (tiens !) et le
tient..."
Alors qu'on voit évêques et prêtres qui n'ont plus aucune références, consacrer en une sorte
d'élévation prématurée. Surtout qu'il est toujours précisé: "Il s'incline un peu."
Dans la Prière eucharistique II, au memento des défunts, on réintroduit les défunts au lieu de ceux qui
ont quitté cette vie. Au lieu de "reçois-les dans ta lumière, auprès de toi" on a: accueille-les dans la
lumière de ton visage. Ce n'est guère fameux, et visage aurait pu être traduit par face, plus biblique.
Dans la Prière eucharistique III, après la consécration, la deuxième phrase, "Regarde, Seigneur...
qui nous a rétablis dans ton alliance" est remplacée par "reconnaître ton Fils qui, selon ta volonté,
s'est offert en sacrifice pour nous réconcilier avec toi."
Dans la Prière eucharistique IV, au début, dans le troisième paragraphe, à "Conçu de l'Esprit Saint",
il est ajouté et donc précisé: Dieu fait homme. Avant la consécration, lorsque le prêtre étend les mains
sur les offrandes et qu'il les signe "de ton Fils" est remplacé par de notre Seigneur Jésus, le Christ.
Dans le Pater, la nouvelle traduction est déjà entrée en vigueur. L'hérétique et blasphématoire (Cf
Jc 1,13) ne nous soumets pas à la tentation (le Catéchisme de l'Eglise Catholique, 1992, en donne une
interprétation orthodoxe au n° 2846) a été remplacé par la formule non satisfaisante ne nous laisse pas
entrer en tentation. On peut bien "entrer en tentation" sans y succomber ! Le Christ y est bien entré
- librement - au désert sans y succomber (Cf Mt 4, 1; Mc 1, 12; Lc 4, 2).
Qu'avaient les réformateurs à changer la traduction si claire ne nous laisse pas succomber à la tentation
sauf pour "réformer" à tout prix ?

3

Après le Notre Père, la traduction de la prière "Délivre-nous..." a été rectifiée: ...nous espérons le
bonheur que tu promets a été traduit par: ...nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance...
A l'Agnus Dei, par contre, le vague et irresponsable péché du monde a justement été remplacé par les
péchés au pluriel (peccata); ce sont des péchés personnels que le Christ est venu expier.
Avant la communion, il est indiqué que le prêtre "tient l'hostie un peu élevée au-dessus de la
patène ou du calice". C'est un geste plus beau et plus signifiant que celui d'élever la grande hostie
brisée au-dessus de la patène au lieu d'en élever une petite au-dessus d'un ciboire comme dans la
forme extraordinaire. Il est précisé aussi que le prêtre est tourné vers le peuple..." (c'est donc qu'il
célébrait ad orientem et qu'il doit maintenant se tourner vers les fidèles) en disant: Voici l'Agneau de
Dieu... qui enlève les péchés du monde.
Heureux les invités au repas du Seigneur a justement été remplacé par la belle citation Heureux les
invités au repas* des noces de l'Agneau (Cf Lc 14, 15 et Apoc 19, 9). * Banquet ou festin eurent été mieux.
Avant la communion, pour les fidèles, le texte français escamote le mot âme qui figure dans
l’original latin. Il aurait fallu traduire : Seigneur, je ne suis pas digne que Tu entres sous mon toit, mais
dis seulement une parole et mon âme sera guérie.
Dans la demande que le prêtre fait à voix basse avant de communier, on peut regretter aussi que
la messe réformée, dans l'original latin cette fois, ait supprimé dans anima mea, le mot âme dans
"Que le Corps (avec une majuscule précise-t-on) du Christ me garde pour la vie éternelle" au lieu de
"garde mon âme" dans la forme extraordinaire. De même pour la communion au précieux sang.
Dans le "rite de conclusion", la conjonction et a été heureusement traduite entre le Père et le Fils
pour la bénédiction finale: Que Dieu tout-puissant vous bénisse, le Père, et le Fils, † et le Saint-Esprit.
Avis à ceux qui (même prêtres et évêques) disent (et font) le signe de la croix en l'omettant, car les trois
Personnes divines sont égales et distinctes !
Conclusion personnelle:
La nouvelle traduction est un peu meilleure, mais là encore, on ne va pas jusqu'au bout de ce qu'on
prétend faire. Et le résultat est mitigé. Et il est assez scandaleux qu'un retour à une traduction fidèle
et confirme à la foi catholique demandée par le Pape saint Jean-Paul II il y a presque vingt ans
paraisse, mitigée, aujourd'hui et mise seulement en vigueur en décembre 2020 !
Il est clair que l'Eglise d'aujourd'hui demeure encore prisonnière d'un esprit délétère et corrupteur
qui a fait tant de ravages après une réforme liturgique si nécessaire mais détournée de son sens.
Cela n'aide pas à un vrai renouveau qui sera encore bridé par un tel comportement...
Continuons cependant à vivre et à célébrer autant qu'on nous le permette un vrai renouveau
théologique et mystique fruit de la vie de l'Esprit qui n'a jamais quitté le Corps de notre sauveur
Jésus-Christ: Son Eglise.
Abbé X.
Noël 2019

Cf page suivante: "Le tutoiement dans les textes liturgiques".
Annexe :
Le tutoiement dans les textes liturgiques:

4

Le savant abbé Carmignac (1986) a exprimé avec beaucoup de finesse sa pensée sur le
vouvoiement ou le tutoiement de Dieu, notamment dans son livre A l’écoute du Notre Père, à la
page 24 :
« Après avoir beaucoup hésité, je me résigne dans cet ouvrage à tutoyer Dieu, pour me conformer à la
mode actuelle. Mais je ne voudrais pas qu’on m’accuse d’oublier les arguments très forts qui plaident en
faveur du ‘vous’. D’abord la fidélité à l’usage hébraïque, qui emploie presque toujours pour Dieu le pluriel
de majesté (Êlôhim, Adônâï). Ensuite le génie de la langue française, où le ‘tu’ implique une nuance soit
d’intimité, soit de supériorité, soit de vulgarité ; en conséquence, ceux qui vivent déjà avec Dieu dans une
relation d’amitié apprécieront volontiers la nuance d’intimité dégagée par le tutoiement, mais ceux qui
n’ont pas encore pénétré dans cette amitié de Dieu risqueront de ne pas y mettre suffisamment de
respect ».
L’auteur de cette petite étude sur les traductions liturgiques est un fervent partisan du
vouvoiement de Dieu dans les prières en français et se prend à rêver d’une liturgie où Dieu serait
vouvoyé. Ce qui serait d’ailleurs plus conforme au génie de la langue française (les Hollandais et
les Catalans continuent à utiliser dans la liturgie le pronom personnel de majesté). Mais puisqu’il
semble impensable – mille fois hélas ! – de revenir chez nous au vouvoiement dans la liturgie (à
moins que...), il faudrait dans ce cas créer un véritable tutoiement liturgique.
Un philosophe catholique disait un jour, en parlant de l’Église de France : « Quelle est donc cette
maison de fous où l’on tutoie le patron et où l’on vouvoie les domestiques ! »
En effet, on dit « Gloire à toi, Seigneur » mais « Et avec votre esprit ».
Or il serait bon d’adopter un tutoiement liturgique pour tous, comme en Allemagne, en Espagne
ou en Italie où l’on tutoie liturgiquement le prêtre, l’évêque et même le Pape (p. ex. Der Herr sei
mit euch. / Und mit deinem Geiste – Il Signore sia con voi. / E con il tuo spirito – El Señor esté con vosotros.
/ Y con tu espíritu).
Et il serait même bon, lorsque le « tu » désigne Dieu, de l’écrire avec une majuscule (Tu, Te, Toi,
Ton, etc.). On pourrait donc avoir « Et avec ton esprit » en s’adressant au prêtre célébrant, mais
« Que Ton nom soit sanctifié » en s’adressant à notre Père du ciel.
D’une manière générale, il serait peut-être bon, afin de marquer typographiquement la majesté
divine, d’employer des majuscules pour les pronoms personnels et pour les pronoms et adjectifs
possessifs se rapportant à Dieu :
Celui qui Me mangera vivra par Moi.
...sur ceux qui Le craignent ;
...saint est Son nom ;
...que Ta volonté soit faite.
("Vers de nouvelles traductions liturgiques" par l’abbé Olivier Günst Horn,
diplômé en latin ecclésiastique. Ed. de L'Homme nouveau, 2012, pp. 37-39)
- Le même confrère a bien voulu me communiquer son analyse à propos de la nouvelle
traduction du Notre Père:
"Ne nous laisse pas entrer en tentation: cette nouvelle traduction n’est ni hérétique ni
blasphématoire comme la précédente, mais elle n’a aucun sens.
D’abord, il y a la confusion entre en et dans la. Une maison en bois et une maison dans le bois, ce
n’est tout de même pas la même chose ! Or, « entrer en tentation », cela signifie « commencer à
être tenté ».
Alors que « entrer dans la tentation » veut dire « y succomber ». Mais cette subtilité échappe à nos
contemporains, car la langue évolue au fil des siècles. C’est pourquoi, il vaut mieux une formule
plus explicite telle que ne nous laisse pas succomber à la tentation.
On n’imagine pas quelqu’un dire en confession : « Je suis entré en tentation » alors que l’on peut
concevoir quelqu’un disant : « J’ai succombé à la tentation ».

5

Les hispanophones (Espagne et presque toute l’Amérique latine) disent : No nos dejes caer en la
tentación (= ne nous laisse pas tomber dans la tentation).
Les lusophones (Portugal et Brésil) disent, en vouvoyant : Não nos deixeis cair em tentação (= ne
nous laissez pas tomber dans la tentation).
Les Catalans disent, en vouvoyant également : No permeteu que nosaltres caiguem a la temptació (=
ne permettez pas que nous tombions dans la tentation)."

Un prêtre français

     

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