Je vous laisse donc me fliquer, si cela vous amuse (ce que je peux aisément comprendre du reste, je ne suis pas totalement exempt de telles tendances).

Par ailleurs, vous ne m'avez pas bien lu. Je sais fort bien que l'anonymat n'est pas strictement exigé sur ce forum. C'est pourquoi j'ai parlé de règle générale, savoir : de règle généralement suivie par les liseurs, quoiqu'on ne leur en fasse pas un devoir rigoureux.

Je ne crois pas non plus que tout le monde puisse être historien.

Mais cela ne signifie pas qu'il faille jeter un regard de mépris sur toute personne parlant d'histoire sans avoir les diplômes ou les publications requises ; tout d'abord parce que le mépris ne convient pas plus à l'historien qu'au chrétien ; et aussi parce que la méthode historique n'a rien d'ésotérique, mais relève fondamentalement du gros bon sens, de telle sorte qu'il arrive que des personnes simplement pourvues d'une bonne culture générale soulèvent des questions intéressantes ou fassent des remarques pertinentes au contact des sources ou d'un livre, bon ou mauvais (car on peut apprendre des choses même dans certains mauvais livres). J'ai entendu des professeurs de la Sorbonne et des archivistes chevronnés parler avec respect des historiens amateurs et autres généalogistes.

Par ailleurs, quoiqu'il m'arrive également d'éprouver un certain agacement quand des personnes qui n'y connaissent pas grand-chose se mettent à pontifier (spécialement quand cela touche à mon domaine de recherche), il serait parfaitement illusoire de croire que l'on pourrait défendre à ceux qui ne peuvent produire les garanties extrinsèques de sérieux de parler d'histoire.

Car tout le monde parle d'histoire, par goût ou par nécessité, ou ne serait-ce même que par devoir professionnel. Les enseignants du secondaire, qui n'ont pas tous fait beaucoup de recherche, qui sont même parfois des géographes, parlent d'histoire ; les littéraires et les philosophes parlent d'histoire (et disent parfois des sottises, certes, mais c'est inévitable et peut-on toujours leur en tenir rigueur ?) ; les instituteurs parlent d'histoire pour en apprendre les rudiments à leurs élèves (du moins en théorie), etc.

C'est pourquoi je crois qu'il est contre-productif de se réfugier systématiquement derrière des titres (dans les deux sens du terme, grades ou références bibliographiques) quand ce sont des idées ou des faits qui sont avancés. Une objection pertinente est une objection pertinente, qu'elle vienne de l'érudit le plus savant ou du plus ignare des collégiens.

Je crois d'ailleurs, et je ne pense pas être le seul, que l'actuelle dérive d'hyperinflation bibliographique est une plaie pour les sciences humaines et les disciplines littéraires : combien de thèses avec des bibliographies à rallonge où il est clair que l'auteur, je ne dis pas n'a pas lu, mais n'a même pas feuilleté un quart des ouvrages qu'il mentionne ; combien d'articles pourvus d'une avalanche de références qui après vérification se trouvent n'avoir qu'un rapport très lointain avec la question dont il s'agit, et qui noient le propos plutôt qu'elles ne l'éclairent ? Tout le monde (ou presque : il est vrai qu'on a des doutes quand on voit certains étudiants) sait recopier une bibliographie : quand on a simplement produit des titres, on n'a encore rien dit.

Sur ce je vous souhaite une bonne journée.

Peregrinus

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