Parallèles troublants par Peregrinus 2019-01-23 21:18:11 |
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L'anglicanisation me semble effectivement l'un des périls qui guettent l'Eglise, ou plus exactement, l'un des résultats malheureux que risquent de produire les dérives actuelles.
Je reproduis ci-dessous quelques extraits d'un ouvrage sur l'histoire de l'Eglise anglicane (E. R. Norman, Church and Society in England (1770-1970). A Historical Study, Clarendon Press, Oxford, 1976), d'autant plus intéressant qu'il est presque contemporain de certains faits qu'il évoque.
Beaucoup de radicaux d’Eglise crurent qu’ils tiraient leur nouveau radicalisme de leurs études théologiques, mais, comme toujours, l’influence s’exerçait en sens inverse – les études bibliques ont été adaptées de manière à correspondre exactement aux canons moraux de l’humanisme contemporain et de la « culture de la jeunesse » de cette époque. Cela montre également à quel point les principaux penseurs de l’Eglise étaient liés à la société contemporaine, à quel point ils étaient intégrés à l’intelligentsia. Mais après 1960, comme il arriva, les valeurs intellectuelles en vogue promurent une rupture avec la société et ses institutions. Les défenseurs [u radicalisme] parlèrent d’un refus d’accepter des solutions simplistes, de leur rejet des orthodoxies, de « pluralisme » et d’ « ouverture ». Mais en réalité, leurs positions constituèrent une nouvelle orthodoxie libérale – acritique vis-à-vis de son acceptation essentielle des principaux canons de l’humanisme laïc. […]
La séparation de la minorité radicale par rapport aux positions de la plupart des hommes d’Eglise a en fait mené à une situation dans laquelle il est possible de parler de « deux christianismes ». L’expression a été utilisée par le chanoine David Edwards à propos de la Conférence des chefs d’Eglise tenue à Birmingham en septembre 1973. « Conservateurs et radicaux semblaient avoir des conceptions irréductiblement différentes de l’Eglise », notait-il. « L’affrontement théologique mis au jour a été un affrontement entre deux christianismes. » Edwards définit également deux psychologies religieuses – « une psychologie d’ouverture, à l’appui d’une théologie aventureuse », et une « psychologie de révérence et d’humble étude, à l’appui d’un système doctrinal ». (p. 416-417)
Les radicaux ne semblaient pas conscients du point auquel leurs positions étaient devenues l’orthodoxie dans l’élite académique : ils préféraient se voir eux-mêmes comme enfermés dans une bataille contre l’ « establishment » et ses manières de penser. [...]
On constatait partout l’influence de Tillich et de Bonhoeffer ; le rejet du « triomphalisme » ; le désir de prouver la pertinence de la moralité laïque par des instruments d’analyse favorables. (p. 421)
La « nouvelle morale » a été étroitement liée à la « nouvelle théologie ». Il est intéressant de noter que la plupart des défenseurs de l’ « éthique de situation » ont attaqué l’Eglise pour avoir excessivement insisté dans le passé sur la morale sexuelle et pour avoir ainsi encouragé une « déviation chrétienne largement répandue qui fait de la sexualité l’équivalent du péché » (Howard Root, « Ethical Problems of Sex », dans God, Sex and War, Londres, 1963). Et pourtant, eux aussi ont appliqué leur « éthique de situation » exclusivement au comportement sexuel. On a beaucoup écrit sur la nécessité d’abandonner les approches « légalistes » de la morale, de traiter le peuple comme « responsable » et « adulte » : pourtant aucun de ces penseurs n’a suggéré, par exemple, qu’un « homme parvenu à l’âge » pourrait être autorisé à exercer sa propre responsabilité dans des questions morales telles que la discrimination raciale ou la peine capitale. L’ « éthique de situation » n’a en réalité jamais été appliquée à la morale sociale ; en revanche elle a été appliquée d’une manière plutôt exhaustive à la morale sexuelle, à la sphère « privée », où les hommes sont censés être suffisamment responsables pour exercer l’intendance sur le corps des autres sans avoir besoin d’inhibitions légales. « L’obsession pour la sexualité frappera probablement les futurs historiens comme l’une des caractéristiques les plus remarquables de notre époque » (R. H. Fuller et B. K. Rice, Christianity and the Affluent Society, Londres, 1966). (p. 427-428)
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