Certes, votre réflexion est intéressante, et je vous remercie pour cela. Mais les raisons que vous invoquez ne sont pas satisfaisantes. Je pense que Saint Joseph a sa place dans le Canon de la Messe, et il y a d'excellentes raisons pour le justifier. Voici donc pourquoi je suis en désaccord avec vous:
1- Tout comme Saint Joseph, il faut mentionner que Saint Jean-Baptiste non plus n'a pas assisté aux événements de la Passion (Cène et Croix). Et pourtant, le Précurseur est bel et bien nommé dans le Canon, non pas dans la première liste des Saints (Communicantes) mais dans le seconde liste (Nobis quoque peccotoribus) et ce en tout premier. Ainsi, le fait pour Saint Joseph de ne pas avoir assisté aux événements de la Passion n'est pas une raison théologique suffisante pour lui refuser sa place dans le Canon.
2- Pareillement, il n'est pas exact de dire que les Saints du Canon de la Messe se limitent à ceux qui étaient présents au Cénacle. Dans les Communicantes, on mentionne, pour ne donner que cet exemple, pas moins de 5 saints (Chrysogone, Jean et Paul, Côme et Damien) qui furent martyrisés au… IVe siècle ! Nous sommes ici quand même loin de l'épisode du Cénacle (à environ 300 ans de distance), alors qu'entre la mort de saint Joseph et la Pentecôte il y a tout au plus un demi-siècle ! Ainsi, on ne peut considérer la liste des Saints du Canon de la Messe comme étant uniquement ceux qui sont liés au Cénacle. Et cette liste ne s'étend pas uniquement aux premiers pontifes comme vous le suggérez puisque les Communicantes mentionnent également 5 laïcs (les mêmes qui furent martyrisés au IVe siècle) et un diacre (Laurent). Quant à la seconde liste de Saints, elle mentionne les noms de 7 femmes, ce qui prouve que le Canon de la Messe ne se limite pas à nommer des pontifes.
3- Il est vrai que la Messe est le renouvellement du sacrifice de la Croix, et par conséquent ce sont surtout les événements de la Rédemption (la mort, la résurrection et l'ascension) dont nous faisons mémoire (Undes et Memores). Cependant, nous pouvons dire qu'à la Messe nous faisons mémoire également de tous les autres mystères, en particulier celui de l'Incarnation. Le Catéchisme de Spirago est particulièrement éclairant à ce sujet:
''Au moment de la consécration se renouvelle en quelque sorte le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, et cela par l'opération du Saint-Esprit, comme lors de la salutation de l'archange (S. Jean Damascène). Ainsi que Marie, le prêtre par quelques paroles attire le Fils de Dieu du haut du ciel. À la messe, Jésus-Christ semble s'incarner de nouveau, et c'est pourquoi on lit à la fin du sacrifice l'Évangile de S. Jean où il est dit : ''Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous.'' C'est pour le même motif qu'à la grand'messe, pendant le Credo, on chante sur un ton particulier: ''Et il s'est incarné de la bienheureuse Vierge Marie, par l'opération du Saint-Esprit.'' À la sainte messe se renouvelle d'une certaine manière la naissance de Jésus-Christ, car par la bouche du prêtre, Jésus-Christ apparaît sur l'autel (S. Jérôme); (…) C'est pourquoi l'Église récite à la messe, le cantique des anges, le Gloria in excelsis, qui retentit à Noël dans les campagnes de Bethléem. C'est encore pour cela que Jésus, après la consécration, est souvent apparu sous la forme d'un petit enfant, par ex. à S. Pierre d'Alcantara et à d'autres saints (…).'' (page 434)
Or, après la Vierge Marie, qui d'autre que Saint Joseph fut le plus grand témoin du mystère de l'Incarnation? Comment pourrions-nous faire mémoire de la naissance de notre Sauveur en faisant fi de Saint Joseph?