Mais admettons - il ne s'agit que d'une situation hypothétique - que l'on découvre que la renonciation de Benoît XVI ait été réalisée sous la pression et que, par conséquent, l'élection du Pape François soit invalide, que se passerait-il des actes juridictionnels que ce dernier a jusqu'alors accomplis, plus précisément ses canonisations, de même que ses nominations épiscopales et cardinalices?
Merci pour votre citation ! Ceci dit, même s’il est exact qu’après la fin du grand schisme d’Occident, l’Église n’a pas remis en question l’
ensemble des décisions prises par les différents “papes” contestés, le pape Martin V a cependant montré, dans le cas précis de la
canonisation de sainte Brigitte, qu’il ne jugeait pas ces décisions
incontestables :
“Martin V, qui eut la glorieuse mission de mettre fin au grand schisme, ne s’exprime pas différemment du Concile de Constance, il ne manque jamais de dire : Joannes XXIII, Gregorius XII, Benedictus XIII, in suis obedientiis sic nominati. Un exemple curieux montre à quel point le Pape Martin V fut fidèle à la pensée du Concile de Constance, au sujet des Papes du schisme. La canonisation de Sainte Brigitte fut entreprise peu d’années après la mort de l’admirable sainte. Sa cause, commencée par Grégoire XI [dernier pape avant le schisme], fut poursuivie par Urbain VI¹, et complètement terminée par Boniface IX¹, en 1391. La confirmation de cette canonisation fut demandée en 1415, en Concile de Constance, par les Ambassadeurs de Suède, de Danemark et de Norvège : Jean XXIII² accorda la demande et présida à la nouvelle canonisation.
[…]
“Cependant Jean XXIII ayant été déposé, on demanda à Martin V en 1419, de canoniser une autre fois Sainte Brigitte. Martin V accéda à la demande par une constitution éditée à Florence et imprimée en tête des Révélations de Sainte Brigitte. Pourquoi Martin V procède-t-il à cette confirmation ou validation ? Ad bonarum mentium, et conscientiarum serenationem puriorem. On voit par ce seul exemple que si Boniface IX¹ était un Pape douteux pour Jean XXIII² ; l’un et l’autre étaient douteux pour Martin V. Si les actes de ses prédécesseurs avaient été valides, Martin V les auraient déclarés valides ; car, dans l’Église, on ne procède à l’itération des sacrements et des déclarations infaillibles, que dans le cas de nullité et de doute invincible.”
Abbé Louis Gayet, Le Grand Schisme d’Occident, t. I, 1889, pp. VII-X.
Pour faciliter la compréhension de ce texte que m’avait communiqué N.M. à l’époque, je me suis ici permis d’ajouter, à la suite des noms des “papes” ( ou prétendus tels), un ¹ pour ceux de la lignée romaine, et un ² pour ceux de Pise...
Le point capital, si j’ai bien compris, n’est d’ailleurs pas de savoir si un pape est légitime, mais – ce que soulignait
John Daly au cours de la discussion qui a suivi mon intervention – si cette légitimité est
certaine aux yeux de l’Église. C’est uniquement de cette certitude – de ce “fait dogmatique” pour employer le vocabulaire théologique – que découle l’autorité des décisions prises au nom de l’Église.
V.
N.B. Le problème me paraît un peu différent pour les nominations d’évêques : il faudrait distinguer la validité de la consécration d’une part, et d’autre part la juridiction de l’évêque élu. Mais, vu mon incompétence, je me garderai bien de m’avancer davantage sur ce terrain.