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La langue française n’est pas une langue liturgique
par Diafoirus 2013-06-09 18:00:56
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La langue française n’est pas une langue liturgique

«... En racontant l’histoire de la liturgie, je me suis trouvé amené à faire voir comment les livres liturgiques actuellement en usage dans un grand nombre d’églises [...] ont détruit l’unité de culte qui existait avant leur fabrication, comment ils ont été rédigés contrairement à tous les principes admis en matière de liturgie, quelle part ont pris les sectateurs de l’hérésie [...] à cette grande révolution, qui a tant influé sur le sort de la piété chrétienne parmi nous.
Dom Guéranger, Défense des Institutions liturgiques

Pas plus que les autres langues vernaculaires, la langue française ne peut servir de langue liturgique.

Le Concile de Trente en sa XXIIe session (can. IX) avait condamné formellement la liturgie en langue vernaculaire (Si quis dixerit lingua tantum vulgari missam celebrari debere, anathema sit.)
Pourquoi ? Parce que la liturgie s’adresse à Dieu, et donc dans une langue sacrée, consacrée à Dieu, et non d’usage vulgaire.
Quelles sont les langues sacrées ? Ce sont d’abord les trois langues du Titre de la Croix, soit l’hébreu, le grec et le latin, qui sont aussi les trois langues de l’Ecriture Sainte.

Par la suite s’y sont adjointes d’autres langues que la tradition a consacrées : le syriaque ou araméen, l’arménien, le copte, le guèze (éthiopien), le slavon et l’arabe.

« En lisant l’Ecriture sainte dans les langues sacrées pendant le service divin, l’Eglise n’a fait que continuer les traditions de l’ancienne Loi. Personne n’ignore que la langue hébraïque cessa d’être vulgaire en Judée peu après le retour de la captivité de Babylone ; ce qui n’empêcha pas qu’on ne continuât, dans le Temple et dans les synagogues, de lire la Loi et de faire plusieurs prières en pur hébreu, quoique le peuple… n’entendît déjà plus la langue de ses pères. Après la lecture liturgique des passages déterminés, on lisait des paraphrases (en langue vulgaire) sur ces mêmes passages. » (1)
Car, nous rappelle le même Dom Guéranger, « il faut distinguer le ministère de la prédication et la célébration du saint Sacrifice… Si toutes les langues ont été admises pour la prédication de l’Evangile, l’honneur d’être employées dans le service divin n’a été accordé qu’à un bien petit nombre ».

Malheureusement, depuis la révolution montinienne, c’est la règle inverse qui a prévalu : toute langue et dialecte peut servir et sert effectivement à la liturgie (du grec : leitourgia, fonction publique ou office divin). Cela va, hélas ! de pair avec l’avilissement de la liturgie.

Pour peu que l’on ait voyagé, on a pu se rendre compte de la diversité, pour ne pas dire du foisonnement d’un prétendu rite romain, et surtout de l’incompréhensibilité du rite célébré. Or, c’est bien au prétexte de l’intelligibilité de la liturgie qu’on a voulu supprimer le latin pour y substituer une langue vernaculaire, et même toutes les langues vernaculaires.

Les modernistes qui furent les inspirateurs de ces réformes se piquaient d’antiquité, de retour aux sources ; ils ont voulu ignorer que Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même usait d’une langue sacrée (et non vernaculaire), à savoir l’hébreu, pour les prières officielles, et que conformément à l’usage de la Synagogue, seules ses prédications adressées au peuple étaient en langue vulgaire.

Pour nous en tenir au français, ce qui frappe est la vulgarité du style, si loin de la noblesse du latin et plus loin encore de l’élégance du français classique.

Et, comme il fallait s’y attendre, c’est à la faveur de ces traductions en langue vulgaire que l’hérésie, l’équivoque et le douteux se sont glissés.

On ne se lassera pas de répéter que, dans le Credo, « consubstantialem Patri » qui a été remplacé par « de même nature que le Père » tombe sous les anathèmes du Concile de Nicée et que des saints et des martyrs ont souffert l’exil et la mort pour avoir refusé ces formules faussées.

Quant à la nouvelle version du Notre Père, outre son tutoiement protestant, il inclut la scandaleuse demande « et ne nous soumets pas à la tentation », que Bossuet aurait réprouvée, mais que nos évêques soutiennent ou supportent depuis des lustres.

Enfin, il est bien remarquable que la liturgie en français ait eu un précédent fameux en France, de la même veine que le protestantisme, dans ce calvinisme mitigé que fut le courant janséniste : quoiqu’il ait encouru les condamnations romaines (Bulle Unigenitus de 1713), c’est bien lui qui, au cours du XVIIIe siècle, a institué la messe en français ; un jansénisme qui proliféra et fit tant de mal dans certaines de nos provinces. (2)

Usage de la langue vernaculaire

Qui dit langue vernaculaire dit langue familière (verna en latin désigne le domestique ou l’esclave), langue commune, celle du petit peuple.

Voici ce que dit le Concile de Trente au sujet de l’instruction des fidèles :

« Quoique la Messe renferme un grand fond d’instruction pour le peuple fidèle, il n’a pas semblé aux Pères qu’il fût à propos qu’on la célébrât en langue vulgaire. C’est pourquoi chaque Eglise retiendra ses rites antiques et approuvés par la sainte Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes les Eglises ; mais, afin que les brebis du Christ ne souffrent pas de la faim, et que les petits enfants ne demandent pas du pain quand il n’y aurait personne qui le leur rompît, le saint concile ordonne aux pasteurs et à tous ceux qui ont charge d’âmes, d’expliquer souvent, durant la célébration de la Messe, par eux ou par d’autres, quelque chose des formules qui se lisent à la Messe (au sermon ou au prône) ; et entre autres d’exposer quelques détails sur le mystère de ce très saint Sacrifice, principalement les dimanches et fêtes. » (Session XXII, chapitre VIII.)

Il est remarquable que, dans cette inversion des valeurs qui a présidé à la révolution montinienne, en France nous ayons des messes en français et dans un certain nombre de nos langues régionales ; mais du fait de la pénétration de l’esprit jacobin jusque dans l’Eglise, il est bien rare d’entendre un sermon ou une homélie dans la langue locale : c’est bien le monde à l’envers !

Pourtant, même si l’on doit se mettre à la portée du commun des fidèles, il faut toujours bannir la vulgarité, la trivialité, la grossièreté ; et saint Paul en particulier recommande à ses ouailles de proscrire certains sujets et certaines expressions grossières (Epître aux Ephésiens, 5, 3-4).

Genèse de la Révolution montinienne

II n’est pas inutile de rappeler ce qui fut à l’origine de ces changements.

Outre les différents courants modernistes qui se manifestèrent au Concile Vatican II, il faut mentionner les méthodes de recyclage utilisant toutes les ressources de la psychologie moderne : dynamique de groupe et surtout groupes de réflexion (3) à base de libéralisme et d’abolition de toute autorité. Bien des prêtres récalcitrants y furent soumis pour les contraindre à adopter la messe de Paul VI et toutes les innovations qui l’accompagnaient : communion dans la main, suppression des agenouillements, célébration face au peuple… Paul Claudel, qui voyait déjà se profiler tout ce chamboulement, appelait cette fantaisie liturgique « la messe à l’envers ».

Car il s’agit bien d’une inversion : la société moderne prétend se fonder sur l’individualisme, la philosophie moderne est principalement à base de subjectivisme et la nouvelle théologie n’est plus théocentrée : mais au contraire c’est l’Homme qui est la mesure de toutes choses (4).

Alors le prêtre lui-même n’est plus tourné vers Dieu durant la messe, mais vers l’assistance qui, selon les conceptions protestantes ou néo-catholiques, assume la foi de l’Eglise.

Remarquons dans nos églises mises au goût du jour la disparition du maître-autel remplacé par une table, l’absence du tabernacle relégué très souvent dans un coin obscur d’une chapelle latérale.
Nous avons eu, avec Benoît XVI, un essai de restauration de la liturgie, mais en nombre de pays européens il a été bien mal secondé, si bien qu’aujourd’hui encore c’est la liturgie de Paul VI, en ses multiples avatars, qui sévit presque partout (malgré le motu proprio Summorum Pontificum) : jusqu’à Lourdes ou devant la Grotte on est forcé de subir des cérémonies lamentables qui auraient consterné Bernadette Soubirous.

Mais peut-être faut-il rappeler ce que l’architecte en chef, Hannibal Bugnini, avait en tête lorsqu’il a inventé la « nouvelle messe » ; voici l’aveu qui sert de préface à son œuvre :

« La Cène du Seigneur, appelée aussi la Messe, est la sainte assemblée ou le rassemblement du peuple de Dieu qui se réunit sous la présidence du prêtre afin de célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi, à ce rassemblement local de l’Eglise s’applique éminemment la promesse du Christ : “Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, là je suis au milieu d’eux” ». (5)

Concluons : « Le nouvel “Ordo Missae” s’éloigne, d’une façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe fixée par le Concile de Trente ». (6)

Paul-André Maur

(l) Dom Guéranger, Institutions liturgiques.
(2) N’oublions jamais que Voltaire était l’enfant d’une famille janséniste.
(3) Cf. Adrien Loubier, Groupes réducteurs et noyaux dirigeants (1979).
(4) Selon le sophiste Protagoras (490-420).
(5) Institutio generalis, n°7.
(6) Bref examen critique, par les cardinaux Ottaviani et Bacci.

Article extrait du n° 7869 de Présent
du Samedi 8 juin 2013

http://www.present.fr/index.php?id_rubrique=6
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