Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Ils ne se cachent pas, mais ne se disent pas modernistes.
par Scrutator Sapientiæ 2013-03-24 07:57:17
Imprimer Imprimer

Bonjour et bon dimanche, Chicoutimi.

1. Je ne vois pas en quoi les clercs modernistes auraient à se cacher, aujourd'hui :

- d'une part, ils n'ont presque plus rien à craindre, sur le plan disciplinaire,

- d'autre part, ils se sont appropriés une grande partie du pouvoir intellectuel,

au sein même de l'Eglise catholique.

2. Je ne vois pas non plus en quoi les clercs modernistes se disent modernistes, aujourd'hui : ne leur suffit-il pas de se penser et de se dire dans "le prolongement", voire dans "le dépassement", "des intuitions conciliaires", "du renouveau conciliaire", même quand ils recourent à ces expressions comme on recourt à un pavillon de complaisance ou à une usurpation d'identité ?

3. Si je devais citer un courant théologique contemporain porteur de modernisme, aujourd'hui, je citerais volontiers la théologie chrétienne du pluralisme religieux, id est, grosso modo la théologie du dialogue inter-religieux et des relations avec les religions non chrétiennes qui n'est pas seulement respectueuse de la pluralité des religions, dans l'ordre des faits, mais qui est aussi partisane du pluralisme religieux, dans l'ordre des valeurs.

4. Vous trouverez des éléments constitutifs de cette théologie chez le jésuite Jacques DUPUIS et chez le dominicain Claude GEFFRE ; si la question vous intéresse, je peux même vous donner quelques orientations bibliographiques.

5. Aujourd'hui, ce qui est caché, ce n'est pas le modernisme, même si, encore une fois, il ne se manifeste pas nécessairement en revendiquant cette identité d'une manière explicite ; aujourd'hui, ce qui est caché, c'est bien plutôt l'orthodoxie, c'est-à-dire un certain nombre de textes, porteurs d'orthodoxie, formateurs pour les fidèles, des textes que bien des clercs ont tendance à citer le moins possible, ou dont bien des clercs ont tendance à parler le moins possible : le Catéchisme de l'Eglise catholique de 1992, la Déclaration Dominus Iesus de 2000, le Compendium du Catéchisme de 2005, au moins les trois encycliques de Jean-Paul II que sont Veritatis Splendor, Evangelium Vitae, Fides et Ratio.

6. Considérez par exemple, notamment en cette journée, la problématique du relativisme et du subjectivisme en matière morale et en matière religieuse ; les évêques français, dans leur très grande majorité, s'opposent au relativisme et au subjectivisme en matière morale, mais s'opposent-ils pour autant au relativisme et au subjectivisme en matière religieuse, au point d'être, si c'est à la fois nécessaire et salutaire, partisans de davantage de normativisme et d'objectivisme, dans le domaine de la confession de la Foi et de la formation des fidèles ?

7. Il me semble qu'il suffit d'adhérer à une conception "extensive" de l'adogmatisme, du consensualisme, de l'eudémonisme, de l'exégétisme, de l'herméneutisme, de l'inclusivisme, de l'oecuménisme, et du personnalisme, pour oublier, pour faire oublier, ou pour laisser oublier que cette conception est démunie, désarmée, impuissante, car elle n'objecte et n'oppose presque rien, face à une "réduction" du christianisme à un courant de pensée et d'action qui serait propice à davantage d'agnosticisme, de fédéralisme interconfessionnel, de naturalisme, d'immanentisme, d'historicisme, d'intégralisme inter-religieux, de relativisme et de subjectivisme, dans les esprits, dans les coeurs, dans les actes, au sein même de l'Eglise catholique.

8. Formulé autrement, cela revient à dire ceci : une praxis langagière et messagère fait aujourd'hui office d'orthodoxie, non seulement au moyen d'une doctrine, mais aussi au moyen d'une ambiance, caractérisée, je le crois, par les six traits suivants :

A - l'intrincésisme : la vérité divine serait "toujours déjà" présente et active en chacun d'entre nous, non seulement en chaque chrétien, mais aussi en chaque croyant, voire en chaque être humain ;

B - le polyphorisme : il y aurait, par exemple,

a) plusieurs religions également légitimes, chacune d'entre elles étant également porteuse de la lumière divine,

b) plusieurs confessions chrétiennes également légitimes, chacune d'entre elles étant également porteuse de la lumière chrétienne ;

C - l'évolutionnisme : ce serait la réduction de l'histoire de l'Eglise à une évolution, caractérisée par des adaptations et des innovations progressives et successives,

a) non avant tout pour être et rester le plus possible en situation intérieure, tournée vers le Ciel, de communion avec le seul vrai Dieu, Père, Fils, Esprit,

b) mais avant tout pour être de mieux en mieux ou de plus en plus en situation intérieure, tournée vers la Terre, d'accompagnement de l'humanité, de fraternisation avec l'humanité, ou avec la vision que l'on en a et que l'on en donne ;

D - l'existentialisme : ce serait la réduction de la vie chrétienne à ce qui relève de l'existence temporelle : la vocation du chrétien

a) ne serait pas de croire et de vivre, d'une manière explicite et spécifique, radicale et substantielle, dans la Foi, l'Espérance, la Charité,

b) serait de penser et de vivre dans le Christ son appartenance à l'histoire humaine, son immersion dans l'histoire humaine, son historicité ;

E - l'horizontalisme : la réduction du discours chrétien à un ensemble de problématiques horizontalistes (un appel à penser et à vivre la dignité, la liberté, la solidarité dans le Christ), des problématiques plus adoratrices, contemplatives, spiritualisantes ou verticalisantes étant accusées ou suspectées de ne plus parler à nos contemporains, de ne plus rien vouloir dire pour nos contemporains, d'être définitivement hors de portée ;

F - l'humanitarisme : la réduction du christianisme à l'une des religions de l'humanité, à l'une des religions les plus humanisatrices des êtres humains et de l'agir humains, chacune des religions et toutes les religions ayant cette même tâche à accomplir.

9. De mon point de vue, nécessairement amendable et perfectible, le modernisme se déploie actuellement dans chacune des directions que je viens de décrire ; je vous prie de bien vouloir m'excuser, si jamais j'ai oublié une des directions constitutives et fondamentales du modernisme contemporain, ou si jamais j'ai procédé à une dilatation de la matière, au point d'évoquer une élément qui n'est pas, en tant que tel, ni en tant qu'associé à d'autres, ou combiné avec d'autres, propices à la constitution et au renforcement de ce que je crois être la doctrine et l'ambiance modernistes actuelles.

Je vous souhaite un bon dimanche.

Scrutator.

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 Où se cache les modernistes ? par Chicoutimi  (2013-03-24 00:32:23)
      Vos 3 questions.... par Pol  (2013-03-24 06:40:12)
          Une simple précision par Vianney  (2013-03-24 07:03:52)
      Ils ne se cachent pas, mais ne se disent pas modernistes. par Scrutator Sapientiæ  (2013-03-24 07:57:17)
          A la gauche du Christ par Aigle  (2013-03-24 08:35:34)
              Distinction entre modernisme et progressisme + Précisions. par Scrutator Sapientiæ  (2013-03-24 09:54:36)
                  Merci cher scrutator par Aigle  (2013-03-24 10:27:23)
          L'actualité du modernisme par Chicoutimi  (2013-03-24 13:30:47)
              Merci beaucoup + Deux livres à lire sur cette question. par Scrutator Sapientiæ  (2013-03-25 07:10:56)
      pas difficile de les trouver par John L  (2013-03-24 09:43:16)
          ...car ils sont presque partout. par Scrutator Sapientiæ  (2013-03-24 10:09:43)
              L'erreur de St Pie X par Jean-Paul PARFU  (2013-03-24 10:54:02)
                  L'erreur opposée : la surestimation de l'exégèse historico-critique. par Scrutator Sapientiæ  (2013-03-24 15:28:53)


89 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]