Bonsoir et merci, Luc Perrin.
1. Je crois que vous avez raison, vos constatations sont tout à fait objectives, bien mises en perspective, et ne sont pas celle d'un sentimental, ce qui ne signifie pas, je m'empresse de le préciser, que quelqu'un qui accorderait aux même constatations, tout aussi objectives que les vôtres, une mise en perspective différente, serait nécessairement, avant tout, ou seulement, un admirateur inconditionnel ou papolâtre de Benoît XVI.
2. On dirait que l'instrument de pensée, appelons-le : le ratzingérisme, a été en partie oublié par celui-là même qui l'avait forgé, et qui aurait dû pouvoir s'en saisir, au moment de se donner des objectifs, puis s'n servir, au moment de passer à l'action.
3. Je me demande parfois si le Pape n'a pas voulu donner le temps au temps, en comptant sur la disparition naturelle et progressive de toute une génération de post-conciliaires humanitaristes, et en espérant ainsi que certaines oppositions à sa volonté de recentrage, exprimée par son herméneutique, disparaîtraient d'elles-mêmes, par vieillissement des opposants.
4. Le contradictions et fragilités internes causées par le Concile, là est le problème essentiel, ne sont pas celles d'une ou de deux générations, mais celles d'une Eglise qui affiche un certain nombre d'innovations ou d'orientations stratégiques, ad extra, innovations ou orientations dont elle a bien du mal à assumer toutes les répercussions confessionnelles, dans la pratique, ad intra.
5. De même qu'il ne me viendrait pas à l'esprit de résumer le pontificat de Jean-Paul II en le limitant à Assise 1986, de même, il ne me viendrait pas à l'esprit de résumer celui de Benoît XVI en le limitant à Assise 2011 ; pour autant, je suis en droit de me poser quelques questions, sur la cohérence et la fécondité de cette initiative.
6. L'impression que cela donne est pour moi la suivante : nous sommes, me semble-t-il, en présence d'un Pape qui n'a pas été capable, ou qui n'a pas été désireux, d'imprimer pleinement sa marque, parce que cela l'aurait contraint à se démarquer davantage, avec une autorité tout à fait dissensuelle, vis-à-vis d'une partie de ces innovations ou orientations stratégiques.
7. Il y a en outre quelque chose que je trouve extrêmement dommageable, dans ce qui arrive à présent : l'Année de la Foi est, je le crois, quelque peu perdue de vue, d'autant plus qu'a priori elle ne sera pas marquée par une lettre encyclique donnée par le Pape Benoît XVI ; il est toujours navrant que la concrétisation d'une initiative appropriée donne l'impression de ne pas pouvoir aller jusqu'à son aboutissement.
8. Il y a enfin quelque chose, dans votre message, qui m'inspire la métaphore cinématographique suivante : la distribution des rôles a été équivoque ou incertaine, parce que le scénario a été ambigu ou hésitant.
Bonne nuit, à bientôt, et vraiment merci beaucoup, car vous nous amenez à regarder des aspects et des enjeux que nous ne connaissons pas aussi bien que vous, ou que nous ne voulons pas, spontanément, examiner, peut-être bien
- parce que cet examen nécessite probablement votre type de clairvoyance,
mais aussi, et tout aussi probablement,
- parce que cet examen se conclut par votre type de désappointement,
au contact et au terme de ces huit années.
Scrutator.