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Travail et douleur, par le R. P. Jean-François Thomas
par Vexilla Galliae 2023-03-02 21:38:35
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La mode n’est pas à vouloir travailler, mais plutôt à se plaindre, arguant que les loisirs doivent effacer la peine, que la retraite doit récompenser ce qui est une épreuve. C’est oublier le lien originel entre travail et douleur. Évidemment, dans une société totalement déchristianisée et sécularisée, toute notion de sacrifice est envisagée comme un reliquat des anciens temps, absolument à proscrire, ceci sans se rendre compte que bonheur et travail sont intimement imbriqués, à condition d’accepter les efforts que l’un et l’autre réclament. Comme le note Léon Bloy dans Le Désespéré, « le Bonheur […] est fait pour les bestiaux… ou pour les saints », justement parce que les premiers acceptent leur sort sans rechigner et que les seconds embrassent les épines pour ramasser les fruits. Les âmes tourmentées par la vérité ont toujours compris que le travail ne peut faire l’économie d’une certaine souffrance mais que celle-ci introduit à un bonheur qui n’est ni volé ni frelaté. Charles Baudelaire avoue : « Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s’amuser. » (Mon cœur mis à nu) Une telle constatation, évidente pour les générations passées, ne l’est plus guère à notre époque où « s’amuser » est devenu le leitmotiv, le discours lisse entretenu par tous. L’homme occidental contemporain cherche le bonheur au cœur de la fête, et les dirigeants de tous nos pays entretiennent soigneusement ce manque, cette obsession. L’éclatement progressif, et bien lent, des derniers « confinements sanitaires » n’a pas eu pour cause une remise en question de leur bien-fondé médical et de leur pertinence politique, mais seulement le besoin insatiable de retourner au divertissement collectif. Le travail ne subsiste plus dans nos pays nantis que de façon accidentelle et subsidiaire, faute de pouvoir le supprimer définitivement. Cela n’est guère surprenant puisqu’aucun contenu spirituel ne peut plus lui être rattaché et que la douleur, qui parfois en découle, est honnie.

[...]

Ce penseur catholique, à la vie intérieure façonnée par la souffrance, essaie de montrer combien le travail règle et calibre cette douleur qui restitue toutes ses racines à la liberté humaine. La douleur n’est qu’une loi, et le travail en est une autre, et toutes deux participent à la croissance de l’homme né orgueilleux et tenaillé dès sa naissance par la faim. Par le travail, il réussit à la maîtriser, mais toujours de façon ponctuelle et son effort devra durer jusqu’à la mort, selon ses capacités. L’amour et la solidarité humaines font que ceux qui ne peuvent plus subvenir à ces besoins primaires soient normalement pris en charge par les plus jeunes et les plus vigoureux. Le travail remet les pendules à l’heure et nous fait toucher du doigt que nous sommes englués dans du relatif alors que nous appartenons à l’absolu vers lequel nous marchons péniblement. Le refuser est risquer de voir les portes du ciel se refermer devant nos bras ballants. L’homme saisit et construit sa liberté par le travail. Nous participons ainsi à notre création. Blanc de Saint-Bonnet écrit : « Lorsque Dieu créa l’ange, il lui remit toute sa nature ; et cet être se leva ravi dans le Ciel. À l’être libre, Dieu ne peut remettre la sienne sans la violer. La liberté elle-même, il ne peut la lui donner : il faut que l’homme la prenne ! »

Conception de la liberté et du travail bien éloignés, et pour cause, de leur réduction républicaine et démocratique qui ne peut mener qu’à la sacralisation de la première et à la détestation du second. Le travail prépare à la plénitude de l’Amour. Lorsque Dieu s’est reposé au septième jour, Il a cessé de « travailler » et Il a continué à aimer. Par le travail, nous sommes initiés à un amour de plus en plus grand et enveloppant. Celui qui meurt après une vie juste, équilibrée, charitable, entre dans le repos, et non point dans le loisir. Parce qu’il a peiné, il a droit à déposer ses instruments et à être consolé. »

P. Jean-François Thomas, s. j.

https://www.vexilla-galliae.fr/les-chroniques-du-pere-jean-francois-thomas/travail-et-douleur-par-le-p-jean-francois-thomas-s-j/

     

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