Je ne pensais pas à l'auteur épinglé par l'Index, j'ai juste pensé que le terme pouvait être pris de manière vacharde. Vous avez compris ce trait innocent. Vos morceaux de bravoure sur vos cibles favorites ont toujours pour moi quelque chose de ravigotant, même si je ne sais pas s'ils procèdent chez vous de l'ironie jubilatoire ou de l'aigreur qui fait mal aux entrailles, si la première dissimule ou adoucit la seconde, ou si c’est les deux à la fois comme chez moi.

J'adore la phrase que vous citez d'une ironie subtile, et d'une profondeur absolue, et de fait écrite dans le meilleur français, pari impossible aujourd'hui. J’adore aussi celle-ci (mon côté anar) : « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'y obéit qu'à cause qu'il les croit justes » C'est comme François dans l'avion : « Le Seigneur est bon. Il sauvera tout le monde. Ça il ne faut pas le dire trop fort. (rire) Le Seigneur veut sauver tout le monde. »

Il évente le secret du roi, et on l'accuse d'hérésie sans comprendre l'ironie, même involontaire, de son propos qui vaut celle de la phrase du janséniste que je cite (le vocable, c'est pour faire bisquer Montalte). Le pape à l’insu de son plein gré reprend toute la tradition ironique de l'Ancien testament (et parfois du Nouveau) sur la colère de Dieu qui désigne sa justice et sa miséricorde, mais Dieu étant infiniment simple, sa justice et sa miséricorde sont un, sa justice étant un surcroît de sa miséricorde. Qui a dit que Dieu n'avait pas d'humour ? Jésus ne semble pourtant pas en avoir beaucoup, il n'est pas l'homme qui rit. Les Saints Évangiles n'en parlent jamais, même si je pense que s'il était invité aux mariages, il ne devait pas être un si triste convive. Et puis il y a la fameuse ironie johannique, grave et profonde à la fois : « Vous n'y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt : "Il vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple, et que l'ensemble de la nation ne périsse pas". Ce qu'il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette année-là... »

Au passage Caïphe et Kephas sont le même nom, beaucoup de catholiques l'ignorent, moi aussi avant de l'apprendre de mon théologien personnel. Ce qui n'est pas sans ironie et sans profondeur.

L'esprit de divertissement est mauvais, la plus misérable des sociétés est la société du spectacle. Et en même temps la meilleure, si on suit l'idée de Pascal.

Je réfléchissais ce matin au Dieu caché, grand thème pascalien. Pourquoi Dieu se cache ? J'ai trouvé la solution, c’est parce que Dieu n'existe pas (c'est le grand secret de l’Église). Il est. Il n'existe pas comme une créature, car Il n'en est pas une, et s'Il se faisait connaître, Il passerait pour l'une d'elles et serait une idole. Et pourtant il s’est fait connaître en s’incarnant, ce qui n’est pas sans danger pour sa sécurité personnelle. Même s'il permet nos petites idolâtries d'un Dieu qu'on se fait à sa mesure, en l'enfermant dans la « saine doctrine » si aimable dans sa vérité et dans les fanfreluches liturgiques ou bien, dans l'autre camp, dans la religion d’un Dieu gentil avec tout le monde et sa triste et bête liturgie. Je cite à ce propos un Charles Journet féroce, lui qui était doux comme un agneau : « Attaquer sur le front liturgique me paraît impossible. Le fleuve de la bêtise humaine, de la vulgarité, le gnangnan des cantiques qu'on fait chanter au peuple qui bêle, la désinvolture prise avec les tabernacles dont on ne sait plus que faire et qui deviennent encombrants. Il faudra attendre que cela passe. Résister à cela paraîtra désobéir à des directives d’évêques qui demandent tyranniquement l’obéissance, alors qu'ils désobéissent au Concile au nom du Concile. » (Correspondance Maritain-Journet 1966)

J’espère que ma prose et mes citations à défaut d’être instructives divertiront, ou instruiront sans être divertissantes, au mieux les deux, mais je n’ai pas les talents d’un clown, sauf celui du clown triste. Mais là je suis « en forme » comme dirait le médecin des Visiteurs. Qu’est-ce que ça doit être quand vous ne l’êtes pas, me rétorqueront les mauvaises langues.

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