— Monsieur l’abbé, quel est l’historique de votre récente entrevue avec le Saint-Père ?
— Avec l’abbé Ribeton, recteur du séminaire européen de notre Fraternité, nous avons écrit directement au pape le 28 décembre dernier, pour exprimer notre désarroi, notre incompréhension, à la suite de la parution de Traditionis custodes et des responsa, faisant appel avec confiance à sa sollicitude. Il nous a répondu de sa main dès le lendemain (tout s’est passé par scan mais la lettre était bien de sa main), nous rassurant et nous invitant à venir le rencontrer pour nous expliquer. Nous avons donc pris contact avec son secrétariat et la date du 4 février 2022 a été arrêtée, date à laquelle nous nous sommes rendus à Rome, l’abbé Ribeton et moi-même.
Nous avons été reçus à la Maison Sainte-Marthe, pendant près d’une heure. Le pape a été très bienveillant pendant tout l’entretien, faisant preuve d’une vraie sollicitude. Il nous a confirmé oralement ce qu’il nous avait laissé entendre par écrit, à savoir qu’il distinguait vraiment notre situation de celle des prêtres non membres des communautés ex-Ecclesia Dei et que, dans notre cas particulier, notre Institut ayant pour spécificité l’utilisation des livres liturgiques anciens, ce document ne nous était pas destiné.
— Vous avez donc été rassurés immédiatement ?
— Effectivement, oui. Le pape nous a d’ailleurs fait remarquer que dans le motu proprio, quand on parle des instituts ex-Ecclesia Dei on indique qu’ils relèveront désormais d’un nouveau dicastère, celui pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, et que c’était à dessein qu’il n’était pas question de nous directement dans ce document, puisque nous allions dépendre d’une nouvelle juridiction. « Vous n’êtes pas concernés par ces restrictions, nous a-t-il dit, mais vous conservez votre droit propre, accordé à votre fondation en 1988. » Le pape a vraiment été touché par l’histoire de notre Fraternité, l’acte de nos fondateurs d’aller vers le Saint-Père en 1988 pour exprimer leur désarroi, un peu comme nous l’avons fait là ; il a trouvé que c’était un acte de foi qui méritait d’être honoré et encouragé. Il nous a assuré que nous gardions l’usage de tous les livres liturgiques, dont le pontifical pour les ordinations.
— Vous avez donc désormais toutes les garanties ?
— Nous lui avons demandé respectueusement si tout cela pouvait être formalisé. Nous avons reçu l’écrit hier, samedi 19 février, c’est la raison pour laquelle nous ne voulions pas en parler publiquement avant. Il s’agit d’un décret qui reprend celui de la commission Ecclesia Dei de septembre 1988, confirmant l’usage pour notre Fraternité des livres liturgiques de 1962, décret signé cette fois de la main du pape (celui de 1988 l’était par la commission Ecclesia Dei).
— Votre position est donc confirmée vis-à-vis des évêques ?
— Les évêques restent libres de nous accepter ou pas dans leur diocèse, mais, à partir du moment où nous exerçons un apostolat dans un diocèse, on ne peut pas nous demander, en arguant de l’obéissance au successeur de Pierre ou au dernier document, d’utiliser les livres liturgiques actuels, notre droit propre étant préservé par une exemption de fait.
— Et pour les ordinations ?
— Il reste une petite zone d’ombre : les évêques, eux, ne sont pas membres de la Fraternité Saint-Pierre. Or il a été dit récemment qu’ils n’avaient plus le droit d’utiliser le pontifical ancien, et cela peut en faire hésiter certains. Mais le pape nous a entendus avec joie évoquer nos futures ordinations, et la position est claire de ce côté.
— Savez-vous si d’autres instituts auront le même sort que vous ou il n’en a pas été question lors de cette visite ?
— Oralement, lors de l’audience, le pape parlait, au pluriel, pour « les instituts » anciennement Ecclesia Dei. Je ne peux pas être plus catégorique, mais c’est bien ce qui ressortait de la discussion. •
Propos recueillis par Anne Le Pape
Source : Présent