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La basilique de la Daurade, joyau toulousain
par Jean Kinzler 2021-11-21 09:25:43
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La basilique de la Daurade, joyau toulousain

Le 18 novembre 2021, par Mylène Sultan-gazette-drouot.com


Édifiée sur les bords de la Garonne, la basilique a retrouvé sa superbe au terme d’une longue restauration. Une véritable renaissance, qui met en valeur la virtuosité de ses décors.



En ce soir d’octobre, les mélomanes sont venus nombreux assister au concert d’ouverture de « Toulouse les Orgues », donné en la basilique Notre-Dame la Daurade. Le festival fête son 25e anniversaire, et pour célébrer l’événement tout autant que la restauration de l’église, Yves Rechsteiner, le directeur musical, a prévu une programmation exceptionnelle. Les premières notes de la Messa di Gloria de Puccini s’élèvent dans le vaste édifice tandis que le public découvre les effets de lumière récemment installés pour « architecturer » le monument, apporter intimité et douceur à cette nef, « impressionnante comme celle de Saint-Pierre de Rome », selon l’architecte du patrimoine Axel Letellier. Pénétrés du lyrisme de l’œuvre, bien peu se doutent que sous l’orgue romantique livré en 1861, une trappe en entresol a été mise au jour pendant les travaux de restauration, qui cachait un mécanisme sophistiqué fait de poulies et de cabestans permettant d’installer une vaste plateforme sur la façade de l’église. « Une des surprises du chantier ! s’exclame Laurent Barrenechea, conservateur régional des Monuments historiques à la DRAC Occitanie. La mémoire de cette terrasse prévue pour accueillir des prêtres lors des bénédictions publiques s’était presque perdue. »

Vue de la croisée du transept.

Sainte-Marie la dorée
Durant cette restauration d’envergure qui a duré vingt-six mois et a concerné tout l’édifice – peintures, sculptures, mobiliers et textiles inclus –, il y eut d’autres découvertes. Comme cette Présentation au temple, décadrée, déchirée, cachée sous des couches de poussière et de crasse dans une dépendance de la basilique, et que Marie-Dominique Labails, conservatrice du patrimoine à la ville de Toulouse, a identifié comme étant du peintre Jean Suau (1755-1841). Et quelques déconvenues aussi, par exemple lorsqu’un universitaire a pressenti la présence d’un dispositif de montement, utilisé au Moyen Âge pour hisser la Vierge au moment de l’Assomption. À tort, hélas. À vrai dire, l’espoir secret des archéologues présents sur le chantier aurait été de retrouver trace de la sublime église Sainte-Marie, signalée dès le VIe siècle par l’évêque Grégoire de Tours (538 ou 539-594), historien de l’Église et des Francs, et dont la renommée dépassait les murailles de la belle cité fondée par l’empereur Auguste au Ier siècle de notre ère. Plus petite que la Daurade d’aujourd’hui, elle resplendissait de milliers de mosaïques d’or qui, sur trois niveaux, dans des arcatures séparées les unes des autres par des colonnes de marbre, racontaient la vie de Marie, de Jésus, des saints, des apôtres et des prophètes. Un ensemble si impressionnant qu’il influença l’appellation de l’église : à partir du IXe siècle, le sanctuaire est connu sous le nom de Sancta Maria Deaurata, Sainte-Marie la Dorée, qui deviendra bientôt Daurada en occitan, puis Daurade, en français. Las, à l’exception d’un fragment de mosaïque à fond d’or, conservé au musée Calvet d’Avignon, et de beaux vestiges lapidaires dispersés de Nice à New York, il ne reste rien de la merveilleuse église médiévale. « En 1761, les bénédictins ont dû se résoudre à la détruire, explique Laurent Barrenechea, l’édifice était devenu fragile et dangereux. » La refondation ne se fera pas sans péripéties : une démolition qui s’éternise sur quatre ans au grand dam des fidèles, l’élaboration d’une vingtaine de projets avant de parvenir à un accord et des travaux arrêtés au bout de quelques mois, lorsqu’est entrepris le colossal chantier de réaménagement des quais de Garonne… Enfin, en 1773, la construction de la nouvelle Daurade commence, sur les plans de Philippe Hardy. Bon connaisseur du nouveau programme d’alignement des quais, l’architecte toulousain adopte une orientation différente pour l’église de style néoclassique qu’il conçoit : plus vaste que l’ancien sanctuaire, elle est désormais alignée nord-est au lieu de plein est, l’autel dédié à la Vierge Noire restant toutefois au même emplacement que jadis. C’est en 1838, soixante-cinq ans après la pause de la première pierre, que la Daurade est enfin consacrée. Sans pour autant être achevée. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, les chapelles, le chœur et le transept s’enrichissent des décors commandés aux meilleurs artistes de la ville. Joseph Roques (1754-1847) signe un cycle de sept tableaux consacrés à la vie de la Vierge : débarrassés du vernis épais qui les assombrissait depuis deux siècles, ils sont aujourd’hui resplendissants. De délicates grisailles comme un dessin à la sanguine sont réalisées : nettoyés, ces trompe-l’œil restituent désormais l’intensité des volumes d’origine. Des bois dorés, marbres, stucs et ferronneries parsèment autels et piliers : ces éléments encrassés depuis des décennies ont, eux aussi, retrouvé leurs nuances initiales, contribuant à sortir l’édifice de la noirceur et de la tristesse qui s’en dégageait avant la restauration.


Joseph Roques, L’Annonciation, 1810-1820.


La plus belle des garde-robes
Quant à l’autel de la Vierge Noire, nettoyé des épaisses couches sombres qui masquaient l’éclat de ses décors en terre cuite émaillée, il donne désormais à voir tout le spectaculaire de l’œuvre du céramiste Gaston Virebent (1837-1925). Mettant plus en valeur encore cette statue de bois sombre, vénérée depuis le Moyen Âge et autour de laquelle est né et a perduré le rayonnement de la Daurade, consacrée basilique en 1876. « Lors des grands fléaux, comme l’inondation de 1658, qui avait emporté les quais, ou l’incendie du quartier Saint-Michel, en 1672, qui menaçait de s’étendre à toute la ville, les capitouls demandaient aux bénédictins d’organiser une procession de la Vierge Noire. Et, bien sûr, les eaux cessaient de monter ou bien le vent tournait », rappelle Marie-Dominique Labails. Cette Vierge que prient aujourd’hui les femmes en mal d’enfant, fait l’objet de tous les soins. Elle possède 34 tenues, certaines créées par de grands couturiers, dont Franck Sorbier, Christian Lacroix ou Jean-Charles de Castelbajac. Deux habilleuses prennent soin de sa garde-robe, adaptant les tenues au calendrier liturgique, entretenant et manipulant avec plus de précaution encore les pièces classées en 2019 par l’État au titre des monuments historiques. Comme l’ensemble de fête en taffetas lamé or et paillettes, blanc à rubans colorés, dit « mois de mai », ou encore l’« habit de lumière » tout de satin vert brodé d’or. L’exceptionnelle richesse de la garde-robe de la Vierge Noire n’est pas la moindre des particularités d’une église intimement liée au tissu historique et social de la ville. « Lorsqu’il s’est agi de restaurer les cloches, il a été décidé d’en ajouter deux aux cinq existantes, explique Marie-Dominique Labails, et nous avons fait appel avec succès au mécénat participatif. » Coulées en public sur le parvis de l’église, « Maria Dauratae », « Benoît » et « Peire Garona » – ainsi baptisées – portent, gravés sur leurs flancs, le blason de l’évêque, le nom des donateurs ainsi que quelques vers d’un poème occitan. Mieux : lorsque sonne l’heure juste et que les sept cloches s’envolent toutes ensemble dans le ciel de Toulouse, elles composent les premières notes d’une chanson bien connue, inspirée d’un hymne à la Vierge sonné jadis par les cloches du quartier des Minimes. La chanson s’appelle « Ô Toulouse », elle est signée Claude Nougaro. Un bel hommage croisé.


à lire
Philippe Hugon, Notre-Dame la Daurade - Lumières retrouvées, photographies
de Jacques Sierpinski, édition du service d’animation de l’architecture et du patrimoine,
mairie de Toulouse, 2021, 25 €.

à voir
Basilique Notre-Dame la Daurade,
1, place de la Daurade, Toulouse (31)

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http://www.toulouse-tourisme.com
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Drouot

     

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