Pas pu m'empêcher, désolé. C'est la définition de Presgurvic, l'homme qui a réécrit Shakespeare en moins de deux cents mots. Si ce n'est pas un gage de qualité.
Blague à part, pour une fois que je reprends la plume ici (Bonjour et amitiés, cher Maître, au passage ! Ne vous inquiétez pas, je n'en ferai probablement pas une habitude, mais je ne vous oublie pas !), je vais tâcher de faire un peu mieux.
Trois "définitions" me viennent à l'esprit.
D'abord, la distinction entre les différentes "façons d'aimer". Eros (l'amour passion), Agape (l'amour amitié), Philia (l'amour profond), divers degrés de proximité et d'implication. Je ne vais pas creuser cette manière de voir les choses, ce n'est pas spécialement anti-biblique (au contraire), mais c'est un peu trop grec à mon goût ,et des bouquins entiers ont été écrits là-dessus. Il faut simplement en retenir (en première approche) que l'un n'exclut pas l'autre.
Ensuite, la définition qu'on en trouve dans Saint Paul: l'amour prend patience, etc, l'amour ne passera jamais. On la lit à la moitié des mariages (et je suis gentil), mais au-delà des apparences, il faut noter un point essentiel : aimer, ce n'est pas subir, c'est agir. Ce ne sont que des verbes d'action.
Donc je vais essentiellement m'attarder sur le contexte qui m'intéresse, celui du mariage chrétien.
Car curieusement, dans cet engagement profond où tout tient en une phrase, "Je te promets de t'aimer fidèlement dans le bonheur et dans les épreuves tout au long de notre vie", le mot "aimer" est, d'expérience, le plus mal compris. C'est ballot, c'est un peu le coeur du truc.
Pour beaucoup de mariés (en général, de futurs divorcés), aimer, c'est comme les tremblements de terre : on n'y peut rien. Un jour on aime, un jour on n'aime plus. C'est assez ahurissant de constater combien de jeunes sont prêts à promettre une chose sur laquelle ils admettent n'avoir aucun contrôle.
Heureusement, l'Eglise ne nous proposant pas de faire des choses stupides (non, non, baissez la main, là, tous ceux qui veulent me contredire sur ce point, siouplé, ce n'est pas le sujet), aimer, dans le mariage chrétien, n'est certainement pas une chose qu'on SUBIT, c'est une chose qu'on DECIDE.
Bien sûr, le sentiment amoureux, l'envie d'aimer, ça aide : c'est toujours plus facile d'aimer quelqu'un si on en a envie. Mais ça n'est pas indispensable.
Et hors du mariage ? C'est la même chose : Dieu nous commande "d'aimer notre prochain comme nous-mêmes", le même raisonnement s'applique. Dieu n'exigerait pas de nous quelque chose qui n'est pas à notre portée.
Là je n'ai pas ajouté grand chose à ce que dit Candidus (que je remercie donc au passage), alors je vais me mouiller un peu plus. Aimer, c'est :
- DONNER : de son temps (service, écoute), de son argent (pourquoi pas ?), de sa personne (...non, je vous vois venir : je pense ici à la notion de sacrifice, qui pour les chrétiens est la transcendance de l'amour, mais ça nous emmène un peu loin), de la joie. Servir, en somme.
- ACCEPTER : accepter l'autre comme il est, sans vouloir le corriger (même fraternellement) à tout crin, mais aussi, accepter simplement d'être aimé en retour. Curieusement, ce n'est pas toujours bien vécu : certains, sous le prétexte de donner "sans rien attendre en retour", voudraient donner "sans rien accepter en retour". C'est très différent, et un profond manque de charité qui dénature complètement cet amour jusqu'à l'annihiler : l'amour n'est pas une compétition, et la réciprocité, si elle ne doit pas être exigée, est inhérente à l'amour. Accueillir, en somme.
- LIBREMENT : sans y être contraint, ni par des règles, ni par des gens, ni par des intérêts, mais par le seul engagement librement consenti.
- GRATUITEMENT : on l'a vu, cette gratuité n'est pas dans le refus obstiné de toute compensation reçue. En pratique, elle consiste principalement à ne pas compter : "donner sans compter", comme dit la prière scoute, et sans compter ni ce qu'on donne, ni ce qu'on reçoit.
Voilà aimer en quatre mots.
...et Dieu, dans tout ça ?
Il nous aime, bien sûr, et comme souvent, Jésus nous le définit par des paraboles et des signes. J'en retiens deux, absolument essentiels à la compréhension de la mystique de l'Amour divin, et donc de l'amour humain, qui en est la prolongation.
- La Samaritaine : bien sûr que l'eau vive, c'est l'amour que Dieu nous donne. Il ne nous demande rien en retour, que d'accepter de la boire.
- La multiplication des pains, qui illustre ces réalités toutes concrètes : l'amour se partage aussi concrètement que le pain, il se donne et se reçoit.
Ces deux passages nous instruisent sur un point capital : l'amour n'obéit pas aux lois de la physique. En particulier, plus on en donne, plus il nous en reste.
C'est en ayant compris cela qu'on peut commencer à aimer, sans retenue.
Yapuka !
Gary
PS Je constate que, pendant que dans ma prose je cite Presgurvic, d'autres, peut-être malgré eux, citent Florent Pagny. Sic transit...