Elle peut exister sous tous les régimes, populaires ou aristocratiques, sous une dictature de droite ou de gauche, une fédération ou une monarchie. Elle a détruit l’Empire romain : là, une administration toute puissante a si bien supprimé le citoyen qu’il n’y en avait plus pour défendre l’Empire quand les mercenaires qui remplaçaient les citoyens s’aperçurent qu’ils avaient plus de gain à piller l’Empire qu’à le défendre.
Charlemagne a reçu cette erreur tout installée et accrue par la barbarie des Mérovingiens ; les remèdes qu’il essaya d’y apporter durèrent juste autant que lui, car ils s’appuyaient seulement sur le respect de sa puissance et non sur un lien naturel des institutions et sur leur équilibre. À sa mort, on se contenta de ne plus obéir et, sans révolte, il n’y eut plus d’État. C’est le sort qui attend la République française ; c’est la maladie dont périra tout seul l’empire des Soviets¹.
Cette erreur touche donc à une idée politique fondamentale, qui est ignorée. Les partisans des régimes divers ne peuvent la prendre en considération, aveuglés qu’ils sont, soit par leurs intérêts immédiats, soit par des idéologies sans fondement dans la nature des choses que nos écoles transmettent à toute la nation. Nous tournons sous prétexte de progrès à la barbarie politique. Dans sa Vie de Cobbet, Chesterton dit très justement : « ce monde croyait se moderniser et élargir ses horizons, mais Cobbet fut le seul à voir que ce monde devenait monomane et mesquin. » Et cette barbarie naît d’une barbarie intellectuelle : les changements évidents des conditions de la vie font perdre de vue les conditions normales et fondamentales de la vie en société, beaucoup plus importantes que les changements et qui forment les vraies idées politiques.
La plus importante de celles-ci est de respecter les sociétés élémentaires qui se forment naturellement et même de les aider à se créer quand les changements sociaux et économiques sont propices pour le faire. Ainsi de la famille, des associations de métier ou de région. Le rôle de l’État est de coordonner des institutions libres en leur rendant justice ou en l’imposant ; non de les remplacer ou de les administrer.
C’est ce que fait entendre le saint-père¹ dans son dernier message de Noël lorsqu’il dit : « Quiconque dans cette époque industrielle accuse à juste titre le communisme d’avoir privé de leur liberté les peuples qu’il domine, ne devrait pas omettre de noter que même dans l’autre partie du monde, la liberté sera une possession bien douteuse si la sécurité de l’homme ne dérive plus de structures correspondant à sa vraie nature. »
Henri Charlier, La confusion du gouvernement et de l’administration, Itinéraires n° 2
¹ Écrit en 1956 : le pape cité est Pie XII, mais sous le nom de
principe de subsidiarité, on trouve la même idée dans l’encyclique
Quadragesimo Anno (1931) que Pie XI avait publiée pour le quarantième année de
Rerum Novarum, en réponse à la “grande dépression” de 1929 :
« L’objet naturel de toute intervention [de l’État] en matière sociale est d’aider les membres du corps social et non pas de les détruire ni de les absorber. » (§ 79)
V.
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