et la veulerie…
Je ne suis pas réputé pour être un partisan de la seconde catégorie… Mais un très bon curé du diocèse de Besançon, qui a hélas perdu la tête, m'avait conseillé de ne pas toujours donner ma poitrine au tir de barrage de la mitraillette épiscopale, qu'il convenait parfois de se replier dans la tranchée en attendant que les balles se calment.
Mon évêque m'a qualifié publiquement, au lendemain de ma confirmation par lui, d'"incendiaire du diocèse".
Il aurait pu dire "empêcheur de tourner en rond".
Je crois qu'on ne peut pas faire mieux dans le genre, sans parler des articles dans la presse locale que je proposais pour contredire ce que j'y lisais venant de la Pravda diocésaine des années 90. J'ai compris, après coup, que la presse utilisait mes courriers (et ceux de quelques autres) pour taper sur l'Eglise, pas pour "informer" et rétablir quelques vérités.
J'ai gardé les cartes et lettres de chrétiens, souvent très modestes, qui me remerciaient. Ces personnes souvent âgées n'avaient pas été élevées dans la contestation de l'évêque et n'auraient jamais eu l'idée d'écrire. Certains avaient une syntaxe qui les freinaient aussi (et je suis de tout coeur de leur côté !).
Quand son successeur a fermé en quinze jours la maison de retraite des prêtres (pire qu'en 1905 !), je fus le seul à intervenir dans la presse pour défendre ce lieu et ses occupants où j'allais chaque semaine. Mes parents étaient larges d'esprit, car je mêlais leur nom et leur réputation à mes interventions. Je fus vexé, car l'évêché envoya dans la presse un second couteau pour me répondre et ils laissèrent entendre que mon texte avait forcément été rédigé par un prêtre, en raison de sa syntaxe et des arguments. Je rapprochais cette odieuse fermeture et le traitement des vieux prêtres (et de quelques vieilles dames, sans parler des salariés), de la débandade doctrinale et pastorale du diocèse depuis trente ans.
Il est très inconfortable d'être les deux pieds dans un diocèse et de le critiquer de l'intérieur (du moins son chef, ses affidés et ses salariés !). Il est très confortable de vivre dans sa chapelle et son réseau, hors diocèses, hors confirmation par l'évêque du lieu, surtout quand on habite en ville.
Il y avait aussi de braves et bons curés, qui ne nous parlaient jamais de l'évêque ou de ce qui se passaient hors de la paroisse. On pouvait vivre heureux dans un diocèse au temps où un curé avait encore six ou sept clochers jusque dans les années 1990/1995. Ce fut mon cas. Mon curé était en civil avec une petite croix sur la veste, mais célébrait très pieusement, rédigeait la PU, faisait le catéchisme, donnait les chants, portait en semaine des chasubles gothiques, visitait les malades, vivait sur un pied très modeste, était aimé de tous, ne parlait jamais de l'évêque (ni du pape).
Un de mes bons amis prêtres très proche de la Tradition m'avait conseillé, le cas échéant, d'aller à Dijon me faire confirmer au prieuré desservi par la FSSPX. J'aurais eu l'impression de dévier sérieusement et de sortir de l'Eglise, tout en respectant les choix de clercs et de catholiques qui avaient franchi le rubicon. Les seuls Lefebvristes que je connaissais alors n'étaient ni des intellos ni des bourgeois. On leur avait "changé la religion", et je comprenais cet argument. Ils faisaient 300 km pour se marier à Paris ! Les funérailles étaient un casse-tête.
Il faut aussi penser aux petits diocèses éloignés de toute grande ville, de toute abbaye sérieuse, de toute communauté solide. Les seules bouffées d'air venaient de quelques revues par la boîte aux lettres, ou les pèlerinages, les initiatives des Vierges pélerines ou notre Foyer Marial local (œuvre fondée sous Paul VI par le P. Balastrier pour prier pour les vocations sacerdotales).
Les rigolos de mon diocèse (et il se trouvait aussi des prêtres admirables, pour ne parler que du clergé) n'ont jamais su les efforts qu'il me fallut pour supporter un certain nombre de choses. Le jeune curé qui nous a encadré pour la confirmation était la jeune gloire du diocèse, responsable des vocations. On parlait préservatifs, du vieux Jean-Paul II qui cassait les pieds et radotait, de la pizza qu'on allait manger, de Jésus notre ami… Aujourd'hui, ce curé est un heureux père et papa… J'étais l'un des rares à ne pas le tutoyer. Il conseillait aux jeunes qui songeaient à une vocation de connaître au préalable "la vie" (i.e. coucher avec une fille, comme il avouait avoir fait).
Aujourd'hui, un évêque Savonarole verrait son diocèse soulevé, avec le soutien de la presse nationale, La Croix en tête. Un prêtre Savonarole serait pris pour un déséquilibré. Je vois mal un Savonarole reprocher aux gens la vie qu'ils ont et les fliquer. Cela ne peut pas s'imaginer dans une société si diverse, même en Italie. Et puis les autodafés, cela rappellerait Hitler, Mao et les islamistes, non sans raison.
Je n'aimerais pas du tout qu'un prêtre me dise ce que j'ai à faire, les habits que j'ai à porter, le parti pour lequel j'ai à voter, la chapelle dans laquelle je dois aller faire mes Pâques, les revues que je ne dois plus lire…
L'Inquisition, l'Index et Savonarole appartiennent aux méthodes d'un autre temps. Je n'ai pas envie d'appartenir à une secte, car son destin est d'éliminer ses déviants dans les moindres détails, les uns après les autres. Mon compatriote Bossuet avait dit à peu près la même chose en parlant des protestants qui se divisaient, par nature, toujours de plus en plus.
Un Savonarole exigerait que les prêtres séculiers portent la soutane et ferait sortir des presbytères et des églises les autres… Lors même que Savonarole, le vrai, n'a jamais connu ladite soutane. Faut-il un Savonarole pour détruire à coup de masse les autels conciliaires ? Aucun évêque français ne lui conviendrait, alors qu'il s'en trouve de très bons et de très solides, plus ceux que je ne connais pas.
Un Savonarole hurlerait à l'idée de laïcité, de scolariser ses enfants dans le public ou dans les écoles sous contrat… Accepterait-il que des lectures se fassent en français dans la messe de St-Pie V et que les sexes se mélangent dans la nef, si j'ose dire ?
Il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri et de dire "Savonarole ! Savonarole !".
Bien cordialement à Pétrarque et aux autres bien disposés.
Ceux que je n'intéresse pas ne sont pas obligés de me lire, je ne peux pas lire tout le monde et je ne lis plus certaines personnes desquelles je n'ai rien à tirer.