Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Le discours du 11 octobre 2017 est-il ou non un "cheval de Troie" ?
par Scrutator Sapientiæ 2018-08-04 11:59:31
Imprimer Imprimer

Bonjour,

Ce qui suit n'est pas sans rapport avec l'actualité la plus récente, relative à la réécriture de l'article 2267 du CEC.

Voici :

Discours du 11 octobre 2017

Vincent de Lérins, Tradition et progrès : le Commonitorium

I. Je cite le pape François :

"Il n’y a pas ici de contradiction avec l’enseignement du passé : la défense de la dignité de la vie humaine du premier instant de la conception jusqu’à la mort naturelle, a toujours été portée, dans l’enseignement de l’Eglise, par une voix cohérente et autorisée. Le développement harmonieux de la doctrine demande cependant d’abandonner des prises de position liées à des arguments qui apparaissent désormais réellement contraires à une nouvelle compréhension de la vérité chrétienne. C’est d’ailleurs ce que rappelait déjà saint Vincent de Lérins : « Mais peut-être dira-t-on : N'y aura-t-il alors, dans l’E?glise du Christ, aucun progrès de la religion ? - Certes, il faut qu'il y en ait un, et considérable ! Qui serait assez ennemi de l'humanité, assez hostile a? Dieu, pour essayer de s'y opposer ? » (Commonitorium, 23.1: PL 50). Il faut donc répéter que, quelque puisse être la gravité de la faute commise, la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne.

« L’Église perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération, tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit. » (Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 8). Les Pères du Concile ne pouvaient pas trouver une expression synthétique plus heureuse pour exprimer la nature et la mission de l’Eglise. Ce n’est pas seulement dans la « doctrine », mais également dans la « vie » et le « culte » que les croyants peuvent devenir Peuple de Dieu. A partir de cela, la Constitution dogmatique sur le Révélation divine exprime la dynamique interne au processus : « Cette Tradition progresse (…) s’accroît, (…) tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu » (ibid.).

La Tradition est une réalité vivante et seule une vision partielle peut penser le « dépôt de la foi » comme quelque chose de statique. La Parole de Dieu ne peut être conservée dans la naphtaline comme s’il s’agissait d’une vieille couverture dont il faudrait éloigner les parasites ! Non. La Parole de Dieu est une réalité dynamique, toujours vivante, qui progresse et croît vers un accomplissement que les hommes ne peuvent entraver. Cette loi du progrès, selon l’heureuse formule de saint Vincent de Lérins : « annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate» (Commonitorium, 23.9: PL 50), appartient à la condition particulière de la vérité révélée telle qu’elle est transmise par l’Eglise, et ne signifie absolument pas un changement de doctrine.

On ne peut garder la doctrine sans la faire avancer. On ne peut davantage l’enfermer dans une lecture rigide et immuable, si ce n’est en méprisant l’action de l’Esprit Saint. « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes » (He 1,1), Il « ne cesse de converser avec l’Épouse de son Fils bien-aimé » (Dei Verbum, n. 8). C’est cette parole qu’il nous faut faire nôtre dans une attitude de « religieuse écoute » (ibid., n. 1), pour que notre Eglise avance avec l’enthousiasme des origines, vers les horizons nouveaux où le Seigneur nous appelle."

MAIS QUELS SONT DONC LES FONDEMENTS ET QUEL EST DONC LE CONTENU DE CETTE "NOUVELLE COMPREHENSION" DE LA VERITE CHRETIENNE ?

ET SI CETTE "NOUVELLE COMPREHENSION" EST SI VRAIE ET SI CHRETIENNE QUE CELA, COMMENT SE FAIT-IL QUE CE SOIT DEPUIS SEULEMENT QUELQUES ANNEES QU'ELLE INSPIRE LE MAGISTERE ET LA PASTORALE DE L'EGLISE ?

II. Je cite Saint Vincent de Lérins :

"23. Existe-t-il un progrès du dogme ?

Mais peut-être dira-t-on : « La doctrine chrétienne n'est donc susceptible d'aucun progrès dans l'Église du Christ102 ? » Certes, il faut qu'il y en ait un, et considérable ! Qui serait assez ennemi de l'humanité, assez hostile à Dieu pour essayer de s'y opposer ? Mais sous cette réserve, que ce progrès constitue vraiment pour la foi un progrès et non une altération : le propre du progrès étant que chaque chose s'accroît en demeurant elle-même, le propre de l'altération qu'une chose se transforme en une autre.

Donc, que croissent et que progressent largement l'intelligence, la science, la sagesse, tant celle des individus que celle de la collectivité, tant celle d'un seul homme que celle de l'Église tout entière, selon les âges et selon les siècles ! – mais à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c'est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, dans la même pensée103.

Qu'il en soit de la religion des âmes comme du développement des corps. Ceux-ci déploient et étendent leurs proportions avec les années, et pourtant ils restent constamment les mêmes104. [PAGE 77] Quelque différence qu'il y ait entre l'enfance dans sa fleur et la vieillesse en son arrière-saison, c'est un même homme qui a été adolescent et qui devient vieillard ; c'est un seul et même homme dont la taille et l'extérieur se modifient, tandis que subsiste en lui une seule et même nature, une seule et même personne. Les membres des enfants à la mamelle sont petits, ceux des jeunes gens sont grands : ce sont pourtant les mêmes. Les tout petits en ont le même nombre que les hommes faits, et s'il y en a qui naissent en un âge plus mûr, déjà ils existaient virtuellement en germe, en sorte que rien de nouveau n'apparaît chez l'homme âgé qui auparavant déjà n'ait été caché dans l'enfant105.

Il n'est donc pas douteux que la règle légitime et normale du progrès, l'ordre précis et magnifique de la croissance sont observés lorsque le nombre des années découvre chez l'homme, à mesure que celui-ci grandit, les virtualités d'une morphologie déjà ébauchées, par la sagesse du Créateur, chez l'enfant. Si la forme humaine prenait ultérieurement une forme tout à fait étrangère à son espèce, si tel membre était, soit retranché, soit ajouté, fatalement le corps entier périrait ou deviendrait monstrueux ou, en tous cas, serait gravement débilité.

Ces lois du progrès doivent s'appliquer également au dogme chrétien : les années le consolident, le temps le développe, l'âge le rende plus vénérable : mais qu'il demeure sans corruption et inentamé, qu'il soit complet et parfait dans toutes les dimensions de ses parties et, pour ainsi parler, dans tous les membres et dans tous les sens qui lui sont propres. E n'admet aucune altération, aucune atteinte à ses caractères spécifiques, aucune variation dans ce qu'il a de défini106.

[PAGE 78] Un exemple : nos ancêtres ont jeté autrefois dans ce champ de l'Église le froment de la foi. Il serait tout à fait injuste et inconvenant que nous, leurs descendants, nous recueillions au lieu du froment de la vérité authentique l'ivraie de l'erreur semée en fraude. Au contraire, il est juste, il est logique que – la fin répondant pleinement au début – nous moissonnions, maintenant que le froment de la doctrine vient à maturité les épis du dogme, parfaitement pur lui aussi. Si la semence première s'est développée avec le temps, s'est épanouie en mûrissant, rien n'est changé dans les propriétés intrinsèques de cette graine. Il peut s'y ajouter un aspect, une forme plus précise, mais la nature propre de l'espère demeure inchangée107.

Plaise à Dieu que les rosiers de l'Église ne se changent pas en chardons épineux. Plaise à Dieu que dans ce paradis spirituel, l'ivraie et l'aconit n'éclosent des bourgeons du cinnamome et du baumier108.

Tout ce qui a été semé par la foi de nos pères, dans l'Église, qui est le champ de Dieu, nous devons le cultiver avec zèle, le surveiller, le faire fleurir et mûrir pour qu'il progresse et parvienne à sa plénitude.

Il est légitime que les anciens dogmes de la philosophie céleste109 se dégrossissent, se liment, se polissent avec le développement des temps : ce qui est criminel, c'est de les altérer, de les tronquer, de les mutiler. Ils peuvent recevoir plus d'évidence, plus de lumière et de précision, oui : mais il est indispensable qu'ils gardent leur plénitude, leur intégrité, leur propriété.

Car si l'on tolérait une seule fois cette licence de l'erreur impie, je tremble de dire toute l'étendue des dangers qui en résulteraient et qui n'iraient à rien moins qu'à détruire, à anéantir, à abolir la religion. Sitôt qu'on aura cédé sur un point quelconque du dogme catholique, un autre suivra, puis un autre [PAGE 79] encore, puis d'autres et d'autres encore. Ces abdications deviendront en quelque sorte normales et habituelles. À abandonner le dogme, morceau par morceau, vous serez amené à la rejeter dans sa totalité110. Et d'autre part, si l'on commence à mêler le nouveau et l'ancien, les idées étrangères à ce qui est authentique, le profane et le sacré, nécessairement cette habitude se propagera au point de tout envahir. Bientôt rien dans l'Église ne demeurera plus intact, inentamé, inviolé et immaculé : le sanctuaire de la chaste et incorruptible vérité se transformera en un mauvais lieu, rendez-vous des erreurs impies et honteuses. Puisse la piété divine détourner un pareil forfait de la pensée des fidèles et laisser plutôt ce délire aux impies !

L'Église du Christ, elle, gardienne attentive et prudente des dogmes qui lui ont été donnés en dépôt, n'y change rien jamais ; elle ne diminue point, elle n'ajoute point ; ni elle ne retranche les choses nécessaires, ni elle n'adjoint de choses superflues ; ni elle ne laisse perdre ce qui est à elle, ni elle n'usurpe le bien d'autrui. Dans sa fidélité sage à l'égard des doctrines anciennes, elle met tout son zèle à ce seul point : perfectionner et polir ce qui, dès l'antiquité, a reçu sa première forme et sa première ébauche ; consolider, affermir ce qui a déjà son relief et son évidence ; garder ce qui a été déjà confirmé et défini.

De fait qu'a tenté l'Église dans ses décrets conciliaires, sinon d'enseigner avec plus de précision ce qui était cru auparavant en toute simplicité, de prêcher avec plus d'insistance les vérités prêchées jusque là plus mollement, enfin d'honorer avec plus de soin ce qu'auparavant on honorait avec une tranquille sécurité ?

Voici ce que, provoquée par les nouveautés des hérétiques, l'Église catholique a toujours fait par les décrets de ses conciles, et rien de plus : ce qu'elle avait reçu des ancêtres par l'intermédiaire de la seule tradition, elle a voulu le remettre aussi en des [PAGE 80] documents écrits à la postérité, elle a résumé en quelques mots quantité de choses, et – le plus souvent pour en éclaircir l'intelligence – elle a caractérisé par des termes nouveaux et appropriés tel article de foi qui n'avait rien de nouveau111.

[PAGE 81]

24. Nouveau commentaire de 1 Timothée 6, 20

Revenons à l'Apôtre : « Ô Timothée, dit-il, garde le dépôt, évitant les profanes nouveautés de paroles » (1 Tm 6, 20). « Évite-les », dit-il, comme la vipère, comme le scorpion, comme le basilic112, de peur qu'ils ne t'atteignent de leur contact, ou même de leur vue et de leur souffle. Qu'est-ce à dire : éviter ? c'est « ne pas même prendre de nourriture avec les gens de cette sorte » (1 Co 5, 11). Que signifie cet « évite » ? « Si quelqu'un vient à vous, est-il écrit, et n'apporte pas cette doctrine… » (2 Jn 10). Quelle doctrine, sinon la doctrine catholique, universelle, qui subsiste une et identique à travers la succession des âges par l'incorruptible tradition de la vérité, et qui demeurera toujours et sans fin ?

— Que faire alors ? « Ne le recevez pas dans votre maison, ne lui dites pas : Bonjour ! Car celui qui le salue participe à ses œuvres mauvaises » (2 Jn 11). « (Évite) les profanes nouveautés de paroles. » Que signifie « profanes » ? Ce sont celles qui n'ont rien de saint, rien de religieux, qui sont complètement étrangères au sanctuaire de l'Église qui est le temple de Dieu (1 Co 3, 16).

« Les profanes nouveautés de paroles. » « De paroles », c'est-à-dire les nouveautés de dogmes, de sujets, d'opinions, qui sont contraires au passé, à l'antiquité, et qui, une fois admises, nécessitent, en tout ou en partie, une violation de la foi113 de nos bienheureux pères. Nouveautés qui veulent que tous les fidèles [PAGE 82] de tous les âges, tous les saints, tous ceux qui ont gardé la chasteté, la continence ou la virginité, tous les clercs, les lévites et les prêtres, tant de milliers de confesseurs, tant de légions de martyrs, tant de villes fréquentées et de nations populeuses, tant d'îles, de provinces, de rois, de races, de royaumes, de nations, en un mot l'univers presque entier, incorporé par la foi catholique au Christ son chef, aient ignoré, erré, blasphémé et, durant tant de siècles, n'aient point su ce qu'il fallait croire114.

« Évite, dit-il, les impies nouveautés de paroles. » Ce n'est point aux catholiques, mais aux hérétiques qu'il a toujours appartenu de les admettre et de les suivre. En fait, quelle est l'hérésie qui n'ait surgi sous un nom déterminé, en un lieu déterminé, en un temps déterminé ? Qui a jamais établi une hérésie sans s'être auparavant séparé du sentiment commun adopté par l'Église universellement et dès l'antiquité115 ?

C'est ce que démontrent des exemples plus clairs que le jour. Qui, avant cet impie Pélage116, a jamais eu la présomption d'attribuer tant d'efficacité au libre arbitre que de juger qu'il n'est point nécessaire que la grâce divine l'aide dans les bonnes actions pour chaque acte particulier ? Qui, avant Célestius, son monstrueux disciple117, a nié que le genre humain ait été lié à la culpabilité d'Adam pécheur ?

Qui, avant le sacrilège Arius, a osé déchirer l'unité de la Trinité ? Qui, avant ce scélérat de Sabellius118, a osé confondre la [PAGE 83] Trinité de l'Unité ? Qui, avant l'impitoyable Novatien119, a osé dire que Dieu était cruel et préférait la mort du mourant à son retour à la vie (cf. Ez 18, 23) ? Qui, avant le mage Simon120 – que frappa la rigueur de l'apôtre (Ac 8, 9-24) et de qui, par une infiltration continue et secrète, a découlé jusqu'à Priscillien121, dernier venu, ce vieux limon de turpitudes –, a osé dire que le Dieu Créateur est responsable du mal, autrement dit des crimes, des impiétés, des actions honteuses122?

Ce Simon123 prétend que Dieu crée de ses propres mains une nature telle que, de son propre mouvement et par l'impulsion d'une volonté fatalement déterminée, elle ne peut ni ne veut rien d'autre que pécher. Agitée, enflammée des fureurs de tous les vices, elle est entraînée par sa passion inassouvie au fond de l'abîme de toutes les infamies124.

Innombrables sont les exemples de ce genre. Passons-les sous silence pour faire court. Ils démontrent clairement et avec évidence, que l'habitude et la loi de presque toutes les hérésies, c'est d'aimer « les nouveautés impies », de mépriser les maximes de l'antiquité, et, par « les objections d'une prétendue science, de faire naufrage loin de la foi. » Au contraire, le propre des catho-[PAGE 84]liques est de garder le dépôt confié par les saints Pères125, de condamner les nouveautés impies, et comme l'a dit et répété l'Apôtre, de crier « anathème » à « quiconque annonce une doctrine différente de celle qui a été reçue ».

[PAGE 85]

25. De l'usage hérétique de l'Écriture

— Les hérétiques ne se servent-ils pas aussi des témoignages de l'Écriture126 ?

— Oui, ils s'en servent, et avec grande ardeur. On peut les voir courir à travers les volumes de la Loi sainte, à travers les livres de Moise et des Rois, à travers les Psaumes, les Apôtres, les Évangiles, les Prophètes. Que ce soit auprès des leurs ou auprès des étrangers, dans le privé ou en public, dans leurs propos ou dans leurs livres, dans les repas ou sur les places publiques, ils n'allèguent presque rien de leur cru qu'ils ne s'efforcent de l'obscurcir avec des paroles de l'Écriture.

Lisez les opuscules de Paul de Samosate127, de Priscillien128, d'Eunome129, de Jovinien130, et de toutes les autres pestes, vous verrez quel prodigieux amas d'exemples. Il n'est presque pas de pages qui ne soit comme fardée et colorée de sentences du Nouveau ou de l'Ancien Testament. Il faut d'autant plus [PAGE 86] s'en garer et les craindre qu'ils se dissimulent plus secrètement à l'ombre de la Loi divine. Ils savent bien que leur pestilence ferait fuir tout le monde si elle s'exhalait naturelle et sans mélange. Aussi la parfument- ils de paroles divines, afin que tel, qui rejetterait volontiers une erreur purement humaine, hésite à mépriser les oracles divins. Ils font donc comme ceux qui, pour adoucir aux enfants l'amertume de certains remèdes, enduisent préalablement de miel les bords de la coupe, afin que cet âge imprévoyant, sentant d'abord le goût agréable, n'ait plus peur du goût amer131. Même souci chez ceux qui déguisent sous des noms de médicaments les mauvaises graines et les sucs nuisibles, afin que presque personne, en lisant l'étiquette d'un remède, ne soupçonne le poison132.

Voilà pourquoi enfin le Seigneur criait : « Gardez- vous des faux prophètes, qui viennent à vous sous des peaux de brebis, mais qui, au dedans, sont des loups ravisseurs » (Mt 7, 15). Que signifie cette « peau de brebis », sinon les paroles dont les Apôtres et les Prophètes, dans leur sincérité de brebis, ont tissé comme une toison à cet « agneau immaculé » (1 P 1, 19) qui « ôte les péchés du monde » (Jn 1, 29) ?

Qui sont les loups ravisseurs, sinon les doctrines des hérétiques furieux et enragés qui toujours infestent les bergeries de l'Église et, toutes les fois qu'ils le peuvent, déchirent le troupeau du Christ ? Pour s'approcher plus insidieusement des brebis sans défiance, ils dépouillent l'extérieur du loup tout en en gardant la férocité ; ils s'enveloppent dans les maximes de la loi divine comme dans une toison, afin que, à sentir d'abord la douceur de la laine, nul ne redoute la pointe de leurs dents.

Mais que dit le Sauveur ? « Vous les connaîtrez à leurs fruits » (Mt 7, 16), ce qui signifie : dès qu'ils se mettront, non plus seulement à citer ces divines paroles, mais aussi à les expliquer, non plus seulement à en s'en couvrir, mais aussi à les interpréter ; alors cette amertume, cette âpreté, cette rage se feront connaître ; alors ce poison tout récent encore s'exhalera ; alors les « nouveautés impies » se découvriront ; alors pour la première fois [PAGE 87] vous verrez que « la haie est coupée en deux » (Rm 10, 8), que « les bornes établies par nos pères sont déplacées » (Pr 22, 28), que la foi catholique est entamée et que l'on déchire le dogme ecclésiastique.

Tels étaient ceux que frappe l'apôtre Paul dans la Seconde aux Corinthiens, quand il dit : « Ces sortes de faux apôtres sont des ouvriers trompeurs qui se déguisent en apôtres du Christ » (2 Co 11, 13). Qu'est-ce à dire « qui se déguisent en apôtres du Christ » ? Les apôtres invoquaient les exemples de la Loi divine : ceux-là les invoquaient aussi. Les apôtres alléguaient les passages probants des Psaumes : ceux-là les alléguaient également. Les apôtres apportaient les sentences des Prophètes : ceux-là les apportaient tout comme eux. Mais, quand après les avoir cités de même, ils se mettaient à les interpréter tout différemment, alors on discernait les sincères d'avec les fourbes, les esprits loyaux d'avec les esprits de mensonge, les cœurs droits d'avec les cœurs pervers, en un mot les vrais apôtres d'avec les faux apôtres.

« Il n'y a là rien de surprenant, ajoute Paul, car Satan lui-même prend les dehors d'un ange de lumière. Il n'est donc pas étonnant que ses ministres se donnent les apparences de ministres de justice » (2 Co 11, 14). Donc, d'après les leçons de l'apôtre Paul, toutes les fois que de faux prophètes ou de faux docteurs citent des passages de la Loi divine, pour essayer d'étayer leurs erreurs sur de fausses interprétations, il n'est pas douteux qu'ils ne suivent la perfide tactique de leur Maître. Et Satan ne l'aurait jamais inventée, assurément, s'il ne savait très bien qu'il n'y a pas de moyen plus sûr pour tromper que d'insinuer le venin de l'erreur sous le couvert et comme à la faveur de l'autorité de la parole divine133.

[PAGE 88]

26. Satan, patron des hérétiques134

— Mais, dira-t-on, qu'est-ce qui prouve que le diable ait l'habitude d'user des exemples de l'Écriture ? »

— Lisez l'Évangile. Il y est écrit : « Alors le diable l'enleva (il s'agit du Seigneur, notre Sauveur) et le plaça sur le pinacle du Temple et il lui dit : Si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit qu'il t'a confié à ses anges pour qu'ils te gardent partout où ta iras et qu'ils te portent dans leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre » (Mt 4, 5). Que fera-t-il donc aux pauvres hommes, celui qui s'est servi du témoignage de l'Écriture pour essayer de tenter « le Seigneur de majesté » (1 Co 2, 8) ? « Si tu es fils de Dieu, dit-il, jette-toi en bas. » Pourquoi ? « Il est écrit, dit-il… »

Il nous faut prêter une scrupuleuse attention à la doctrine incluse en ce passage et la bien retenir. Avertis par le grand exemple de l'autorité évangélique, nous ne douterons plus, quand nous verrons certaines gens alléguer contre la foi catholique des paroles tirées des apôtres ou des prophètes, que le diable parle par leur bouche. Autrefois la tête parlait à la tête, maintenant les membres parlent aux membres, je veux dire les membres du diable aux membres du Christ, les perfides aux fidèles, les sacrilèges aux hommes religieux, en un mot les hérétiques aux catholiques.

Mais enfin que disent-ils ? « Si tu es fils de Dieu, jette- toi en bas. » Cela s'entend : « Si tu veux être fils de Dieu et recevoir en héritage le royaume céleste, jette-toi en bas, c'est-à-dire précipite-toi du haut de la doctrine et de la tradition de cette Église [PAGE 89] sublime, qui est regardée comme le temple de Dieu. » Et si quelqu'un demande à un hérétique qui veut le persuader : « Sur quoi t'appuies-tu pour prouver, pour enseigner, que je doive renoncer à la foi antique et universelle de l'Église catholique ? », aussitôt, il répondra : « Il est écrit. » Et immédiatement il met en ligne mille témoignages, mille exemples, mille passages significatifs, tirés de la Loi, des Psaumes, des Apôtres, des Prophètes ; et, grâce à des interprétations nouvelles et mauvaises, il précipite la pauvre âme, de la citadelle catholique, dans l'abîme de l'hérésie.

Par des promesses les hérétiques ont l'habitude de duper étrangement ceux qui ne se tiennent pas sur leurs gardes. Ils osent promettre et enseigner que, dans leur Église, c'est-à-dire dans leur petite chapelle, on trouve une grâce divine considérable, spéciale, tout à fait personnelle ; en sorte que, sans aucun travail, sans aucun effort, sans aucune peine et quand bien même ils ne demanderaient, ni ne chercheraient, ni ne « frapperaient », tous ceux qui sont des leurs reçoivent de Dieu une telle assistance que, soutenus par la main des anges, autrement dit couverts de la protection des anges, ils ne peuvent jamais « heurter du pied contre une pierre », c'est-à-dire être jamais victimes d'un scandale135.

[PAGE 90]

27. Rappel de la règle de foi

— Mais, observe-t-on, si le diable et ses disciples – faux apôtres, faux prophètes, faux docteurs, tous hérétiques caractérisés – usent ainsi des paroles, des sentences et des promesses divines, que feront les catholiques, les enfants de notre mère l'Église ? Comment distingueront-ils la vérité d'avec l'erreur, dans l'Écriture sainte ?

— Ils auront grand soin de se conformer à la règle qui, comme nous l'avons écrit au début de ce Commonitorium, nous est venue d'hommes saints et savants136 ; ils interpréteront le canon divin d'après les traditions de l'Église universelle et selon les règles du dogme catholique137.

Dans cette Église catholique et apostolique, il faut nécessairement qu'ils suivent l'universalité, l'antiquité, le consentement général. Si parfois la fraction se révolte contre l'ensemble, la nouveauté contre l'ancienneté, l'opinion particulière d'un seul ou de quelques-uns contre l'opinion unanime de tous les catholiques ou de la grande majorité, qu'ils préfèrent à la corruption de la fraction l'intégrité de l'universalité.

Dans cette même universalité, qu'ils mettent la religion antique au-dessus de la nouveauté impie, et dans cette antiquité même qu'ils fassent passer avant la témérité d'un seul homme, ou du [PAGE 91] très petit nombre, d'abord les décrets généraux d'un concile universel, s'il en existe un ; et, s'il n'en existe pas, qu'ils suivent ce qui s'en rapproche davantage, à savoir les opinions concordantes de nombreux et éminents docteurs138. En nous conformant à cette règle, Dieu aidant, avec fidélité, prudence et zèle, nous prendrons sur le fait sans grande difficulté toutes les erreurs pernicieuses des hérétiques qui surgissent.

[PAGE 92]

28. Comment utiliser l'autorité des Pères

Je voudrais montrer à présent par des exemples comment dépister et confondre les nouveautés de l'hérésie, en les confrontant avec l'enseignement des anciens maîtres.

Il est évident que cet antique accord unanime des saints Pères ne doit pas porter ou concerner de menus problèmes d'exégèse, mais avoir trait à la règle de foi. Ce ne sont pas toutes les hérésies, ni de tous les temps, que l'on peut ainsi combattre mais seulement les hérésies nouvelles et récentes139 quand elles commencent à poindre, et avant que, faute de temps, elles aient pu falsifier les règles de l'ancienne foi et corrompre, en propageant leur poison, les livres des ancêtres140.

Les hérésies déjà développées et invétérées ne doivent pas être attaquées par ce procédé, parce que, dans l'histoire de leur long passé, les occasions ne leur ont pas manqué de s'approprier la vérité. C'est pourquoi toutes ces impiétés déjà anciennes des schismes et des hérésies, il ne faut les réfuter, si besoin en est, que par la seule autorité des Écritures141 ; ou bien les fuir comme réfutées et condamnées dès l'antiquité par les conciles universels d'évêques catholiques.

Sitôt qu'une erreur commence à exhaler son odeur de corruption et à s'emparer pour se défendre certaines paroles de l'Écri-[PAGE 93]ture, en les expliquant mensongèrement et frauduleusement, il faut immédiatement rassembler les opinions des anciens sur l'interprétation de ce passage de l'Écriture. Ce qui permettra de démasquer sur le champ la nouveauté et de la condamner sans aucune hésitation.

Qui seront les Pères dont nous confronterons les affirmations ? Ce sont ceux qui ont mené une vie exemplaire, dans la foi et la communion catholique, qui ont toujours enseigné et sont demeurés dans la foi, qui sont morts fidèles au Christ ou même dignes de mourir pour lui142.

Il faut les croire en vertu de la règle suivante : Ce qu'ils ont enseigné à l'unanimité ou dans leur majorité, clairement, d'un commun accord, fréquemment, avec insistance – tel un concile de théologiens unanimes –, ce qu'ils nous ont transmis, après l'avoir reçu de la Tradition et l'avoir eux-mêmes conservé, cela doit être tenu pour indubitable, certain et vrai143.

Au contraire, tout ce que quelqu'un aura pensé en dehors de l'opinion générale ou même contre elle, quelque saint et savant qu'il soit, fût-il évêque, fût-il confesseur et martyr, doit être relégué parmi les menues opinions personnelles, secrètes et privées, dépourvues de l'autorité qui s'attache à une opinion commune, publique et générale. N'allons pas, pour le plus grand péril de notre salut éternel, agir selon l'habitude sacrilège des hérétiques et des schismatiques et renoncer à l'antique vérité d'un dogme universel pour suivre l'erreur nouvelle d'un seul homme144.

Pour que nul ne s'imagine qu'il peut mépriser témérairement [PAGE 94] la sainte et catholique unanimité de ces bienheureux Pères, l'Apôtre dit dans la Première aux Corinthiens : « Dieu en a établi certains dans son Église, premièrement les apôtres (Paul était de ce nombre), secondement les prophètes (comme Agabus, dont il est parlé dans les Actes des Apôtres), troisièmement les docteurs » (1 Co 12, 28) que, maintenant, l'on appelle tractatores145, et que ce même Apôtre nomme parfois aussi prophètes, parce que, grâce à leur intermédiaire, les mystérieuses paroles des prophètes sont dévoilées au peuple.

Donc, quiconque dédaigne ces hommes divinement établis dans l'Église de Dieu selon les temps et les lieux, quand ils s'accordent pleinement dans le Christ sur le sens d'un dogme catholique, ne méprise pas un homme, c'est Dieu qu'il méprise. Pour que personne ne s'écarte de leur unité, le même apôtre accentue ses exhortations : « Je vous en conjure, mes frères, ayez tous un même langage ; qu'il n'y ait point de schisme parmi vous : soyez parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment » (1 Co 1, 10).

Si quelqu'un cesse d'être en communion de sentiment avec eux, il entendra cette parole du même Apôtre : « Dieu n'est pas un Dieu de discorde, mais un Dieu de paix » (c'est-à-dire qu'il n'est pas le Dieu de celui qui se retranche de l'unité d'opinion, mais de ceux qui demeurent dans la paix qu'engendre un plein accord). « C'est ce que j'enseigne dans toutes les Églises des saints » (1 Co 14, 33). Il veut dire des catholiques : Églises saintes, parce qu'elles persistent dans la communion de la foi146.

Que nul n'ait la présomption de croire qu'il doive être seul écouté, seul cru, à l'exclusion des autres, car Paul ajoute peu après : « Est-ce de vous qu'est sortie la parole de Dieu ? n'est-elle venue qu'à vous seuls ? » Et pour qu'on n'accueille pas ses paroles comme s'il les eût dites sans y attacher d'importance, il ajoute : « Si quelqu'un passe pour prophète ou spirituel, qu'il reconnaisse que les choses que je vous écris sont des ordres du [PAGE 95] Seigneur. » Quels ordres, sinon que tout « prophète », tout « spirituel » (cela signifie maître pour les choses spirituelles) se montre hautement soucieux de l'égalité et de l'unité ; qu'il n'aille point préférer ses propres opinions à celles d'autrui ; qu'il ne s'écarte pas du sentiment général ?

« Si quelqu'un ignore ces recommandations, il sera lui- même ignoré » (1 Co 14, 36-38). C'est-à-dire, celui qui n'étudie pas les choses qu'il ignore ou méprise les choses qu'il sait, sera ignoré ; il sera considéré comme indigne d'être compté par Dieu au nombre de ceux que la foi unit et que l'humilité rend égaux. Je ne sais si l'on peut imaginer malheur pire que celui-là. Tel a été pourtant, nous l'avons vu, le sort qu'a subi, selon la menace de l'Apôtre, ce Julien, disciple de Pélage147 qui négligea de s'unir au sentiment de ses collègues ou qui eut la présomption de se désolidariser avec eux."

Bonne journée.

Scrutator.

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 Le discours du 11 octobre 2017 est-il ou non un "cheval de Troie" ? par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-04 11:59:31)
      Faut-il réécrire le Credo ? par BK  (2018-08-04 12:16:14)
          Il faut y ajouter: "Je crois en le pape !" par Jean-Paul PARFU  (2018-08-04 12:42:28)
              Ne serait-ce pas plutôt : J'abjure le pape Antéchrist par BK  (2018-08-04 13:09:22)
          Petit rappel sur ce qui nécessite une clarification. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-04 13:49:27)
              J'attends toujours qu'on définisse... par Paterculus  (2018-08-04 17:23:47)
                  Praxis ou principe ? par Candidus  (2018-08-04 19:17:30)
                      François a la Foi et un regard surnaturel (lui ?) par BK  (2018-08-04 23:53:38)
                          Oui IBK ! par Jean-Paul PARFU  (2018-08-05 01:16:56)
                          Blablabla par Luc de Montalte  (2018-08-05 15:33:53)
                      La réalité par Eti Lène  (2018-08-05 10:43:55)
                          Oui, mais par Paterculus  (2018-08-05 21:24:32)
                      Lisez donc ces textes, notamment sur les 4 principes du pape François. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-06 09:24:50)
                  Je veux bien essayer de définir ce changement de paradigme. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-05 10:19:57)
                      Précision par Paterculus  (2018-08-06 10:41:27)
              Je ne vous comprends pas, Scrutator par BK  (2018-08-04 23:51:08)
                  Ordonne, nous te suivons ! par Jean-Paul PARFU  (2018-08-05 03:53:56)
                      Ben oui, mais. par Steve  (2018-08-05 09:14:34)
                  C'est la foi de bien des hommes d'Eglise qui a changé. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-05 10:00:16)
                      Relisez Pastor Aeternus ! par Jean-Paul PARFU  (2018-08-05 10:47:13)
                          Mieux encore… par Luc de Montalte  (2018-08-05 15:48:38)
                          Merci beaucoup pour toute réponse encore plus sérieuse. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-07 13:40:59)
                              Rassurez-vous par Jean-Paul PARFU  (2018-08-07 23:16:25)
                      Des hommes d'Église... et du pape ? par BK  (2018-08-06 16:02:18)
                          Le pape n'est pas un homme d'église ! par Jean-Paul PARFU  (2018-08-06 16:22:55)
                              Cher Jean-Paul par BK  (2018-08-06 16:42:55)
                                  Certainement IBK ! par Jean-Paul PARFU  (2018-08-06 16:47:34)
                                      La discussion n'est pas égale, cher Jean-Paul par BK  (2018-08-06 18:16:03)
                                          Trois quatre pages… par Luc de Montalte  (2018-08-06 20:06:41)
                          Lisez donc la profession philo-islamique de Jean-Paul II. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-07 12:04:54)
                          Ce serait plus flagrant si c'était dans la seule Eglise de Toucégala. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-07 14:45:05)
          Attention à un droit au changement du CEC, opposable à l'Eglise. par Scrutator Sapientiæ  (2018-08-07 15:51:52)


32 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]