Un grand merci tout d'abord pour votre message fort intéressant, dont j'approuve bien sûr le contenu, d'autant plus que je ne fais pas plus mystère sur ce forum qu'ailleurs de mon aversion ou du moins de mon absence d'enthousiasme pour une certaine pensée catholique du XIXe siècle.
A la décharge des études ecclésiastiques du XIXe siècle, on doit cependant relever tous les handicaps accumulés au sortir de la Révolution : destruction ou dispersion des bibliothèques, suppression révolutionnaire des anciennes universités bien imparfaitement remplacées sous l'Empire par les facultés de théologie, besoin criant de pasteurs qui ne favorisait ni les longues études ecclésiastiques, ni l'affectation prioritaire de clercs à la réflexion philosophique et théologique. Cela apparaît assez clairement dans les Mémoires du chanoine Le Sage (PUR, 2012), où l'auteur constate une nette rupture générationnelle entre l'ancien clergé et le jeune clergé concordataire généralement nettement moins bien instruit et pour ainsi dire beaucoup plus idéologique dans sa manière d'envisager les choses ; ce trait a été relevé aussi dans la thèse d'Y.-M. Hilaire sur le diocèse d'Arras.
Dans une telle situation d'appauvrissement de la pensée chrétienne, ou plutôt d'aggravation radicale après une fin d'Ancien Régime déjà laborieuse (cf. la thèse de B. Pelletier sur La théologie et la politique du Saint-Siège face à la Révolution française et les ouvrages de l'abbé Plongeron), le courant traditionaliste, en particulier le courant mennaisien, pouvait facilement paraître prometteur, malgré toutes les erreurs et toutes les étroitesses qu'il charriait. Il est intéressant de noter que Lacordaire, pendant son noviciat de dominicain à Rome, écrivait dans sa correspondance qu'il avait fait la découverte de saint Thomas d'Aquin, qu'il ignorait presque complètement alors même qu'il avait été séminariste à Saint-Sulpice, donc dans le meilleur séminaire de France, où n'était enseignée alors qu'une théologie éclectique probablement assez faible.
Le mennaisisme est absurde à bien des égards, ses conséquences jusqu'à aujourd'hui (Y. Tranvouez dans Catholiques d'abord parle d'un "paradigme mennaisien", matrice de bien des ambivalences du catholicisme intransigeant des XIXe et XXe siècle) ont selon toute vraisemblance été désastreuses, mais il avait des raisons de séduire un clergé intellectuellement très désorienté.
Peregrinus
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