lors du Congrès de Lausanne en 1967:
Voici un passage de sa conférence qui peut éclairer le propos:
III. — LES TROIS VOIES POUR CONNAITRE LA LOI NATURELLE.
De ce que nous venons de dire, il ressort déjà que nous avons donc trois voies pour connaître la loi naturelle.
1. — La première et la plus sûre, et qui est suffisante en elle-même, est de nous reporter au Décalogue, que l'Église fait généralement enseigner au catéchisme sous le nom de Commandements de Dieu. « Décalogue », « commandements de Dieu », « loi naturelle » sont les trois noms d'une seule et même chose. Chacun de ces noms a d'ailleurs sa raison d'être, chacun dit quelque chose que l'autre ne dit pas:
Décalogue: ce sont les 10 prescriptions fondamentales de la loi naturelle telles qu'elles ont été révélées par Dieu à Moïse et au peuple juif.
Commandements de Dieu: ce nom nous rappelle que Dieu est l'auteur de la loi naturelle.
Loi naturelle est un nom qui met en lumière deux choses:
a) ce ne sont pas des commandements qui nous seraient extérieurs, ils sont inscrits dans notre nature et ils nous dirigent vers le bien qui nous est connaturel, le bien auquel aspire notre nature et qui la comble;
b) ces commandements peuvent être découverts, en l'absence de toute Révélation divine, par la raison naturelle.
Et donc, pour celui qui n'est ni juif ni chrétien, il existe deux autres voies pour connaître la loi naturelle.
2. — Seconde voie: la lumière de la raison. Tous les préceptes du Décalogue sont accessibles à la raison naturelle. — Seulement il faut préciser que cette possibilité théorique de la raison n'est pas toujours, en fait, une possibilité pratique. Il y faut un long et pénible travail philosophique, et tout le monde n'est pas Aristote en personne; il y faut beaucoup de temps, un long cheminement de la réflexion, qui comporte des risques d'erreur, car si la raison humaine est capable de connaître, elle n'est pas pour autant infaillible, elle peut aussi se tromper.
(Tout homme connaît avec une évidence immédiate le « premier principe de la raison pratique », qui s'énonce: « il faut faire le bien et éviter le mal » ; et des impératifs généraux tels que « ne pas faire de tort aux autres » ou « ne pas faire à autrui ce que l'on ne veut pas subir soi-même » , mais arriver par la raison à une connaissance claire et certaine des 10 commandements du Décalogue est possible en soi, bien difficile eu fait.)
3. - Troisième voie: consulter sa propre nature humaine. Non plus ici la connaissance par la raison, mais une connaissance dite « connaturelle », une connaissance comme spontanée et pour ainsi dire instinctive. La loi naturelle est inscrite dans le cœur de l'homme: l'expression est de saint Paul. Que l'homme consulte donc son cœur et l'inclination naturelle de son cœur: mais la véritable inclination naturelle. Dans l'état de nature déchue qui est le nôtre depuis le péché d'Adam, sous le joug de la loi de concupiscence qui nous incline au mal, une telle consultation risque souvent d'être illusoire, chimérique, trompeuse.
Ces deux voies naturelles vont d'ailleurs le plus souvent ensemble, s'aidant et s'éclairant l'une l'autre. Sous ce rapport la loi naturelle est appelée la loi non écrite — la loi non écrite de l'Antigone de Sophocle — par distinction d'avec les lois écrites par le législateur humain.
Pour celui qui n'est ni juif ni chrétien, la loi naturelle est en effet une loi qui n'est écrite nulle part, sauf dans sa raison et dans son cœur.
La pensée grecque avait atteint à une idée très haute et parfois très certaine de la loi naturelle: très certaine, puisque l'Antigone de Sophocle donne sa vie pour obéir à la loi naturelle: exactement conçue comme une loi supérieure aux lois humaines. Si les lois humaines promulguées par la cité contredisent la loi non écrite, il faut désobéir aux lois humaines et obéir à la loi non écrite, fût-ce au prix de la vie. Quoi qu'il en soit du progrès, nous pouvons nous trouver aujourd'hui dans des circonstances analogues, où la loi politique vient contredire la loi naturelle. Mais la loi naturelle n'est plus pour nous la « loi non écrite »; pour nous ce sont les commandements de Dieu, dûment formulés et écrits, et notre devoir est encore plus clair: il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes.
Jean Madiran
1967 Congrès de Lausanne : Rapport introductif sur la loi naturelle
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