L'abandon des Limbes, une pieuse opinion (sans plus) par Meneau 2013-11-03 21:08:17 |
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Tout d'abord, le document de la CTI... n'est qu'un document de la CTI, très indirectement organe du Magistère.
Ensuite, ce même document s'exprime ainsi :
La conclusion de cette étude est qu’il existe des raisons théologiques et liturgiques d’espérer que les enfants qui meurent sans baptême puissent être sauvés et conduits à la béatitude éternelle, même si aucun enseignement explicite sur ce point ne se trouve dans la Révélation.
(...)
Notre conclusion est que les multiples facteurs que nous avons examinés ci-dessus donnent des fondements théologiques et liturgiques sérieux pour espérer que les enfants qui meurent sans baptême seront sauvés et jouiront de la vision béatifique. Nous soulignons que ce sont des raisons d’espérer dans la prière, plutôt que des fondements d’une connaissance certaine.
Elle [la théorie des limbes] demeure donc une hypothèse théologique possible
Prop. I: Les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel sont privés de la vision béatifique. (De fide divina et catholica definita).
Enseignement du magistère:
Innocent III « La peine du péché originel est la privation de la vision de Dieu, mais la peine du péché actuel les tourments de la géhenne perpétuelle ». (Fc 685 Dzs; 780)
De même, le concile de Lyon II « Nous croyons que les âmes de ceux qui ont reçu le baptême sacré n’encourent absolument aucune souillure du péché; et que les âmes qui après contracté la souillure du péché sont purifiées puis ensuite admises au ciel; quant aux âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel ou seulement avec le péché originel elles descendent de suite en enfer mais y subissent des châtiments inégaux ».(H. Denzinger- K. Rahner, Enchiridion Symbolorum27.n° 464)
Le Pape Jean XXII s’exprime en 1321 en termes quasiment identiques « (l’Eglise Romaine) enseigne que ... les âmes de ceux qui sont morts en état de péché mortels ou avec le seul péché originel descendent ensuite en enfer mais sont punies dans des lieux et par de châtiments différents ». ( D. 493a)
Cet enseignement a été repris par le Concile de Florence (1438-1445): « Nous croyons que les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel ou seulement avec le péché originel descendent de suite en enfer mais y subissent des châtiments inégaux ».( D. 693)
Le Concile Vatican I (1870) avait prévu de définir: « Même ceux qui meurent avec seulement le péché originel, seront privés pour l’éternité de la vision béatifique de Dieu » ( CL 7,565)
La raison de cette doctrine repose dans la nécessité absolue de la grâce sanctifiante pour être sauvé. La grâce sanctifiante en effet n’est pas un moyen de salut, elle est l’élément qui nous constitue enfant de Dieu par l’adoption. C’est une « participation à la nature divine » 2P 1,4). Or la peine formelle du péché originel consiste ni dans la perte des dons préternaturels ni dans la concupiscence mais dans la privation de cette grâce sanctifiante. Celui qui a le péché originel est donc privé de cette grâce sanctifiante et ne peut donc accéder s’il meurt à la béatitude surnaturelle. ( St Thomas De malo q.5, a.1).
Prop. II : Pour effacer le péché originel l’homme doit être baptisé. Cependant ce baptême peut être suppléé quant à ses effets par le martyre ou par la charité parfaite uni à un désir implicite ou explicite de baptême. (Certum)
« Une fois que l'homme a commencé à avoir l'usage de la raison, il n'est pas tout à fait excusé de la culpabilité des péchés tant véniels que mortels. Mais la première chose qui doit se présenter à sa réflexion, c'est de délibérer sur lui-même. Et si réellement il s'est ordonné à la fin voulue, il obtiendra par la grâce la rémission du péché originel. Tandis que, s'il ne s'oriente pas vers la bonne fin, autant qu'à cet âge-là il est capable de la discerner, il péchera mortellement, ne faisant pas tout son possible. Et dès lors, il n'y aura plus chez lui péché véniel sans péché mortel, si ce n'est après que tout lui aura été remis par la grâce. » (I-II, 89, 6, c.)
Prop. III : Les enfants qui meurent sans être baptisés n’accèdent pas à la béatitude éternelle mais vont dans les limbes. ( Probabilior)
Cette doctrine découle directement des deux propositions (I et II) ci-dessus. En effet, un enfant qui meurt sans être baptisé n’a aucun moyen d’avoir la grâce sanctifiante qui nous l’avons vu est absolument nécessaire au salut. Se trouvant dans l’état de péché originel, il se trouve par le fait même exclu de la vision béatifique. Il n’est pas possible d’imaginer que la baptême puisse être suppléé. La suppléance par le martyre comme le fut le cas des saints innocents est à rejeter. Tout martyre suppose la mort violente pour le Christ ou à cause du Christ. Or cette mort pour le Christ ou à cause du Christ est certainement absente dans ce cas. Il ne peut non plus y avoir de baptême de désir car l’enfant n’est pas encore doué de raison et ne peut par conséquent poser un acte volontaire qui puisse le sauver en lui donnant la grâce sanctifiante.
Cette doctrine peut sembler dure mais elle est reçue par les plus grands pères docteurs l’Eglise et théologiens de l’Eglise. Elle semble enfin enseignée par le magistère ordinaire.
Témoignage de Pères
· Pères grecs
Saint Cyrille de Jérusalem(313-386):
« Si quelqu’un n’a pas reçu le baptême, il ne peut-être sauvé à la seule exception des martyrs qui même sans la baptême d’eau reçoivent le royaume » (Cath. 2.10; MG 33, 440; Rouet de Journel, Enchiridion patristicum,n° 811)
Saint Grégoire de Naziance (330-390)
« Pour le futur, j’estime que... ces derniers ( c’est à dire ceux qui ne sont pas baptisés « peut être à cause de leur bas âge ou pour quelque autre cause involontaire ») ne sont ni glorifiés ni châtiés par des supplices suite à un juste jugement ». ( R. 1012)
Saint Jean Chrysostome (349-407):
« Pleure les infidèles, pleure ceux qui ne différent en rien des infidèles, ceux qui sont morts sans l’illumination et sans le sceau du baptême, ceux-ci sont vraiment dignes de lamentations et de larmes, ils sont en dehors du royaume avec les damnés et les pervertis » ( MG 62, 203; R. 1206)
· Pères latins
Les Pères latins enseignent la même doctrine et sont encore plus sévères car ils prétendent que les enfants morts sans baptême en plus d’être privés de la gloire sont aussi châtiés par la peine des sens.
Saint Ambroise (330-397) :
« Le juif et le grec, quel que soit celui qui croit, doit savoir qu’il doit être délivré du péché pour qu’il puisse être sauvé... car personne n’ira dans le royaume des cieux si ce n’est par le sacrement du baptême. A moins d’être né à nouveau par l’eau et par l’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu »
Saint Augustin ( 354-430):
« Ne crois, ne dis pas, n’enseigne pas, si tu veux être catholique que les enfants morts avant d’être baptisés peuvent parvenir à la rémission du péché originel » ( De anima et ejus origine: 3, 9, 12 : ML 44, 516).
Saint Fulgence (467-533):
« Tiens très fermement que... même les tout petits qui soit sont morts dans le ventre de leur mère soit sont morts après leur naissance sans le saint baptême... quittent le monde pour être punis par le supplice du feu éternel » (R. 2271)
Témoignage des docteurs
Cette position est reçue par:
- Saint Bonaventure: 2 d.33 a.3 q.1
- Saint Thomas d’Aquin: 2 d. 33 q.2 a.1 et sq. et De Malo q.5 a.1-3
- Saint Robert Bellarmin: De amissione gratiae et statu peccati l.6 c.1-7
- Suarez: De vitiis et peccatis d.9 s.6.
Témoignage des théologiens du vingtième siècle
- L. cardinal Billot, De novissimis, Rome, 1922.
- P. cardinal Parente, De creatione universali. De angelorum honminisque elevatione et lapsu, Turin, 1946.
- Ch. cardinal Journet, La volonté divine salvique sur les petits enfants, Bruges, 1948.
-H. Lennerz, De sacramento Baptismi, Rome, 3 éd., 1955, p. 111 .
A. Tanquerey, Synopsis theologiae dogmaticae, t.2, Paris, 29 éd, 1955, n° 914 et t. 3, Paris, 22 éd., 1959, n° 1166 .
- I. F. Sagües, Sacrae Theologiae Summa, t. 2, Madrid, 4 éd., 1964, thesis 47.
Témoignage du magistère
Pie VI rejette comme:
« Fausse, téméraire, injurieuse aux écoles catholiques la proposition selon laquelle doit être rejetée comme une fable pélagienne l’endroit des enfers, appelé vulgairement limbes des enfants, dans lesquels les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel sont punies de la peine du dam sans la peine du feu, comme si écarter de ces âmes la peine du feu, c’était remettre en honneur la fable pélagienne d’après laquelle il y aurait un lieu et un état intermédiaires exempts de faute et de peine entre le royaume des cieux et la damnation éternelle ». (D. 1526)
Pie XII est encore plus explicite en rejetant, pour les enfants, tout autre moyen que le baptême, pour effacer le péché originel :
« Si ce que nous avons dit jusqu’ici regarde la protection de la vie surnaturelle, à bien plus forte raison, devons-nous l’appliquer à la vie surnaturelle que le nouveau-né reçoit par le baptême.
Dans l’ordre présent, il n’y a pas d’autre moyen de communiquer cette vie à l’enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison. Et cependant, l’état de grâce, au moment de la mort, est absolument nécessaire au salut. Sans cela, il n’est pas possible d’arriver à la félicité surnaturelle, à la vision béatifique de Dieu. Un acte d’amour peut suffire à l’adulte pour acquérir la grâce sanctifiante et suppléer au manque du baptême. Pour celui qui n’est pas né, ou pour le nouveau né, cette voie n’est pas encore ouverte ».( Discours aux participants de l’union catholique des sages femmes ( 29 octobre 1951): A.A.S, 43, 1951, p.841. Trad.: Documents pontificaux de S.S. Pie XII, Saint Maurice (Suisse), 1954, vol.13, p. 478)
Prop IV : Il est possible d’admettre un baptême de désir pour les enfants morts sans baptême (pieuse opinion)
Le premier à proposer cette opinion est l’illustre commentateur de St Thomas Cajetan. Celui-ci enseigne en effet que le désir de baptême des parents peut sauver l’enfant. La solution a été reprise et améliorée par plusieurs théologiens au XX e siècle. Ces théologiens proposent que les enfants sont baptisés « in vote ecclesiae » : de même que, chez les adultes, le désir du baptême supplée à la réception du sacrement, de même, chez les enfants, le désir du baptême, formé pour tous par l'Eglise, supplée de façon semblable à la collation du sacrement. Voici à ce sujet ce qu’écrivait naguère Mgr Piolanti, dont je partage l’avis :
« Après le concile Vatican II, qui ne voulut pas affronter l'épineux problème soulevés par certains courants théologiques, de nouvelles solutions, toujours plus bénignes, furent proposées. La plus significative est celle du P. Jean Galot, lequel, dans la ligne du cardinal Cajetan e du P. Héris, pose ce parallélisme: de même que, chez les adultes, le désir du baptême supplée à la réception du sacrement, de même, chez les enfants, le désir du baptême, formé pour tous par l'Eglise, supplée de façon semblable à la collation du sacrement, de sorte que tous les enfants se sauvent in voto Ecclesiae [51]. Cette pieuse conjecture, présentée avec un ample cortège d'arguments et avec une fine perception de ses conséquences [52], est destinée à toucher le cœur chrétien, tandis que l'esprit reste dans l'attente respectueuse d'un jugement du magistère. » Antonio PIOLANTI, I Sacramenti, 3e édition revue et ajournée, Pontificia Accademia Teologica Romana, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 1990, p. 298.
(Souligné par nous)
[note 51] J. GALOT, La salvezza dei bambini morti senza Battesimo, in La Civiltà Cattolica 1971, II, pp. 228-240; 336-346. C. PORRO s'approche avec modération de cette thèse, in Peccato e riconciliazione, Casale Montferrat 1983, pp. 41-52.
[note 52] L'illustre théologien s'appuie sur la volonté salvifique universelle de Dieu, e sur la solidarité de tous les hommes avec le Christ Rédempteur, laquelle triomphe de la solidarité non moins universelle en Adam, source du péché originel. Cette dernière considération avait déjà été bien traitée par l'abbé E. BOUDES, Réflexions sur la solidarité des hommes avec le Christ, in Nouvelle Revue Théologique 81 (1949), pp. 589-605.
L’ordre actuel est surnaturel ; les voies de la grâce sont ouvertes dès les premiers instants de chaque vie humaine.
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