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Apologie pour l’Église de toujours par R.-Th. Calmel, O. P. Itinéraires n°154 suite
par Diafoirus 2011-05-07 11:30:24
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Apologie pour l’Église de toujours

par R.-Th. Calmel, O. P.


IV. – Le régime de l’Église et la sanctification

Dans le Nouveau Testament l’Église n’est qu’un grain de sénevé, elle ne nous apparaît pas encore comme un grand arbre. Son mystère propre nous est cependant révélé avec une clarté suffisante pour ne laisser aucun doute sur sa constitution hiérarchique et sur le statut personnel des pouvoirs. Le pouvoir de régence suprême et de souveraine juridiction est conféré au seul Vicaire du Christ et non pas à un synode ; au seul Pierre et non pas à une assemblée. Le pouvoir d’offrir le Saint Sacrifice n’est pas donné à tous indistinctement, mais aux seuls Apôtres et à ceux des chrétiens qu’ils auront ordonnés. La juridiction sur les églises particulières dont nous parlent souvent les Épîtres de saint Paul revient à un évêque déterminé, et non pas à, un comité composé de laïcs et de clercs.

A la différence de ce, qui se passe dans les cités terrestres les pouvoirs donnés dans la Cité Sainte, dans le Royaume de Dieu, visent un objet transcendant et céleste – un ordre de réalités divines, un bien commun proprement surnaturel. Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. (Matt. XXVIII, 19).

– Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux (Matt. XVI, 19). – Faites ceci en mémoire de moi. Chaque fois en effet que vous mangerez ce pain et boirez ce calice vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne (Ia Cor. II, 25-26).

Ce qui est mis en cause de nos jours c’est non seulement la portée transcendante et surnaturelle des pouvoirs départis à l’Église mais aussi, et peut-être davantage, leur appropriation. Or l’ordination divine contre laquelle nous ne pouvons rien, a voulu que, dans l’Église, les pouvoirs soient personnellement appropriés. Le régime d’assemblée, le gouvernement de type démocratique et rousseauiste est étranger au Royaume de Dieu. Les Conciles même ne font pas exception. Car s’il est vrai que, dans ces grands rassemblements œcuméniques, ce sont les évêques en corps qui définissent (sauf à Vatican II) et qui légifèrent, il n’en reste pas moins, d’abord que leurs décisions n’ont de portée que pour autant que le Souverain Pontife les sanctionne, ensuite que l’autorité de chaque évêque sur son diocèse n’est aucunement suspendue du fait du Concile, ni transférée au corps épiscopal.

*

La démocratie de type rousseauiste est un régime conçu et appliqué de telle manière que le nombre prime le droit et que les vrais responsables, ceux qui de fait exercent l’autorité, aient ordinairement le moyen de se dérober ; en effet les détenteurs officiels du pouvoir sont hypocritement dépossédés du pouvoir effectif ; la réalité du pouvoir est transférée à des autorités parallèles, irresponsables et fuyantes. C’est en cela que la démocratie rousseauiste est un régime de mensonge ( Note : Sur ces questions, trois livres particulièrement vigoureux, même s’ils sont incomplets : MAURRAS : La Démocratie Religieuse ; – Augustin COCHIN : Les Sociétés de Pensée et la Démocratie ; – La Libre Pensée et la Révolution (Plon, édit. Paris). – La pensée de Maurras n’est pas vitalement chrétienne. Il reste que beaucoup de ses vues politiques, y compris en matière religieuse, sont admirablement justes et pénétrantes. Il est normal de les mettre à profit dans la lumière de la foi. ). Elle est encore plus intolérable dans la sainte Église – dans le Royaume de toute vérité – que dans les royaumes de ce monde.


Du reste il suffit de voir à l’œuvre le régime démocratique de la collégialité pour être fixé sur son degré d’hypocrisie et sa malice intrinsèque. Au bout de quelques années à peine, quels sont en effet les fruits du système collégial ? Un catéchisme faussé grâce au Fonds Obligatoire, une morale du mariage pervertie grâce à la Note 16 ( Note : Note par laquelle, en octobre 1968, l’assemblée collégiale de Lourdes rejetait sans franchise les prescriptions et les interdictions de Humanæ vitæ. – Voir ITINÉRAIRES de décembre 1968. ), une Messe devenue équivoque, parfois invalide, souvent sacrilège, grâce aux transformations rituelles effrénées. Dans tout cela, rien, absolument rien dont on puisse faire retomber la faute sans crainte d’erreur sur telle ou telle tête épiscopale, comme nous faisons retomber sur Martin Luther l’initiative d’avoir marié les prêtres. Dans les bouleversements révolutionnaires qui saccagent l’église de France, et qui étaient inconcevables il y a seulement dix ans, tout est imposé par un pouvoir sans tête, collégialement, dans l’anonymat des majorités écrasantes. A qui nous en prendre et comment nous prononcer ? En promulguant le Fonds Obligatoire ou la Note 16 la collégialité de Lourdes n’exécutait quand même pas un ordre immédiat et explicite du Saint-Siège. Accuserons-nous tel évêque, tel archevêque, tel cardinal ? Mais pourquoi celui-ci plutôt que celui-là ? Ils se perdent tous, ils sont tous noyés dans l’assemblée. C’est l’assemblée qui a voulu cela, cette destruction de la foi, de la morale et du culte. L’assemblée c’est-à-dire tout le monde et personne. L’assemblée a ratifié par un vote massif les propositions élaborées dans les petits groupes de théologiens, à la majorité des suffrages. De l’assemblée aux commissions, des commissions aux petits groupes, des petits groupes aux comités restreints, on a eu continuellement un moyen commode de se renvoyer la balle sans jamais savoir qui le premier au juste l’avait lancée, ni pour atteindre exactement quel but. Seulement le but, la démolition de la religion, était bel et bien touché. A chacune des assem-blées plénières collégiales, la destruction de la doctrine, de la morale et de la liturgie a fait des progrès considérables.


Mais qui est le destructeur ? Tous les évêques ou de peu s’en faut, si on considère le mécanisme de la majorité des suffrages, mais un petit nombre difficile à identifier, si on considère la détermination personnelle, mûrement délibérée, réfléchie et calculée. Et c’est en cela que le système collégial est hypocrite et contre-nature : il exempte au maximum un chacun du poids de ses responsabilités propres et des intolérables brûlures du remords, mais en même temps et par le même mécanisme il fait coopérer un chacun aux pires forfaits, à l’instauration d’une religion pseudo-chrétienne sous un masque chrétien. Eh ! bien, le système collégial ne fait qu’étendre à l’Église les méfaits de la démocratie rousseauiste. Qu’il se prolongeât quelques années encore et l’Église serait vidée de ses pouvoirs divins de transmettre infailliblement la Révélation, célébrer la vraie Messe, donner les vrais sacrements, assurer les ordinations valides. Car les ordinations elles-mêmes n’échapperaient pas à l’universel désastre. Que l’évêque qui ordonne en vienne progressivement à rejeter la foi de l’Église dans le Saint Sacrifice de la Messe, que, par une conséquence normale, son intention se modifie et qu’elle ne soit plus d’ordonner en vue du Saint Sacrifice, alors il cesse par le fait même de conférer aux ordinands le caractère sacerdotal ; son ordination s’annule. C’est par un semblable processus que les évêques anglicans, au XVIe siècle, cessèrent de conférer validement les saints ordres. Or il est dans la logique de la collégialité de renouveler ce processus, ou plutôt de le systématiser et de l’étendre. La collégialité en effet a tout ce qu’il faut pour transformer la foi et donc la détruire, mais rien pour la préserver. En dépouillant pratiquement l’évêque de son pouvoir personnel de transmettre la saine doctrine, en soumettant la foi de l’évêque au recyclage des assemblées délibérantes et votantes, la collégialité en vient insensiblement à transformer la foi de l’évêque ; sa foi étant changée il adviendra que change également son intention en conférant les sacrements qui relèvent de son pouvoir ; le changement de rite suivra sans tarder le changement d’intention ; alors le sacrement deviendra nul.

Les évêques qui passèrent à l’Anglicanisme sous Édouard VI, au XVIe siècle, avaient certainement reçu une consécration valide ; ils détenaient certainement le pouvoir d’ordre. Il reste que dans les ordinations qu’ils conféraient il arriva un moment – à partir du jour où, ayant perdu la foi au Saint Sacrifice, ils changèrent leur intention et changèrent le rituel – il arriva donc un moment où leurs pouvoirs, quelle qu’en fut la réalité, n’eurent plus aucun effet, cessèrent de conférer le seul véritable sacerdoce ( Note : Voir Dictionnaire de Théologie Catholique, Ordinations angli¬canes à la section III : arguments contre la validité – col. 1168 et sq. surtout col. 1183 à 1186. ).
Voilà sans aucun doute ce qui se produirait avec les évêques collégialisés si le système n’était bientôt réduit en miettes.


Les pouvoirs de l’Église, aussi bien dans la ligne de la juridiction que dans celle de l’ordre, sont des pouvoirs personnels.
C’est ainsi que le Seigneur les a fondés une fois pour toutes. Et il les a ainsi fondés parce que l’appropriation personnelle est en harmonie avec les saintes lois de la franchise et de l’honneur. Que chaque ministre sache donc que c’est lui qui est choisi, honoré à ce point, investi de cette charge divine ; lui et non pas un groupe anonyme. Que chacun de ceux qui recourent aux ministres du Seigneur et se soumettent à leurs pouvoirs – et les ministres eux-mêmes se trouvent dans ce cas à l’égard de leurs confrères – que chacun de ceux qui écoutent la prédication, vont à confesse, participent au Saint Sacrifice, se sente en sécurité, n’ait pas à se méfier de l’imposture, n’en soit pas réduit à cette condition désespérante et honteuse de ne pas savoir à qui il a affaire, et en définitive qu’est-ce qui est en cause : le pouvoir authentique, effectivement surnaturel, d’un ministre du Christ, ou le simulacre de pouvoir d’une assemblée sans visage ?

*

Le Seigneur ayant voulu que les pouvoirs, dans son Église, soient personnellement attribués et exercés, ne permettra pas que la collégialité les résorbe et les supprime. Il mettra plutôt fin à la collégialité d’une manière ou d’une autre. Nous n’avons donc pas à craindre, mais à prier en toute confiance, exercer sans peur, selon la Tradition et dans notre sphère, le pouvoir qui est le nôtre, préparer ainsi les temps heureux où Rome se resouviendra d’être Rome et les évêques d’être des évêques ( Note : Nous n’envisageons dans cette brève apologie que la première propriété de la collégialité : dépersonnalisation et donc annulation des pouvoirs. Nous n’avons garde d’oublier toutefois la seconde propriété, inséparable de la première et non moins ruineuse : la suppression de la souveraineté pontificale. Car selon la très pertinente formule de l’abbé Dulac (Courrier de Rome, 10 janvier 71) : « La collégialité épiscopale tend à dédoubler le pouvoir souverain et en répartir les responsabilités entre celui qu’on appelait le Souverain Pontife et les églises locales. » ). Car Rome retrouvera sa primauté – et fera cesser, notamment, cette comédie collégiale qui permet aux évêques de faire schisme en assemblée nationale, en groupe organisé, et collectivement, alors que nul d’entre eux ne se risque à se déclarer personnellement schismatique, bien au contraire.


Les évêques exerceront à nouveau franchement leur pouvoir pour paître leur troupeau selon la Tradition de la saine doctrine et du culte véritable. Bien loin de se faire les exécutants serviles des décisions modernistes votées par la majorité de l’assemblée, ils enseigneront eux-mêmes et feront enseigner la foi catholique ; ils célébreront à nouveau la Messe de toujours et veilleront à ce qu’elle soit célébrée dignement. Parce que notre foi ne se trompe pas en croyant à la papauté et à l’épiscopat selon la forme personnelle établie par le Seigneur, nous sommes certains que le temps du collégialisme est mesuré. Il ne faudra pas un siècle, ni un demi-siècle, pour qu’on en finisse avec ces dialogues d’irresponsables qui se multiplient depuis le Concile. « Monseigneur, comment avez-vous pu supporter les propos de ce religieux dans la conférence qu’il vient de nous faire sur le péché originel et le baptême des enfants ? – Pour ma part, je ne parlerais pas ainsi. Mais que puis-je faire et comment intervenir puisque la collégialité des évêques de France estime maintenant qu’on n’a plus de certitude sur toutes ces choses. – Monseigneur, comment supportez-vous que tel Père réunisse périodiquement les prêtres de votre diocèse pour les initier à ce qu’il faut appeler par son nom : une parodie de la Sainte Messe ? – Personnellement, je ne goûte ni ses théories, ni ses manières. Mais enfin il est mandaté ou il s’est fait mandater par la commission liturgique ; et cette commission est agréée et encouragée par nos assemblées collégiales. Comment voulez-vous que moi, tout seul parmi les évêques, je m’élève là-contre ? C’est impossible.

Ce serait tout à fait possible si l’évêque avait un peu de courage sacerdotal, osait regarder en face son devoir, s’exposer au mépris, aux moqueries, peut-être à la relégation sociologique, afin de rendre témoignage au Souverain Prêtre : Jésus-Christ. Mais il s’est laissé prendre dans une machine et dans des engrenages combinés tout exprès pour l’empêcher d’exister lui-même (dans la légitime soumission à Rome). Après cette démission préalable où trouver le courage requis pour confesser la foi et combattre les hérétiques ?


La première faute fut d’entrer dans ce système collégial, de type rousseauiste, où le détenteur officiel du pouvoir est dépossédé du pouvoir effectif tout en ayant l’apparence de le garder. Mais le système sera mis en pièces et tous ses mécanismes voleront en éclats. Sans doute les commissions spécialisées ne seront-elles pas abolies. Elles furent indispensables de tout temps pour l’étude de questions particulièrement ardues. Seulement elles ne fonctionneront plus dans l’anonymat. On saura qui les nomme, jusqu’où s’étend leur compétence, devant qui les membres qui les composent doivent répondre de leur travail. De même pour les rencontres entre évêques. Elles ne seront pas suspendues, parce qu’elles sont dans la nature des choses et qu’elles favorisent, jusqu’à un certain point, la ferveur de la prière et la fécondité de l’apostolat. Mais qu’elles soient réglées par un statut précis approuvé de Rome ; que chaque évêque soit encouragé à prendre ses devoirs encore plus à cœur, loin d’être annihilé dans un appareil qui le dépossède de ses pouvoirs et le dispense de porter les responsabilités de son ministère. Que cesse en un mot la Révolution collégialiste et démocratique : il y va de la sainteté de l’Église et de notre propre sanctification.

*

Car la sainteté de toute l’Église et la sanctification de chacun dans l’Église demande et requiert non pas que nous n’ayons jamais à surmonter le scandale de l’hérésie chez un évêque ou chez un docteur accrédité par l’évêque, mais que le recours à la chaire de Pierre soit possible contre l’hérétique, que l’hérétique ne devienne pas indiscernable par Rome, insaisissable, dissimulé dans le brouillard opaque de la collégialité qui l’encourage ou le défend. La sainteté de toute l’Église et la sanctification de chacun dans l’Église demande et requiert non pas que ne se produise jamais le scandale de Messes invalides ou sacrilèges, mais que les évêques coupables ou complices de telles énormités ne trouvent plus le moyen quasi-infaillible, grâce à l’habile camouflage collégial, de passer pour innocents et de se soustraire à la justice du Pontife Romain. Car s’il est nécessaire que les scandales arrivent, il est non moins nécessaire que l’Église ne soit pas dominée par les scandales, et donc que son régime lui permette de vaincre les scandales, de demeurer sainte et sanctifiante. Or tel est bien l’effet du régime dont le Seigneur l’a pourvue grâce à des pouvoirs surnaturels hiérarchisés, assistés par le Saint-Esprit, personnellement attribués.

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Les désordres post-conciliaires en général, et la collégialité perverse en particulier, auraient été contenus et refoulés aussitôt si les prêtres en grand nombre n’avaient eu d’autres aspirations que de glorifier le Souverain Prêtre, en traitant avec le plus grand respect les pouvoirs ineffables qu’il a remis entre nos mains. Il doit suffire à tout prêtre du premier ou du second ordre de faire honneur à celui qui nous a consacrés. Il doit nous suffire d’agir en tout comme ses ministres fidèles ( Note : Ce que l’on demande à des intendants c’est d’être trouvés fidèles (Ia Cor. 4, 2). ) ; faire ce qui est en nous pour qu’il trouve consolation et gloire quand il lui plaît de se servir de nous, soit comme purs instruments dans le Saint Sacrifice, soit comme dispensateurs de sa vérité dans la prédication, soit comme lieutenants de sa souveraineté dans l’exercice de la juridiction qui peut nous revenir pour une certaine part.

Des prêtres et des évêques ayant pris profondément conscience que le Seigneur lui-même daigne se servir d’eux pour offrir la Sainte Messe, sont horrifiés à la seule idée de rites polyvalents ; ils n’admettent à aucun prix ni sous aucun prétexte, alors qu’ils se donnent au Seigneur de toute vérité pour qu’il offre par eux son Sacrifice, de ne pas se conformer, dans une fonction aussi sainte, aux rites loyaux, non équivoques, marqués de la plus humble révérence, que la Tradition nous a gardés. L’incompatibilité est absolue entre le Dieu de toute vérité et les rites équivoques. C’est se moquer du Seigneur avec beaucoup d’insolence et une méchanceté horrible que d’accomplir le mystère de la foi – Mysterium Fidei – selon un rite qui conduit par lui-même à la destruction de la foi.

Seigneur, gémit intérieurement le prêtre fidèle, Seigneur, que vous ayez la satisfaction de trouver en moi un digne ministre dans le Saint Sacrifice que vous allez offrir par moi en vous servant du pauvre pécheur que je suis. Que je fasse au moins cela pour vous de ne pas vous contrister alors que vous daignez vous servir de moi. Et pour ne pas vous contrister, pour que je sois livré à votre action en toute disponibilité, que ferais-je de mieux que de commencer par m’en tenir aux rites très saints, sanctionnés par l’Église de toujours ?


Et, de son côté, l’évêque qui entrevoit la confiance que lui a faite Jésus-Christ quand il lui a confié une portion de son troupeau, ne demandera-t-il pas au Pontife Souverain et Éternel d’être à la perfection la vivante image du Bon Pasteur ; qu’au moins, il n’hésite pas à porter les devoirs de sa charge à ses propres risques et périls, à la vie et à la mort, bien loin de s’en laisser dépouiller par la collégialité irresponsable ; qu’il transmette fidèlement la doctrine de la foi et, pour cela, qu’il garde la Tradition catholique.

Que nous tous qui, grâce à l’intercession de la Vierge corédemptrice, avons eu part au sacerdoce ministériel, nous ayons la résolution très ferme d’honorer le Souverain Prêtre ; alors nos pouvoirs seront exercés d’une manière pleinement conforme à l’institution du Seigneur et à la Tradition de son Église – pour la sanctification des fidèles, notre propre sanctification et la splendeur accrue de la sainte cité.

*

De même que l’on parlerait de la charité surnaturelle tout de travers si l’on essayait de l’expliquer en termes d’amour sentimental, de même que l’on se tromperait absolument sur la justification si on la concevait comme Luther à l’image d’une non-imputation de la faute commise, par une sorte de fiction juridique, de même raisonnerait-on à contre-sens si, pour pénétrer dans le mystère de l’Église, on allait prendre une analogie, sans peut-être s’en rendre compte, dans les sociétés contre-nature, les sociétés révolutionnaires, celles qui, de diverses façons, se proposent les mirages du messianisme terrestre comme idéal à atteindre et bien commun à réaliser ; celles qui établissent leur pouvoir sur des organisations occultes et des structures anonymes.

N’importe quelles analogies ne permettent pas de réfléchir à n’importe quels mystères surnaturels, n’importe quelles notions ne peuvent être mises en œuvre pour parvenir à une certaine intelligence des secrets révélés par Dieu. Il ne suffit point, par exemple, pour saisir la vérité sur la sainte humanité du Christ de lui attribuer pêle-mêle les grandeurs et les faiblesses de la condition humaine ; il faut voir au contraire que la nature qu’il daigne assumer ne peut être que remplie de sagesse et de grâce, ensuite que les infirmités qu’il veut faire siennes ne peuvent jamais être les tares physiques ou psychiques qui tiennent au manque d’intégrité qui a suivi le péché originel ( Note : Voir IIIa Pars, qu. XIV, art. 4. ) ; le Christ a été sujet à la soif, à la fatigue, à certaines tristesses et aux tourments terribles de la croix, mais il était nécessairement exempt de la maladie ou des déficiences psychologiques. (Il ne pouvait souffrir de ces maux que dans les membres de son Corps mystique.) ( Note : Voir Pascal, Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies, surtout le paragraphe X. )

Eh ! bien, il en est en quelque sorte de l’Église comme du Christ lui-même puisqu’elle n’est rien d’autre que Jésus-Christ répandu et communiqué. Pour exprimer le vrai à son sujet, il faut comprendre que cette société venue du ciel fait sienne et surélève à son niveau certaines propriétés d’une société juste, mais demeure exempte, obligatoirement, des artifices et des tares qui sont inséparables d’une société de type révolutionnaire.

Or la conception de l’Église qui se répand de nos jours a ceci de nouveau qu’elle est une transposition d’une idée fausse et pernicieuse : l’idée rousseauiste ou maçonnique de la société. Si beaucoup de théologiens ou prétendus tels, admirent la collégialité, s’ils applaudissent à telles initiatives d’un pseudo-messianisme qui est une parodie de l’Évangile, c’est qu’ils trouvent tout normal le concept révolutionnaire de société. Dés lors leur théologie de l’Église devient aberrante.

La politique fait chavirer leur théologie. Dans certains cas c’est la foi elle-même, le contenu de la foi et la religion tout entière qui fait naufrage parce qu’elle ne peut plus résister à la poussée, plus ou moins consciente, d’une erreur politique qui envahit tout l’univers mental, d’une passion politique désorbitée qui a les exigences implacables d’un faux messianisme.

Le mystère de l’Église est alors transposé non seulement en une simple réalité de ce monde mais, ce qui est pire, en une réalité anti-naturelle, un monstre cérébral et dévastateur qu’il est impossible d’assouvir. C’est contre cette altération radicale, cette falsification perverse du mystère de l’Église que nous avons rappelé la doctrine traditionnelle de la Sancta Civitas.

(A suivre.)

R.-Th. Calmel, O. P.

Itinéraires Juin 1971

     

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          La doctrine de la collégialité avec Vatican II est celle de l'Eglise, iti. n° [...] par jejomau  (2011-05-07 15:33:29)
              Décidément vous êtes partout ! par Miserere  (2011-05-07 17:52:41)
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