Bonjour, Scrutator,

J'adhère à votre analyse, d'autant que, fils assumé de la modernité et me reconnaissant dans l'analyse du modernisme qu'a posée Saint Pie X, au grand scandale de pas mal de liseurs ici chaque fois que je le répète, j'ai besoin de cette Église soror et ancilla plus que mater et magistra, de cette Église hôpital de campagne comme le disait le pape François, mais surtout consolatrice de son peuple, un peuple de brebis sans bergers, la sécularisation révolutionnaire, ou le découplage de l'Europe séculière d'avec son clergé régulier, ayant entraîné le divorce de l'Etat chrétien et de l'Église et de la société avec le mode de vie chrétien.


Cette adhésion exprimée à votre analyse appelle quelques remarques complémentaires:


D'un point de vue spirituel, que le peuple ressente davantage le besoin d'être consolé de ses péchés que d'en être sauvé peut constituer une grande perte, voire une perte irréparable. Je hasarderai pourtantune hypothèse optimiste à laquelle je ne crois qu'à moitié: ce besoin de consolation n'est-il pas le commencement du repentir?


Nous avons été quelques-uns à remarquer que le pape actuel ne s'est appuyé sur le concile que quand on lui a fait observer qu'il y faisait très peu référence. Mais le fait que les textes du concile soient implicitement remisés du référentiel catholique ne tient-il pas à l'équivocité d'une forme, celle du concile, très classique, au service d'un projet de réformer l'Eglise, qui n'assume pas sa modernité, et qui avance masquée parce qu'il s'agit malgré tout de préserver un consensus, à commencer dans l'expression des Pères du concile? Moyennant quoi on a très tôt parlé, à l'avènement du pape François, du triomphe du catho-évangélisme dépassant l'œcuménisme de papa, dans le dialogue du martyre et dans un certain pentecôtisme. Mais on observait antérieurement déjà dans les "communautés de base" de l'Église qu'il vous est loisible d'appeler "néo-catholique" que la référence à l'Évangile avait supplanté la référence au concile. Il n'est pas anodin que la première encyclique "personnelle" de François se soit intitulée "evangeli gaudium".


Enfin, je crois abusif à tous égards de parler constamment de post-modernité. Cette espèce d'"après-toutisme" (et pourquoi pas de post-humanisme) fait référence aux philosophes de la mort de Dieu et de la mort de l'homme. Or on n'en est pas là. Ce qui nous arrive -et que beaucoup ici décrivent en termes de crise - n'est que l'aboutissement du modernisme que Saint Pie X avait analysé dans Pascendi avec une lucidité incroyable (et qu'encore une fois, je suis l'un des seuls ici à ne pas regretter), à savoir que ce serait la communauté des frères en Église et des frères du Christ qui sécréterait la dogmatique et la discipline dont ils auraient besoin. (Saint Pie X parlait assez peu de l'immanentisme moral). François considère même que cette autosécrétion dogmatique et morale des frères en Église et des frères du Christ-Tête devrait désormais tenir lieu d'infaillibilité, sous le nom de sensus fidei. Donc nous sommes arrivés au bout du modernisme, nous ne sommes pas des chrétiens post-modernes.


Seulement il y a un hic, qu'avait très bien pointé mgr Tony Anatrella dans Non à la société dépressive, qu'avait très bien repéré aussi de son côté Jacques de Guillebon dans Fils de personne: c'est que la société des frères ou des brebis sans berger est une société sans père, une société d'enfants à la clé, égarés, vivant à ciel ouvert dans une maison sans toit, où les chrétiens n'ont pas une pierre où reposer leur tête comme celui qu'ils suivent, et où le nomadisme doctrinal et disciplinaire vient de ce qu'ils s'élèvent tout seuls beaucoup plus qu'ils n'élèvent des troupeaux comme Abel le juste. Nous sommes donc des chrétiens nomades, des chrétiens à la mode de Jacques Attali.



Le torrentiel écartelé entre ce qu'il a gagné et ce qu'il a perdu, sans doute la raison profonde de sa présence épisodique sur ce forum.

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