Une vidéo de 5 mn ne vous obligeait pas à de tels raccourcis et à relier de façon exclusive le voeu à la naissance d'un héritier royal. Vous employez l'adjectif "mythique" à propos du rôle joué par le frère Fiacre. Je pense qu'il vaut mieux parler de "mystique", et je ne suis pas loin de penser que nous sommes plongés en plein mysticisme; que, par là-même, l'historien se trouve d'emblée exclu de la discussion.
Revenons justement à l'histoire et aux faits si délicatement recueillis par Laurentin dans son livre sur le Voeu de Louis XIII.
Rappel des faits:
15 août 1636 (fête de l'Assomption), Corbie tombe aux mains des Espagnols. Paris est menacée. Richelieu aussi ! "Les Princes réconciliés par l'urgence travaillent déjà la chute du Cal, tout en poursuivant le siège de Corbie. A l'issue du Conseil que le Roi est venu présider, à Amiens, Gaston d'Orléans a préparé un attentat pour abattre le tout-puissant Ministre. Les 4 conjurés sont là, prêts à l'action, derrière le Cal qui descend l'escalier. seule la défaillance ou le scrupule du frère du Roi, dont on attendait le signe, sauva la vie du Ministre." (p.33)
On comprend bien que Richelieu est plus qu'inquiet. "Il songe que la mort du Roi sans héritier laisserait l'Etat dans le marasme, et le livrerait à son plus dangereux ennemi. A grand-peine, il persuade le Roi que sa place n'est plus à l'armée." (p.34)
Corbie sera reprise à la mi-novembre. "Cette victoire donna lieu à une grande effusion de joie et reconnaissance à commencer par le Cal, qui avait été menacé dans sa réputation et dans sa vie, par ses "amis" autant que sur le champ de bataille, face à ses ennemis." (p.35). Richelieu va jusqu'à écrire: "En vérité, c'est un coup de Dieu! Le Roi et ses serviteurs doivent beaucoup à Dieu, chacun doit penser sérieusement à reconnaître ses grâces." Le 24 novembre, le Roi déclare:
" Depuis la prise de Corbie, je mes uis mis à la dévotion beaucoup plus que devant, pour remercier Dieu des grâces que j'en ai reçues".
L'élaboration du voeu
Ceux qui l'ont appelé le "voeu de la naissance" soulignent la date de sa publication: 10 février 1638, au troisième mois de la gestation. Mais selon Hugo de Groot, diplomate hollandais, réfugié à Paris, devenu ambassadeur en Suède de 1635 à 1645, ce voeu remonte au début même de 1637, soit plusieurs mois avant le début de la grossesse de la Reine (p.36). Laurentin, quant à lui, a découvert une première rédaction du voeu avec la date d'octobre 1637. Il affirme que ce voeu "émane d'une intention très personnelle et très ancienne du roi", réitération d'un voeu qu'il avait déjà fait à Lyon à l'automne 1630." (p.90 et sq.)
Evidemment que Laurentin consacre de longues pages au rôle des mystiques (p. 46 à 64). Il faut dire que cela fait beaucoup de monde à s'impliquer dans les destinées du royaume de France: Soeur Anne-Marie de Jésus crucifié, le frère Fiacre, Marguerite du Saint-Sacrement composent "un printemps de prières, voire d'inspirations mystiques" (p. 63). Mais Laurentin insiste fortement sur la part personnelle du Roi dans la rédaction du Voeu.
Derniers emprunts à Laurentin
Le voeu fut célébré avec éclat le 15 août 1638, soit quelques semaine savent la naissance du royal héritier.
"L'enthousiasme pour cette naissance inespérée a mêlé la légende à l'histoire. Chaque récit enjolive les coïncidences, en accumulant sur le 5 décembre 1637: 9 mois jours pour jours avant la naissance de Louis XIV, tout ce qui a contribué à cet événement:
- la rédaction finale du voeu
- la fin des neuvaines du frère Fiacre
- la dernière visite du Roi à Louise de La Fayette
- le fameux orage qui l'obligea à loger chez la Reine .. où (on s'en doute) fut conçu le Dauphin...
Ce comble de joie nationale ne fut pas en tout bénéfique. L'éclat de cette naissance, qui garantissait l'avenir et dissipait l'impression confuse d'une malédiction, submergea le voeu, au point que la mémoire populaire, et parfois l'histoire ont identifié la naissance et le voeu qui en fut oublié...
Et Laurentin de citer Michel Le Vassor (dans un ouvrage qui fut publié en 1708) :
" On l'appelle le voeu de la naissance, je ne sais pourquoi, car la déclaration ne dit rien qui se rapporte à cela" (p. 128). Le bon sens même.