Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Présentation d'André Vauchez par le chanoine Henri Platelle
par Francis Dallais 2022-01-05 13:57:36
Imprimer Imprimer

PRÉSENTATION D'ORATEUR
André Vauchez
par le chanoine Henri Platelle Associé de la Classe

Source : Platelle Henri. André Vaudrez. In: Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 15, n°1-6, 2004. pp. 43-46.
www.persee.fr/doc/barb_0001-4133_2004_num_15_1_23625

Présenter Monsieur André Vauchez à cette docte assemblée est dans un certain sens une tâche facile, tant sa carrière et sa production scientifique se sont développées en ligne droite et sur un rythme pressé, pour faire de lui finalement l'un des meilleurs spécialistes européens de l'histoire religieuse du Moyen Âge. Consultons simplement son curriculum vitae. Monsieur Vauchez est né en 1938 à Thionville, vieille résidence carolingienne et terre germanique de 1871 à 1918 (Diedenhofen). Après des études secondaires à Strasbourg, où il peut faire l'expérience d'un «pluralisme linguistique et culturel», il intégra à l'École normale supérieure (rue d'Ulm à Paris) ; il devint ensuite de 1965 à 1968 membre de l'École française de Rome; le premier de ses trois grands séjours romains. Il fut reçu premier à l'agrégation d'histoire et voici enfin en 1981 le chef d'œuvre artisanal qui couronne toute carrière universitaire : la thèse de doctorat ès lettres dont il nous donnera tantôt un aperçu : «La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d'après les procès de canonisation ».
Tous ces travaux lui avaient simultanément ouvert la voie de la carrière enseignante, au niveau le plus élevé. Il devient directeur des études médiévales à l'École française de Rome, second séjour romain qui dure sept ans (1972-1979). Rentré en France il enseigne à l'Université de Rouen, puis à celle de Paris X-Nan-terre avec la charge de doyen. Enfin il assure de 1995 à 2003 la direction générale de l'École française de Rome : un mandat de huit ans qui achève de faire de lui un médiéviste aussi romain que français. Entre temps peut-on dire, en l'an 2000, il est devenu membre de l'Académie des inscriptions et Belles Lettres à Paris, et enfin -last but non least : vous serez d'accord avec moi -en cette année la classe des Lettres de l'Académie royale de Belgique l'a élu comme associé, un poste qu'avait occupé le regretté Georges Duby.
Si nous faisons ici une pause d'un instant pour jeter un regard en arrière sur tout ce qui vient d'être dit, on ne peut manquer d'être frappé par la facilité apparente de cette carrière. C'est une pure illusion, bien entendu, car nous savons tous ce que de tels travaux exigent d'efforts, de passion, de fatigue et naturellement de talent ; mais l'impression est là. Et je pense alors à ces deux vers de Racine dans Iphigénie (Acte I) :
Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent ?
Achille va combattre et triomphe en courant.
Je pense pour ma part que les «triomphes » de M. Vauchez ne sont pas achevés.
Il est temps, je crois, d'en venir, cher Monsieur, à ce qui a été le thème fondamental de votre production scientifique, à savoir l'histoire de la spiritualité et l'histoire de la sainteté dans l'Église. Ces deux notions se chevauchent et sont susceptibles de délimitations différentes à travers une matière immense et même sans borne. J'aborde d'autant plus facilement ce sujet qu'ici, à Bruxelles, se trouve la résidence des Bollandistes, ces savants qui veillent sur les anciennes vitae sanctorum comme sur le saint Graal et qui sont des modèles dans le domaine de l'érudition. Je suis heureux de saluer ici le Père Robert Godding actuel président des Bollandistes, et le Père Joassart qui a consacré une thèse au Père Delehaye (f en 1941), le plus grand nom de la société au XXe siècle. C'est ce nom qui me fournit une transition très naturelle avec le travail de M. André Vauchez, car il figure à la première ligne de sa grosse thèse sur l'Histoire de la sainteté.
En 1927 en effet le P. Delehaye avait publié un précieux ouvrage de méthode et de synthèse, intitulé tout simplement Sanctus, avec ce sous-titre Essai sur le culte des saints dans l'An¬ tiquité. Marc Bloch, deux ans plus tard, en donnait un compte-rendu dans la Revue de synthèse où l'on pouvait lire «Au fond ce qu'il nous apporte, c'est une contribution à cette histoire de la sainteté dans l'Église qui, s'il se trouve jamais un écrivain assez hardi pour la tenter, assez grand érudit et assez grand psychologue pour la réaliser, sera, n'en doutons pas, un livre presque sans égal dans les vues qu'il nous ouvrira sur l'esprit humain. » André Vauchez qui reproduit ce jugement en tête de son livre ne prétend nullement avoir réalisé ce haut idéal ; simplement il indique comment après d'autres il a pu contourner l'obstacle grâce à des délimitations chronologiques, géographiques et même sociales. C'est ainsi que pour sa part il s'est établi dans les derniers siècles du Moyen Âge saisis à travers le mécanisme juridique des procès de canonisation. Durant cette période de plus de deux siècles allant de 1198 à 1431 il a pu examiner soixante et onze enquêtes dont la moitié seulement aboutissent à une canonisation... «Il constate ainsi que l'Europe méridionale ne donne pas les mêmes saints que le reste du continent. A l'Italie l'apanage d'étonnants ermites, de pauvres religieuses recluses ou de pèlerins inclassables : des héros de la rupture à la façon de saint François d'Assise. En Angleterre au contraire le modèle de Thomas Becket joue longtemps et on préfère de bons évêques, hommes de fermeté qu'anime le sens de la justice» (Jean Lebrun), etc.
Cette constatation n'est qu'un exemple de tant de vues lumineuses qui accompagnent la démarche de Monsieur Vauchez. Je m'en voudrais en tout cas de ne pas signaler une autre belle page consacrée aux frères mendiants comme agents du ministère de la Parole, étroitement mêlés à tous les problèmes des procès de canonisation (à la page 396 de sa thèse). «Le fait que le ministère de la Parole soit au cœur de la sainteté franciscaine et dominicaine constitue une nouveauté absolue, dont nous avons peine à concevoir l'importance après des siècles de catholicisme post-tridentin. Mais au début du XIIIe siècle, à quelques exceptions près, personne ne parlait de Dieu aux fidèles dans une langue simple et claire. Les évêques avaient d'autres soucis ; quand bien même ils se donnaient la peine de prêcher, ils n'étaient pas toujours compris de leurs ouailles. Les prêtres en étaient en général incapables et les moines ou les ermites ne s'adressaient aux laïcs que de façon exceptionnelle, car telle n'était pas leur vocation. Les saints Mendiants en revanche doivent leur prestige au fait qu'ils étaient au service de l'Évangile et qu'ils consacraient leur vie à le transmettre. Selon un témoin languedocien, Dominique «se donnait avec tant de ferveur à la prédication qu'il exhortait et obligeait les Frères à annoncer la Parole de Dieu de jour et de nuit, dans les églises et les maisons, par les champs et les chemins, en un mot partout et à ne parler jamais que de Dieu. »


     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 En finir avec « les racines chrétiennes de la France » par Cristo  (2022-01-05 00:08:03)
      Je ne connais pas personnellement André Vauchez par Vox clamantis  (2022-01-05 09:57:39)
          Il est cité par un autre auteur, mais il traite d'autre chose par Athanase  (2022-01-05 13:34:37)
              Oui par Vox clamantis  (2022-01-05 20:53:12)
          Présentation d'André Vauchez par le chanoine Henri Platelle par Francis Dallais  (2022-01-05 13:57:36)
              Merci beaucoup pour ces lignes ! par Cristo  (2022-01-06 22:04:44)


262 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]