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En finir avec « les racines chrétiennes de la France »
par Cristo 2022-01-05 00:08:03
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titre incohérent avec le contenu de l'article mais pas grave : allez directement au contenu de l'article.

A part ça, quelqu'un connaît l'historien André VAUCHEZ ? JVJ, revenez, vous nous manquez !




Arthur Chevallier – En finir avec « les racines chrétiennes de la France »

CHRONIQUE. Si l’utilisation de cette expression est de plus en plus galvaudée, l’histoire de la France est, elle, indéniablement chrétienne.

Par Arthur Chevallier
Publié le 04/01/2022, Le Point

Des idées peuvent être fausses et pourtant bien intentionnées. « Les racines chrétiennes de la France », voilà une expression qui donne de la vigueur aux ignorants. Une fois prononcée, l’écho du Moyen Âge résonne : par ici mes chevaliers, mon château fort, ma croisade. Ils ont l’impression de sauver la patrie quand ils se contentent de répéter un cliché, discréditant, au passage, des évidences.

Si la France, n’étant ni un arbre ni une plante, ne saurait avoir de racines, ni catholiques ni végétales, elle a en revanche et avec certitude un passé. Lequel, avec le présent et l’avenir, compose l’histoire, soit une partie considérable de nous-mêmes, où la chrétienté tient une place sans égale.

La mauvaise réputation de la chrétienté vient d’un Moyen Âge fantasmé, où de méchants moines alliés à de mauvais princes auraient accablé le peuple, lui aussi et comme toujours idéalisé. La France aurait bel et bien été catholique, certes, mais pour le pire : oppressive et obscurantiste. C’est oublier que l’essor de la religion chrétienne au Moyen Âge a moins dépendu des rois que des individus, de la conspiration que de la spontanéité, de l’instrumentalisation que de l’assentiment.

Le sanctuaire, lieu de rassemblement des individus

Dans son dernier livre (1), l’historien André Vauchez revient sur la création, l’essor, la vie, la fonction des sanctuaires chrétiens. Éblouissante d’intelligence, d’érudition, de clarté, où les détails s’articulent à des idées générales inattendues et stimulantes, cette œuvre rappelle, entre mille choses, que les sanctuaires, à savoir des lieux de réunion, de recueillement, de rassemblement pour les fidèles, n’ont pas été créés, du moins pas à l’origine, par la volonté d’une institution oppressive ou « d’en haut », Rome par exemple, mais par les individus eux-mêmes.

À l’origine, le christianisme se veut, pour reprendre la formule de saint Augustin, « hors lieu » : « L’Église – c’est-à-dire la communauté des croyants – est faite d’hommes et non d’édifices sacrés. » Après la conversion de Constantin (IVe siècle), des lieux de culte à ciel ouvert voient le jour. Commence alors l’appropriation de l’espace par les chrétiens au tournant de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge. Les sanctuaires en seront une des expressions les plus parfaites. Spontanément d’abord, les fidèles se rassembleront autour des lieux où sont abritées les reliques des saints, qui, avant de l’être, n’étaient que des individus. Voilà comment une religion dont la transcendance est au cœur a néanmoins rayonné en mettant en valeur des hommes. Il n’est pas inutile de le rappeler. Les sanctuaires deviendront plus que des lieux, mais des repères, dont le sens géographique du terme porte naturellement à son sens sacré. Se crée un « espace chrétien », lequel se traduit, pragmatiquement, par l’aménagement d’un territoire en fonction de ces lieux saints, qui s’ajoutent bien entendu aux cathédrales, aux églises, aux monastères. Le cycle de Dieu aura commencé et terminé par les hommes. Et notre monde de ressembler, comme s’il en avait été le calque, au cercle primitif du Christ, dans une version augmentée, certes. Le cadre s’agrandit ; la forme est inchangée.

L’histoire face aux « racines »

La France n’est pas qu’un territoire, ce sont aussi des princes, une administration, des institutions, autant d’entités coproduites par une firme offensive et surpuissante : le roi et ses évêques. C’est une des leçons à tirer du dernier livre de Laurent Theis (2), consacré à Charles le Chauve (823-877). L’historien parvient, au terme d’une réflexion singulière, riche, svelte et même drôle, ce qui est une performance relativement au règne des Carolingiens, à restituer le complexe échiquier de cette « Francie », qui, menée par le petit-fils de Charlemagne, devient le cœur d’un nouvel empire d’Occident. Écrivain, lecteur, philosophe, lisant le grec, le latin, en connaissant la littérature et la philosophie, Charles le Chauve a agrandi son royaume en s’appuyant sur l’Église, et parfois en l’affrontant. La « chose publique », cet embryon de l’État, la justice, sans laquelle il n’y a pas de pouvoir légitime, les lois (le terme est anachronique), sans lesquelles un prince n’est qu’un tyran, la maîtrise du territoire, sans quoi l’unité est impossible, ces conditions ont été remplies à la manière du Moyen Âge. Un temps où la politique ne se pense pas sans la religion dans la mesure où elle est la matrice culturelle du prolongement de l’Empire romain dans le royaume chrétien. Ainsi Charles le Chauve fut-il comparé, délibérément, à César, Auguste et bien entendu Constantin. Tout ça, sont-ce les racines chrétiennes de la France ? Certainement pas, c’est son histoire.

Le Moyen Âge est un songe duquel il est permis de revenir. Statuer sur le rôle primordial de la chrétienté dans la construction de ce pays n’implique, politiquement, aucune conséquence pour l’avenir, et certainement pas le rejet des autres cultes. En revanche, le bon sens commande de ne pas nier l’évidente transmission de cet héritage, l’importance de son influence, bonne ou mauvaise, son ampleur. À quoi bon les origines ? À rien, mais il est encore permis de penser à cette Francie, délicieux nom dont la sonorité revêt à la fois la promesse et la nostalgie, la séduction et la crainte, l’espoir et la tragédie. Cette Francie qu’on imagine sous les traits d’une jeune fille, les joues en feu, les yeux enjoués, le geste leste, gai, frivole, et pourtant décidée, et pourtant combative, et pourtant prête à faire, sous l’effet de son charme, danser le monde, à devenir France.

Référence livre :

(1) André Vauchez, Sanctuaires chrétiens d’Occident, IV-XVIe siècle, Paris, éd. du Cerf, 2021.

(2) Laurent Theis, Charles le Chauve, l’Empire des Francs, Paris, Gallimard, 2021.


12 Commentaires

Par puzzle le 04/01/2022 à 21:39
Clovis

Avec Clovis c'est l'avènement de la Chrétienté de l'alliance du Pouvoir et des représentants de celle-ci. N'oublions pas que sur de nombreux sites "païens" l'Église a bâti ses temples (expl. Notre-Dame de Paris), puis elle a su dans certains lieux canaliser les pèlerins afin d'honorer les restes de Saints. Le Peuple ne pouvait être que Chrétien dans ça très grande majorité, mettant parfois à l'index d'autres religions et leurs croyants. La France fut donc Chrétienne par les hasards de l'Histoire alors qu'à l'autre bout du Monde d'autres Religions naissaient ou perdurées ou disparaissaient.

Par buck67 le 04/01/2022 à 20:50
C’est une définition des racines chrétiennes…

M. Chevallier décrit si bien l’apport de la chrétienté du tréfonds de notre nation qu’on ne comprend pas où il veut en venir en jouant avec les mots. Il décrit ce qu’on appelle communément « les racines chrétiennes » pour nous dire que ce ne sont pas des racines. Et il ne s’agit pas de rejeter les autres religions, mais de se rappeler que l’humanisme est d’abord d’inspiration chrétienne.

Par Linus56 le 04/01/2022 à 20:46
Bien au-delà de l'enracinement

La chrétienté en France est bien au-delà de son histoire. Pour rester dans la métaphore chrétienne, c'est sa consubstantialité même.
A une époque ou les hommes disparaissent à 35 ans environ, où quatre enfants sur cinq meurent en bas âge, la religion est ce qui donne la foi au peuple dans une vie meilleure.
La religion, c'est aussi une des principales forces de production de la nation. L'essentiel des terres appartient aux évêques, les abbayes sont de véritables entreprises, et les grandes abbayes du Moyen âge seraient comparables aux entreprises du CAC 40 d'aujourd'hui. Le roi en personne nomme abbés et abbesses de ces lieux de chrétienté, et part de temps en temps dans une de ces abbayes en recollection spirituelle.
Il n'est que lire ou relire "Les Rois Maudits" de Druon pour mesurer la prégnance de la religion dans le quotidien de toutes les couches de la population, et en particulier des rois et hauts personnages de l'Etat.
Chacun vivait dans la crainte de Dieu, et dans la peur de l'enfer de Dante...
Alors oui, on peut dire que la religion était enracinée dans l'histoire de la France.

Par chouette33 le 04/01/2022 à 20:46
Lire Rémi Brague

Indispensable Rémi Brague et son Au moyen du Moyen Âge
et Europe la voie romaine ! Indispensable Moyen Âge méconnu et non appris dans nos écoles !

Par HIRAM le 04/01/2022 à 20:25
Un oubli dans cet article ambigu.

La transmission de l'héritage classique Gréco-Romain, via le monde chrétien de Constantinople ; lire l'ouvrage de référence du grand historien Sylvain Gougenheim : "Aristote au mont St Michel"et "Les racines grecques de l'Europe chrétienne"paru en 2008, ce qui permet de considérer que cet apport a été à l'origine de la Renaissance, fait incontestable.

Par Vieux taxi le 04/01/2022 à 19:37
Du regretté Marcel Simon (1907-1986)

On peut commencer une approche de la question avec "La Civilisation de l'Antiquité et le Christianisme" chez Arthaud, Les Grandes Civilisations... 1972.
560 p.
Car il permet de remettre à leur place dans leurs rôles respectifs tous les acteurs de l'extraordinaire passage de l'Antiquité à la Modernité.

     

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 En finir avec « les racines chrétiennes de la France » par Cristo  (2022-01-05 00:08:03)
      Je ne connais pas personnellement André Vauchez par Vox clamantis  (2022-01-05 09:57:39)
          Il est cité par un autre auteur, mais il traite d'autre chose par Athanase  (2022-01-05 13:34:37)
              Oui par Vox clamantis  (2022-01-05 20:53:12)
          Présentation d'André Vauchez par le chanoine Henri Platelle par Francis Dallais  (2022-01-05 13:57:36)
              Merci beaucoup pour ces lignes ! par Cristo  (2022-01-06 22:04:44)


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