Ayant séjourné au Zaïre de 1983 à 1989, j'ai connu ce texte et lu l'article de Bontinck dans Zaïre-Afrique en 1984.
Alors d'abord une précision sur les kimbanguistes qui ont utilisé ce texte (si ce n'est pas eux qui l'ont forgé). Simon kimbangu fut un chef religieux, baptisé dans un groupe protestant, formé pour être catéchiste.
Il aurait accompli des miracles et a profité de sa renommée pour fonder une secte syncrétiste. Les autorités coloniales ont craint, à tort ou à raison, que son mouvement aboutisse à des revendications anti-colonialistes, l'ont arrêté, puis condamné à mort, mais la sentence n'a jamais été exécutée : il est mort en prison après trente ans de détention. En milieu catholique on raconte qu'à la fin de sa vie il a été soigné par une religieuse catholique, auprès de laquelle il se serait converti au catholicisme, mais cela me paraît invérifiable ; même si le contexte suffirait à expliquer la discrétion qui a entouré cette conversion.
Sur la version (ou l'une des versions) où le texte est attribué au ministre des colonies en 1920, on pouvait lire que celui-ci souhaitait la bienvenue aux missionnaires, alors qu'ils étaient présents depuis des décennies dans le pays. Cette version du texte est donc manifestement un faux, et son existence même fait qu'on doit rejeter aussi le texte attribué au roi. En effet soit la version ministérielle est postérieure à la version royale, alors il est manifeste qu'elle s'en inspire et qu'elle a été inventée parce que la première version n'était pas convaincante ; soit la version ministérielle est la plus ancienne et la version royale, destinée à être plus crédible, ne peut pas davantage être retenue.
Surtout, les premiers missionnaires ayant eu le jus missionis pour le Congo furent les Pères Blancs du Cardinal Lavigerie et on les voit mal recevoir un tel texte sans réagir avec la plus grande fermeté ; et cela d'autant plus que le Cardinal avait à l'époque rang de haut fonctionnaire de la république française, ce qui impliquait des moyens d'action que le roi ne pouvait pas ignorer (à supposer qu'il eût été assez bête pour croire que des prêtres catholiques puissent agir comme le texte prétend qu'ils devraient le faire, alors qu'en le faisant ils encouraient l'excommunication latae sententiae).
Tout cela n'a aucun sens.
L'inconvénient est qu'il y a eu des imbéciles ou des gens mal intentionnés pour croire ces choses ou les utiliser. Des écrivains par exemple mettent en scène des missionnaires catholiques trahissant le secret de confession pour dénoncer leurs pénitents aux autorités coloniales.
Mais aucun historien ne pourrait aujourd'hui ajouter foi à ce texte sans se déconsidérer définitivement.
Votre dévoué Paterculus
Notes
- jus missionis : littéralement "droit de la mission". Ce droit était donné à une congrégation missionnaire et lui conférait une autorité canonique pour évangéliser une zone précise : on ne s'improvise pas missionnaire sans une telle juridiction.
- latae sententiae : une telle excommunication n'a pas besoin d'être prononcée par un tribunal ; le péché commis suffit à lui seul pour que le pécheur soit excommunié "par le fait même" (ipso facto) qu'il l'a commis.
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