Merci, Meneau. En fait, j'ai dit que je suis expatriée en pays slave mais je n'ai pas précisé lequel. Ce n'est pas la Russie mais je ne puis en dire plus à cause de la profession "sensible" de mon mari. Je suis cependant en contact quasi quotidien avec la minorité russe locale et j'ai fait de nombreux séjours en Russie. C'est en ce sens que je disais à Origenius de revenir en parler quand il y aurait vécu quelques années.

Je ne me prétends spécialiste de rien, je suis une mère au foyer, mais mon père était diplomate et j'ai des amis russes depuis 1992. Je puis simplement parler d'expérience mais ça fait déjà une différence avec les tradis "romantiquement" poutinolâtres depuis leur fauteuil parisien.

Une certaine connaissance de la langue russe me donne aussi accès à des informations qu'on ne trouve pas en Occident. Et où ai-je étudié (un peu) le russe? En Transnistrie, cette région de la Moldavie qui est occupée (en toute illégalité) par la 14e armée russe depuis 28 ans. Depuis Paris, c'est facile d'admirer "la Russie éternelle" mais demandez à un Moldave ce qu'il en pense... Pourtant, les Moldaves côtoient des Russes tous les jours: le pays est complètement bilingue roumain-russe et les rapports inter-ethniques se passent bien au quotidien. Mais pour ce qui est de l'État russe, c'est autre chose. Une Moldave m'exprimait ça lapidairement un jour: "Les Russes, c'est typiquement le grand frère qui prend trop de place et qui se la joue vis-à-vis du petit". Pourtant, cette dame était parfaitement russophone et sa meilleure amie était une Russe ethnique. Voilà le ressenti au quotidien des voisins de la Russie.

Idem pour les Kazakhs. Ils sont comme deux doigts de la main avec les Russes mais eux aussi en ont gros sur la patate. J'ai rencontré un jour une Kazakhe qui m'a dit combien elle avait été vexée quand Vladimir Poutine avait déclaré, grosso modo, que ce peuple n'a pas d'identité. Cette dame n'avait pas un gramme d'anti-russisme, puisqu'elle était interprète de russe. Mais le camarade Volodya est typique de l'insensibilité russe pour les peuples voisins. Ce n'est pas futé car il vexe ainsi même ses plus proches alliés. J'en sais quelque chose, ayant connu longtemps un diplomate français en poste en Biélorussie. Dans le cas du Kazakhstan, cet incident a eu des conséquences, puisque le président Nazerbaïev a décrété que la langue kazakhe s'écrirait désormais en lettres latines au lieu du cyrillique. Geste d'une grande portée symbolique, montrant la distanciation du Kazakhstan vis-à-vis de la Russie. C'est une fameuse gaffe de la part de Poutine, aux conséquences à long terme, alors qu'on le représente souvent comme un grand stratège.

Je comprends très bien le sentiment russe d'humiliation pendant la décennie 90 et son désir de retrouver une place importante sur la scène internationale mais ça ne justifie pas tout. Je trouve très bien, par exemple, que les Russes aient recommencé à concevoir des avions de ligne: ils ont de bons ingénieurs chez Tupolev ou Soukhoï et n'ont pas besoin de dépendre d'Airbus et de Boeing. Ça, ça va. Mais la glorification de l'égo russe blessé se fait en s'appuyant sur les grandeurs soviétiques et c'est là le problème. Il y a une volonté gouvernementale d'étouffer toute remise en cause de l'héritage soviétique parce que ça revient à contester une période où la Russie était puissante. Et voilà notre cathédrale militaire, avec ses œuvres d'art nauséabondes. On n'aurait jamais osé faire ça dans l'Allemagne d'Adenauer sous prétexte de redonner des perspectives au pays. Tous les relents soviétiques que j'ai cités, c'est ça. Et c'est pour ça aussi que la Russie fête le 9 mai (jour de la victoire) avec un enthousiasme délirant, comme si elle avait été la seule à combattre l'Allemagne nazie. Le tout en employant les slogans de l'époque du régime: "La victoire du socialisme sur le fascisme" etc. Et n'évoquez surtout pas le pacte germano-soviétique: ça rend les Russes fous de rage. Forcément, quand on est dans le déni... Bref, la Russie ne prend pas du tout le chemin d'une purification de son passé communiste et je ne vois pas où est la conversion demandée par Notre-Dame à Fatima.

On peut discuter de tas de choses au sujet de la Russie contemporaine mais j'ai cité simplement un certain nombre de faits à relents soviétiques nauséabonds, qui sont doctrinalement inacceptables pour un catholique. Certains feraient bien de (re)lire "Comment reconstruire notre Russie" de Soljénitsyne: il y parlait de désoviétisation et de bonnes relations avec les peuples voisins de la Russie. Sous Poutine, c'est exactement le cap contraire sur ces deux points.

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