Cher Signo,
Si personne n’a démontré la fausseté de ce que vous avez démontré, c’est largement parce que vos affirmations sur le caractère non-traditionnel de la messe de saint Pie V ou de la Réforme catholique sont pour ainsi dire infalsifiables : elles sont trop larges, trop générales, trop unilatérales pour être prouvées ou réfutées. Ce sont des pétitions de principe indémontrables : disons simplement qu’elles n’ont pas en leur faveur un très haut degré de probabilité, tout simplement parce que les arguments qui ne sont même pas des arguments de convenance que par lesquels vous les étayez – vos fameuses anecdotes – n’ont qu’une valeur dérisoire : du topos littéraire du prêtre pressé d’achever la célébration de la messe aux méthodes pratiques d’apprentissage de la liturgie au séminaire, tout à fait compréhensibles et légitimes du reste.
Vous parlez souvent de l’inculture liturgique des prêtres des instituts traditionnels, et plus généralement du clergé occidental depuis plusieurs siècles. Il me semble qu’on vous a déjà répondu que cette perspective est fausse.
Elle est fausse me semble-t-il à plusieurs niveaux d’analyse.
Elle est fausse tout d’abord au niveau pratique. Il importe davantage pour un prêtre de paroisse de connaître le dogme et la théologie morale que de maîtriser toutes les subtilités de la liturgie. En matière liturgique, un prêtre de paroisse a besoin principalement de connaître suffisamment les rubriques pour célébrer décemment, réciter son bréviaire et expliquer aux fidèles les principales cérémonies de la sainte messe. On peut regretter – et personnellement je regrette beaucoup – qu’il n’existe plus d’églises cathédrales ou collégiales où des chapitres de chanoines – de vrais chanoines j’entends – déploient le service divin dans toute sa plénitude ; mais on ne peut pas raisonnablement reprocher à des pasteurs d’âmes de n’avoir pas pour préoccupation première d’être de savants liturgistes ; tout simplement parce qu’ils n’en ont pas besoin, et qu’il s’agit d’une science qui ne se rapporte pas immédiatement à leur état.
Votre perspective est fausse également au niveau théorique. Pendant dix-huit siècles, l’Église n’a pas cru avoir besoin d’une théologie de la liturgie. Elle n’a pas cru devoir se payer de formules ronflantes sur le souffle mystique des cérémonies ou leur dynamisme cosmique, trinitaire ou que sais-je encore. En un mot l’Église n’a jamais cru que l’on dût trouver, renfermée dans la liturgie, l’intégralité de la religion chrétienne ; quoique l’on découvrît sans peine le lien qui existait entre la loi de la prière et celle de la foi, on ne croyait pas devoir faire passer la liturgie de la discipline dans le dogme. On ne croyait pas devoir poser de grands principes sur ce que devait être la liturgie ; et certainement cette dernière ne s’en portait pas plus mal ; car malgré le joséphisme et toutes les entreprises des monarques jamais elle n’eut à souffrir, dans les nations catholiques, un dixième des atteintes que lui ont infligées depuis nos modernes panliturgistes.
En un mot ce panliturgisme est plus moderne encore que la Réforme tridentine que vous accusez de tous les maux : il sent son XIXe siècle, et pas vraiment ce que le XIXe siècle chrétien a produit de meilleur ; quand il ne sent pas également le traditionalisme guénonien, ce qui est peut-être encore pire.
Peregrinus
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