Pour certains, au nom de la miséricorde, ou devrait-on dire d’une conception particulière et personnelle de la miséricorde, l’Église devrait accorder à des personnes divorcées-réengagées, au terme d’un chemin pénitentiel, la possibilité de recevoir Jésus-Hostie. Mais, il n’était, ici, aucunement question de leur demander de mettre fin à leur état de vie, contraire à la loi divine.
Or, les personnes divorcées-réengagées sont pourtant objectivement en situation de péché mortel notoire et, par leur état de vie, en contradiction avec le sacrement d’amour ( et d’alliance entre le Christ et l’Eglise) qu’ils souhaitent recevoir.
On voit donc bien ce qu’exclure la notion de péché et donc la notion de justice du raisonnement, aurait de dangereux et surtout de faux.
S’il est possible d’affirmer que la miséricorde est le plus grand et le plus bel attribut de Dieu, et qu’elle est, pour paraphraser Saint-Thomas, la plus haute forme de la Charité de Dieu, de l’Amour de Dieu, et que nécessairement, elle est supérieure à la justice, et qu’il existe donc, à notre sens, un déséquilibre, elle ne peut pour autant s’en exonérer, s’en extraire, au risque de n’être qu’un bon sentiment.
En effet, la justice éclaire ce que la miséricorde vient guérir; pour que la miséricorde puisse venir guérir les plaies ouvertes par le péché, il faut que le pécheur se reconnaisse comme tel, qu’il en demande pardon à Dieu et qu’il s’efforce de ne plus retomber dans ce péché qu’il doit regretter.
Pour cela, il faut prêcher la vérité. Il faut nommer les choses, juger des actes et aider les personnes à prendre conscience de ce qui est juste et vrai et à sortir de l’ornière dans laquelle elles sont tombées.
Ainsi le Cardinal Brandmüller utilisait-il dans un des entretiens cette image:
« Est-il miséricordieux, le médecin qui évite au patient une opération salvatrice et lui laisse l’alcool et la nicotine à volonté ? Ou bien celui qui donne au diabétique une Sacher Torte ? »
Pour que la miséricorde s’exerce, il faut que l’homme se convertisse et pour que l’homme se convertisse, il faut que la miséricorde ne s’affranchisse pas de la Vérité, de l’enseignement du Christ, et de la Fidélité au Dieu de l’Alliance.
C’est la conversion profonde et sincère, qui passe par l’acceptation de notre péché, qui nous permet de croire à nouveau à notre dignité d’enfant de Dieu. Ce qui est abimé par notre péché, Dieu en fait quelque chose de plus beau par sa miséricorde en s’appuyant sur notre mouvement de conversion.
La justice est, à la fois, dans l’acte de l’homme qui se repent mais aussi est surtout dans la miséricorde du Bon Dieu. Quand Dieu fait miséricorde, c’est sa justice qui s’accomplit. Il exerce sa miséricorde comme dans la parabole du débiteur insolvable dans laquelle le maître ne réclame pas la somme qui lui est due en justice.
La justice de Dieu témoigne de l’inépuisable miséricorde dont Il fait preuve envers nous.
Si au nom de la miséricorde, on doit accueillir le pécheur, et lui donner la possibilité de rejoindre le droit chemin, on ne peut pas cautionner le péché et notamment, pour notre exemple, on ne peut donner la communion aux divorcés-réengagés. Sans quoi, cela reviendrait à nier la justice et à affirmer un primat du péché sur la grâce.
Il est donc évident qu’une justice sans miséricorde est tyrannique, tandis qu’une miséricorde sans justice serait fausse.
La vraie miséricorde inclut la justice tout en la dépassant, et c’est en cela qu’il n’existe pas un véritable équilibre mais que le déséquilibre reste néanmoins relatif.