Il ne faudrait donc pas s'imaginer qu'il existe un ordre naturel consistant à côté de l'ordre surnaturel.
La difficulté, me semble-t-il, est la métaphore spatiale dont vous usez ("à côté de"), qui rend caricaturale et difficile à accepter la position traditionnelle de deux ordres distincts. Il ne s'agit pas de mettre à part un ordre naturel qui serait soustrait à l'action divine et un ordre surnaturel parfaitement désincarné.
C'est finalement la remarque que faisait le R.P. Boyer S.J. au P. de Lubac lors de la controverse sur le surnaturel : la thèse de la pure nature telle que la décrit (et la combat) le P. de Lubac n'a jamais été défendue par
personne. Voir
ici (p. 234, soit la p. 22 du document). Il s'agit d'une caricature à visées polémiques (et qui s'est avérée hélas très efficace).
L'ordre naturel est lui-même gratuit et ordonné à Dieu, mais l'ordre surnaturel est un ordre de gratuité supérieure qui dépasse la gratuité de la Création. Du reste on s'aperçoit que les théoriciens du pseudo-surnaturalisme contemporain ont été conduits, pour sauver la gratuité du surnaturel, de la réduire à la gratuité de l'ordre créé (et comme le fait remarquer L. Feingold,
The natural desire to see God, Sapientia Press, 2010, p. 384, le P. de Lubac, après avoir dénoncé l'idée, qu'il comprend de travers, d'un
debitum naturae comme inutile et scandaleuse, finit par concevoir la gratuité de la grâce précisément sur le modèle du
debitum naturae justement compris).
Peregrinus
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