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Quelques statistiques sur le clergé français
par Peregrinus 2016-01-30 20:18:21
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Il est souvent question de nos jours de l'évolution dramatique des effectifs du clergé de France en raison de la disproportion entre les nombreux décès et la rareté des ordinations.
Si la situation actuelle est particulièrement grave en ce que l'effondrement des effectifs du clergé reflète un effondrement plus impressionnant encore de la pratique religieuse qui rend difficilement imaginable un redressement à court terme, il est possible de noter que la baisse drastique du nombre d'ecclésiastiques susceptibles d'être employés, avec toutes les difficultés qu'elle suppose quant à la desserte des paroisses, a déjà été vécue dans le passé par l'Eglise de France.

« La pénurie de prêtres se fait sentir de plus en plus. Il sera impossible de pourvoir aux places de vicaires ou de chapelains, que l’on demande pour l’érection des églises en chapelles communales (1) », écrit en 1812 Mgr de La Tour d'Auvergne, premier évêque concordataire d'Arras.
Dans les deux décennies qui suivent le relèvement des autels par le Concordat de 1801, l'Eglise de France voit disparaître graduellement l'abondant clergé hérité de l'Ancien Régime, les prêtres ordonnés pendant la décennie révolutionnaire étant très peu nombreux, tandis que la reprise du recrutement sacerdotal est parfois lente à se manifester.

Une telle situation de crise est particulièrement nette dans les dernières années de l’Empire. A Arras, par exemple, au premier janvier 1812, alors que 789 ecclésiastiques sont nécessaires, 687 seulement sont en activité. 487, soit 70,9%, ont plus de soixante ans. 12,9% des places sont vacantes faute de sujets pour les occuper.

A Metz, au premier semestre de 1810, 18,9% des 1939 places que compte le diocèse sont vacantes ; 30% des ecclésiastiques en service ont plus de soixante ans. Au second semestre de la même année, de nombreux décès font légèrement baisser le nombre de prêtres âgés (29,8%), mais augmenter celui des places vacantes (19,6%). Début 1811, le nombre des places vacantes augmente encore légèrement (19,7%), tandis que la part des prêtres en activité de plus de soixante ans repart à la hausse (30,5%). Au second semestre de 1811, 21,3% des places sont vacantes et 30,2% des ecclésiastiques en service ont plus de soixante ans.
Si la situation n’est pas brillante, elle semble donc relativement stable ou du moins en voie de stabilisation.

Il n’en va pas de même à Soissons, situé dans la zone religieusement très déprimée qui correspond au grand bassin parisien. L’évolution est ici sensible non pas d’année en année, mais de mois en mois. Alors que le nombre de prêtres nécessaires ne s’élève qu’à 603, le diocèse ne parvient pas à aligner, au premier trimestre de 1811, plus de 475 ecclésiastiques en service, mais au second semestre, ce nombre tombe à 449 : le diocèse passe ainsi de 21,1% à 25,5% de places vacantes. Les effectifs restants continuent à vieillir (de 40,2% à 42,7% de prêtres âgés de plus de soixante ans au cours de l’année 1811), ce qui montre l’absence ou du moins l’insuffisance de la relève générationnelle, malgré le zèle et les vertus de Mgr Leblanc de Beaulieu, premier évêque concordataire de Soissons. Les problèmes posés par la raréfaction du clergé à la bonne desserte du territoire du diocèse s’avèrent ici particulièrement aigus et connaissent une aggravation rapide et notable, sans aucune perspective de redressement à court ni même à moyen terme.

Il faut cependant noter que même dans un diocèse comme Bayonne, qui appartient à des espaces religieusement beaucoup moins défavorisés, la situation n’est alors guère reluisante : si seulement 12,3% des 1320 places du diocèse sont vacantes, 48,2% des prêtres en activité ont plus de soixante ans (2).

Ce n’est souvent que dans les années 1820 que la reprise du recrutement sacerdotal se manifeste réellement, même si elle a été plus précoce dans les régions les plus ferventes, par exemple dans certains diocèses bretons. A Clermont, c’est en 1824-1825 que le nombre des ordinations l’emporte nettement sur celui des décès, tandis qu’au cours de son très long épiscopat (1802-1851), Mgr de La Tour d’Auvergne impose les mains à plus d’un millier de prêtres, assurant ainsi de nouveau un bon encadrement des populations de son diocèse. La reprise, très spectaculaire dans les terres de chrétienté, est cependant beaucoup moins forte dans les terres détachées et religieusement de plus en plus indifférentes.

Peregrinus

(1) Archives Nationales, F/19/2385, Lettre de Mgr de La Tour d’Auvergne, 1er janvier 1812
(2) Les chiffres des différents diocèses sont issus de divers tableaux du personnel ecclésiastique (Archives Nationales, F/19/2385).

     

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