Il explique ensuite le sens de l’intervention du Père et l’injonction faite aux disciples de ne rien dire jusqu’au moment où le Christ serai ressuscité :
« Et que dit la voix?
« C’est ici mon Fils bien-aimé ». Si Jésus-Christ est le Fils bien-aimé du Père, Pierre, ne craignez plus rien. Vous ne devez plus douter de sa toute-puissance, lors même qu’il sera en croix: ni perdre l’espérance de sa résurrection.
Si votre peu de foi vous a fait trembler jusqu’ici, qu’au moitis la voix du Père vous rassure.
Si vous ne doutez point de la toute-puissance du Père, pourquoi doutez-vous de celle du Fils? Ne craignez donc plus les maux auxquels, il va s’exposer volontairement pour nous.
Jésus est non seulement le Fils, mais le Fils bien-aimé de son Père.
C’est le Père lui-même qui le dit en votre présence: «Voici mon Fils bien-aimé »
Puisque le Père aime son Fils, que devez-vous craindre? Personne n’abandonne celui qu’il aime. Quittez donc ces vaines terreurs. Quand vous auriez pour Jésus-Christ un amour encore plus tendre, il ne peut égaler celle que le Père éternel a pour son Fils.
L’Évangile ajoute : « Dans lequel j’ai mis toute mon affection ». Le Père n’aime pas seulement son Fils parce qu’il l’a engendré, mais aussi parce qu’il lui est égal en toutes choses et qu’il veut généralement tout ce que son Père veut.
Il trouve donc dans son Fils un double ou plutôt un triple sujet d’amour.
Il l’aime parce qu’il est son « Fils » : Il l’aime, parce qu’il est son Fils « bien-aimé»: Il l’aime enfin, parce qu’il « met en lui toute son affection ».
C’est-à-dire, qu’il trouve en lui tout son repos, tout son plaisir.
Le Père aime son Fils de la sorte, parce qu’il lui est égal en tout, qu’il n’a qu’une même volonté avec lui, et qu’étant Fils, il n’est néanmoins qu’un avec celui qui l’engendre : « Écoutez-le », dit le Père. Et s’il veut être crucifié, ne vous y opposez pas.
4. « Les disciples entendant cette voix, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte ».
Pourquoi furent-ils saisis d’une si grande crainte en entendant cette voix? Cette même voix s’était déjà fait entendre au baptême de Jésus-Christ en présence de tout un peuple, et cependant personne de tous ceux qui étaient présents ne fut frappé d’une semblable terreur. (Jean, XII, 21.)
Il est encore marqué dans la suite qu’ils entendirent comme la voix, et comme le bruit d’un tonnerre, et cependant ce tonnerre ne les étonne pas autant que le fait ici cette voix.
Quel est donc le sujet de la crainte qu’ils éprouvent ?
C’était, mes frères, à cause de toutes les circonstances, du temps, du lieu, de la solitude, de la montagne, du silence qui y régnait, de là transfiguration du Sauveur, de la lumière si brillante qui parut alors, et de cette nuée qui les couvrit de son ombre. Toutes ces particularités jointes ensemble les jetèrent dans une appréhension extrême. Tout ce qu’ils voyaient contribuait à leur trouble, et ils se jettent par terre autant par un sentiment de crainte que par un mouvement d’adoration.
Mais Jésus, pour empêcher que cette crainte ne leur fit perdre la mémoire de ce qu’ils venaient de voir, les en délivre sur l’heure.
« Mais Jésus s’approchant, les toucha et leur dit: Levez-vous, et ne craignez point. Alors levant les yeux, ils ne virent personne que Jésus tout seul. Et comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement, et leur dit : Ne parlez à personne de cette vision jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».
Jésus-Christ leur défend de parler de cette vision avant qu’il fût ressuscité d’entre les morts, parce que plus les apôtres publiaient de grandes choses à son sujet, plus les hommes les croyaient difficilement.
D’ailleurs, le scandale de la croix s’en fût augmenté. Il a soin, en leur faisant cette défense, de leur marquer qu’il ne les engageait pas au silence pour toujours, mais seulement « jusqu’à ce qu’il fût ressuscité d’entre les morts »; comme pour leur rendre raison du commandement qu’il leur faisait. Il use en leur parlant de sa passion, d’une expression qui cachait ce qu’elle avait de triste, et qui n’en faisait paraître que la fin qui devait être agréable.
Mais quoi, me direz-vous, les hommes ne devaient-ils plus se scandaliser de la croix du Fils de Dieu, lorsqu’il serait ressuscité d’entre les morts? Tout le monde sait que non. Le temps des scandales était celui qui précéda la passion.
Mais depuis que les apôtres eurent reçu la plénitude du Saint-Esprit, et que l’éclat de leurs miracles soutenait leurs prédications, ils persuadèrent aisément aux hommes tout ce qu’ils voulurent, parce que d’une voix plus éclatante que le son de la trompette, les faits publiaient d’eux-mêmes la puissance du Sauveur.
Quoi de plus heureux que ces trois apôtres qui furent trouvés dignes d’être avec le Seigneur enveloppés d’une même nuée? »