Cher Pierre (me permettez-vous?),
Je voudrais juste vous répondre, puisque de fait on ne se connait que par l'écriture forumesque, ce qui est guère suffisant pour se laisser qualifier en un bloc monolithique (même s'il tourne). Et je le ferai sur le ton enjoué et sans piquer la mouche aucunement (veuillez bien le croire a priori), bien que cela n'a plus grand chose à voir avec ce fil de discussion.
Simplement vous n'avez pas tout à fait tord en m'affublant du sobriquet de girouette, et j'ajouterais - si la girouette peut l'être - de girouette spirituelle. Il est vrai, à ma décharge, que Spiritus ubi vult spirat, tandis que pour ma part je regretterais même de ne pas Lui être plus souple, plus tournoyant, plus docile.
Par ailleurs, à certains égards (et c'est là que mes explications vous aideront à cerner l'oiseau), suivant le point de vue de celui qui la manipule (encore la manipulation!!), une boussole elle-même, dont l'aiguille reste figée sur le nord magnétique, peut, elle aussi, être assimilée à une girouette. La vérité est que, depuis très longtemps, je cherche le nord... et bien souvent, il m'arrive - je le reconnais - de l'avoir perdu. Si bien que l'aiguille semble tourner, alors que c'est en fait la boussole qui tourne...tandis que l'aiguille s'obstine Stat crux dum volvitur...
J'ai en effet fréquenté indifféremment, quant aux principes, toutes les "paroisses", sans discrimination aucune, où l'ancien rit était proposé aux fidèles de manière correcte et que, par ailleurs, la Providence, pour des raisons secondes, mettait sur ma route: tantôt parce qu'on me sollicitait pour le chant, tantôt parce que la liturgie me semblait mieux servie, le lieu plus propice à me stimuler, plus porteur, les sermons plus nourrissants et sérieux... etc. Alors que j'étais né quasiment à Ecône (mes parents ont fait ce choix alors que je n'avais pas encore fait ma première communion), je n'ai jamais cessé d'y aller assez régulièrement, même lorsque, après 88, je fréquentais parallèlement le Barroux, ou telle paroisse Motu proprio ED, notamment à Genève, et plus que "fréquentais", puisque j'ai toujours eu cette fâcheuse habitude d'être très impliqué en paroisse. Inversement, je n'ai jamais accordé le moindre crédit aux abbés Clément, au Père abbé (2) du Barroux, au Lepivain... et autres "conservateurs" (Seigneur, délivrez-nous des conservateurs!), lorsqu'ils tentaient avec beaucoup de niaiserie de brandir devant qqn comme moi le spectre censé effroyable du schisme, de l'invalidité des confessions ou je ne sais quel autre anathème de circonstance... pour me dissuader d'aller à Ecône.
J'ai même pendant plusieurs années chanté (dirigé, par nécessité) deux messes par dimanche, l'une FSSPX, l'autre Ecclesia Dei... Bref, girouette, gyrovague, gyropraticien dominical, gyropriant ad orientem... vous avez parfaitement raison, mais avec une exigence minimale en deux sous-chapitres :
1) le rit catholique traditionnel sans concession (si possible même avec quelque onction)
2) et un sermon qui me nourrisse, et me porte un peu plus loin de ma misère, un peu plus près vers le Bon Seigneur.
Ce fut ma règle, ce fut ma boussole, dans le dédale de la situation d'exilé, et dans le temps de tempête et de grand vents qui soufflent si fort, depuis que Jean XXIII a ouvert les fenêtres - ce qui a de quoi décoiffer les déboussolés et affoler les girouettes.
Le minimum syndical et exclusif était donc le rit romain traditionnel, ayant une aversion pour ainsi dire quasi médicale et ancrée dans mon enfance envers le bricolage post-69 et/ou son esprit, quant bien même affublé de beaux ornements, de latin, voire même de pieux archaïsmes accommodés.
Il se trouve que cette exigence minimale m'a amené soit à des déceptions violentes liées à ma naïveté à l'égard de tel ou tel "homme de Dieu" qui s'est révélé être peu à peu "un loup ravisseur sous une peau de brebis", soit à la situation de telle ou telle paroisse ayant elle-même subitement changé de cap, et dans laquelle je me retrouvais impliqué et désorienté - pour filer la métaphore.
Néanmoins, je n'ai jamais renié, sur le fond, Ecône, et le sacre de 88 ne m'a jamais posé un problème de conscience, même si par ailleurs j'ai pu piquer de belles rognes pour des raisons périphériques à l'égard de certains "écônismes". De plus, j'ai eu cette naïve honnêteté de le dire aux abbés Clément et autres Lepivain, prêtres réputés "conservateurs" et avérés être très anti-fsspx.
De même, je n'ai jamais considéré le Barroux ou la FSSP ou tel prêtre diocésain comme "dangereux" pour le seul fait qu'il soit en désaccord avec la FSSPX.
Cela a pu conduire à des situations cocasses. Dans les années 90 un certain abbé Willer, reniant violemment le Barroux où il avait (re)découvert le mouvement traditionnel et nouveau-venu à la FSSPX, prieur à Genève, m'a vertement sali auprès de ses confrères et de quelques fidèles, parce que fréquentant aussi (outre la FSSPX) une paroisse ED de Genève. Ce même abbé Willer, de retour à Genève environ 2008, mais cette fois ayant renié lui-même la FSSPX et desservant la paroisse ED de Genève, critique la FSSPX devant moi qu'il qualifie de schismatique - et je me permets de le remettre doucement mais très fermement en place, lui rappelant son propre parcours et ses propres inconséquences.
Aujourd'hui ce même prêtre a quitté l'Eglise et à rejoint le schisme... orthodoxe.
Encore un détail. Depuis 5 mois, c'est suite à un déménagement qui m'a ramené à ma terre natale que je fréquente à nouveau, tous les dimanches, la grand'messe dominicale à Ecône. Et là je dois avouer que je suis émerveillé de la qualité notamment des prédications qui sont d'une densité et d'une nourriture remarquable. Les professeurs actuels d'Ecône sont assurément un grand cru, un clergé de tout premier choix. Je suis frappé aussi par la ferveur des fidèles: piété, dignité, confessions régulières (tous les dimanches, des files devant les confessionnaux), ferveur des enfants... et par dessus l'aspect premier, quelque chose qui "sonne vrai" dans le fond. Bref, la Caritas, en une telle "paroisse" se voit, et ubi caritas, Deus ibi est... Et ce n'est que Lui, qu'espère ma petite tête-chercheuse, lorsqu'elle tourne ou s'affole et se retourne encore. Deo gratias pour ce dernier port, qui est en l'occurrence aussi le premier.
Sans jeter ici la pierre à personne, je dois néanmoins confesser qu'un certains nombres d'expériences m'a amené à rejeter un type particulier de clergé, dans la tourmente actuelle, un clergé auquel je ne donnerai plus ma naïveté d'antan ni ma confiance : celui que l'on pourrait qualifier de "conservateur", le clergé "conservateur". J'ai acquis une (sainte?) horreur du clergé "conservateur", genre Clément, Lepivain & Co, puisque vous les nommez.
Je dois pour être juste ajouter - puisque vous le mentionnez aussi - que le cher abbé Terrera, n'entre pas du tout dans cette catégorie. Il est précisément un prêtre ED qui n'a pas de problème de fond avec la FSSPX - et c'est pour cela que son doux confrère "conservateur" et, en la circonstance, pas forcément "clément" du tout, l'a purement et simplement démoli de manière proprement anti-évangélique auprès de son évêque, des fidèles, de tout le monde... Ah la jalousie des curés, jalousie qui peut atteindre des états proprement pathologiques!!!
Bref, j'ai probablement trop connu le clergé de près, hélas, et le clergé dans sa dimension très humaine, pour ne pas détester de toute la violence - qui peut quelquefois être l'autre face de l'amour - le clergé "conservateur". Je hais les curés "conservateurs", je les hais de toutes mes forces, dans la mesure même où le Christ - et derrière lui! - vomit les tièdes. Dieu me préserve d'une haine qui s'écarterait de cette vomissure-là qui est divine, mais à celle-là il ne me sera pas demandé de renoncer.
D'où mon mot à l'abbé Grosjean, jugeant si vulgairement ses confrères de la FSSPX, les qualifiant grossièrement de manipulateurs, et renvoyant tant de bons catholiques si généreux et courageux au vestiaire de l'idiotie manipulée - trait typique d'un certain clergé "conservateur" et partisan.
Rien de plus.
Amitiés, priez un peu pour moi, que je tourne moins, désormais.