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Sur la comparaison de Quanta cura et de Dignitatis Humanae (II)
par gégé81 2016-02-09 12:48:04
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Voici un extrait des Réponses du Cardinal Ratzinger aux Objections Théologiques (dubia) de Mgr Lefebvre, pages 46 à 49 (également disponibles en ligne
ici). C'est la suite exacte de ce qui a été publié ici. Bonne lecture :


Les Pontifes Romains (en particulier Pie IX et Léon XIII) enseignent justement qu’il n’est pas licite de revendiquer un droit ou une faculté morale d’exercer un culte selon son bon plaisir, car cela supposerait nier l’existence d’un seul culte vrai et voulu par Dieu. Personne n’a devant Dieu le droit ou la faculté morale (le pouvoir éthique légitime) d’adhérer intérieurement à une religion erronée, ni la faculté morale de la pratiquer extérieurement. Aucun gouvernant ne peut établir ni décréter un droit de liberté de conscience ou de cultes, ce qui consisterait à prétendre créer la possibilité morale d’adhérer à n’importe quel culte. La vérité que l’homme est obligé de chercher et le culte véritable que l’homme est obligé de pratiquer, ne sont créés ni par la raison individuelle ni par le pouvoir politique, mais transcendent ces deux instances humaines.

Comme on l’a déjà rappelé dans les pages précédentes, Léon XIII et Pie XII enseignent aussi que, dans certaines circonstances, un culte erroné peut être toléré, c’est-à-dire, ne pas être empêché par la contrainte (58). Cette tolérance civile ne lui est pas due en justice à titre de culte. La tolérance ne sanctionne pas non plus ni ne crée de faculté morale d’exercer un culte erroné (elle ne le rend pas éthiquement légitime). En vertu de la tolérance, sans avoir la faculté morale d’agir mal, on peut avoir le droit civil de ne pas être empêché par la contrainte, si le dispose ainsi une loi civile basée de manière suffisante sur des motifs raisonnables : à savoir, obtenir un bien supérieur, ou éviter un mal plus grave (59). La tolérance n’équivaut pas à donner à l’erreur une légitimité morale.

La pratique de la tolérance correspond, en dehors des raisons énoncées, à la nature même de l’acte de foi : « Et l’Eglise a coutume de prendre garde avec le plus grand soin à ce que personne ne soit contraint, contre sa propre volonté, à embrasser la foi catholique, parce que, comme nous l’enseigne avec sagesse saint Augustin, personne ne peut croire à moins de le vouloir. (60). Aussi, Léon XIII et Pie XI ont distingué l’erreur de la liberté de conscience de la légitime liberté des consciences (61).

Toute cette doctrine reste inchangée dans la Déclaration Dignitatis Humanae, bien qu’il y ait un progrès doctrinal et un changement dans le point de vue selon lequel on aborde le problème. Dans DH :

a) on affirme l’obligation de chercher la vérité en matière religieuse et morale, et on n’admet aucun type de liberté de conscience, entendue comme autonomie éthique ;

b) on n’admet pas non plus l’autonomie religieuse : l’unique vraie religion est celle de l’Eglise Catholique (cf. DH, 1). En conséquence, la doctrine sur la relation entre l’homme et la vérité en matière religieuse et morale reste inchangée par rapport à la doctrine traditionnelle.

c) Le point de vue de DH, fondement juridique, amène à examiner les relations interpersonnelles entre les hommes et entre l’homme et l’Etat. La contrainte civile (nécessité ab extrinseco) en matière religieuse est exclue par la nature même de la personne, par la nature de l’acte de foi, par la nature personnelle de l’obligation et de la responsabilité en relation avec la vérité, en aucune manière sur la base d’une prétendue indifférence de l’homme vis-à-vis de la religion ou d’une égalité entre tous les cultes. Dans ce sens – différent de celui de l’Enc. Quanta cura -, on ne peut parler de droit naturel à la liberté religieuse. C’est un droit négatif qui indique à l’Etat et à la personne ce qu’ils ne doivent pas faire à un autre homme en matière religieuse et sur le plan civil, mais ne légitime en aucune manière sur le plan moral et religieux ce que fait chacun dans sa sphère de responsabilité personnelle. DH ne prétend ni créer ni concéder aucune faculté morale à l’erreur ou à l’adhésion à l’erreur de la part du sujet.

L’Enc. Quanta cura condamne ceux qui osent dire que « l’autorité suprême de l’Eglise et de son siège apostolique, à elle attribuée par le Christ Jésus lui-même, est soumise au pouvoir arbitraire de l’autorité civile. » L’évolution même du noyau doctrinal du rationalisme va d’une présentation initiale individualiste à une image collectiviste ou totalitaire de l’homme. Pour cette raison, les Pontifes Romains ont insisté chaque fois davantage sur le fait que le bien commun nécessite avant tout le respect de la dignité et des droits de la personne, créée à l’image de Dieu, qui jouit d’une destinée personnelle éternelle (63).

Dans les conditions actuelles, l’insistance sur la transcendance du domaine religieux considéré en lui-même, vis-à-vis des compétences du pouvoir politique, correspond d’une part à la vérité enseignée traditionnellement par l’Eglise, et, d’autre part, est nécessaire pour sauvegarder la liberté des catholiques et de l’Eglise elle-même. Le statut commun de liberté religieuse sur le plan civil et social est le minimum nécessaire dont a besoin l’Eglise pour accomplir sa mission divine, ce qui ne veut pas dire – comme on l’a dit précédemment – que ce minimum soit le seul possible ou le plus avantageux pour l’Eglise. Dans DH, 6, on contemple la possibilité d’une reconnaissance particulière et d’une collaboration qui, à son tour, doivent éviter les comportements juridiques exclus par la nature même de la personne et du domaine religieux. De fait, l’existence de Concordats entre le Saint-Siège et certains Etats place les relations Eglise-Etat au dessus du simple régime de liberté religieuse sur le plan civil et social. Un autre problème est celui de la valeur de chaque Concordat en particulier, qui pourra dépendre des circonstances dans lesquelles il a été établi, et des personnes qui sont intervenues dans sa réalisation.



(58) Cf. LEON XIII, Enc. Libertas : ASS 20 (1887) pp. 609-610 ; PIE XII, Alloc. Ci riesce : AAS 45 (1953) pp. 797 ss.
(59) Cf. St. THOMAS, Summa Theologiae, II-II, p. 10, a. 11 ; LEON XIII, Enc. Libertas, loc. cit.
(60) LEON XIII, Enc. Immortale Dei : ASS 18 (1885) pp. 174-175
(61) Cf. LEON XIII, Enc. Libertas : ASS 20 (1887) pp. 608-609 ; PIE XI, Enc. Non abbiamo bisogno : AAS 23 (1931) pp. 301-302
(62) PIE IX, Enc. Quanta cura : ASS 3 (1867) p. 164 ; cf la distinction entre les deux sociétés chez LEON XIII, Enc. Cum multa : ASS 15 (1882) pp. 242-243, et Immortale Dei : ASS 18 (1885) pp. 166-167
(63) Cf. PIE XI, Mit brennender Sorge : AAS 39 (1937) pp. 159-160 ; PIE XII, Message radiophonique, 1-VI-1941 : AAS 33 (1931) p. 200 ; JEAN XXIII, Enc. Pacem in terris : AAS 55 (1963) p. 260, etc.


     

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