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Sainte Liturgie
par Signo 2014-12-20 19:35:54
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Dans un précédent fil, un intervenant me demandait des exemples de textes et d'ouvrages mettant en exergue les richesses spirituelles et théologiques du rite du Bx Paul VI.
"Le Saint Père, en diverses occasions et notamment dans le motu proprio Summorum Pontificum, a insisté sur le rôle catéchétique de la liturgie, invoquant l’adage lex orandi – lex credendi. Il reste sans doute beaucoup à travailler dans ce sens pour que la liturgie puisse pleinement jouer ce rôle à l’égard de l’ensemble des fidèles. En particulier, les prières eucharistiques de la liturgie romaine rénovée à Vatican II offrent des richesses doctrinales largement méconnues. Voici un essai de mise en lumière de ces richesses, rédigé par Mgr Patrick LE GAL commentant l’apport catéchétique des prières eucharistiques.

Richesses méconnues des prières eucharistiques de la
liturgie romaine de la messe
rénovée à Vatican II [1]



En 1978 paraissait à titre posthume un petit recueil de conférences adressées à des religieuses par le chanoine D.J. Lallement [2]. Le livret était intitulé Bienfaits spirituels de la nouvelle liturgie romaine de la messe ; tout un programme en ces années-là ! Il s’agissait de guider ces saintes religieuses dans une découverte approfondie de la liturgie romaine rénovée, susceptible de nourrir leur piété et leur foi dans le mystère eucharistique.

Cette lecture me fut, je crois, d’un grand profit pour discerner les richesses spirituelles et théologiques dont le nouvel ordomissae était porteur, mais qu’il n’était peut-être pas si évident de découvrir d’emblée. Je crains même que, trente ans plus tard, beaucoup n’aient toujours pas su déceler ces trésors ; d’où bien des misères et des malentendus susceptibles de survenir, voire de proliférer.

Aujourd’hui, la parole du Saint Père par rapport à la liturgie nous appelle à vivre un effort de réconciliation à l’intérieur de l’Eglise. Cette réconciliation pourrait sûrement se fortifier grâce à une attention commune à la mise en valeur de la liturgie, chacun s’efforçant de faire bénéficier l’autre des richesses entrevues. Dans ce contexte, il m’est apparu opportun d’évoquer quelques bienfaits méconnus -je le crois- des prières eucharistiques de la liturgie romaine de la messe rénovée à Vatican II, bienfaits qui sont certes aussi présents dans la forma antiquior de la liturgie, mais de façon peut-être moins explicite.

Je voudrais ainsi proposer quatre remarques.

1 – Explicitation du mystère trinitaire

Nul n’est besoin ici de souligner le caractère central, dans notre foi chrétienne, du dogme trinitaire et, en même temps, le déficit considérable, sur le plan catéchétique ou de l’intelligence de la foi, concernant la Trinité dans le peuple chrétien. Dans le contexte de pays de tradition chrétienne où se démultiplie la présence de fidèles musulmans, il est évidemment urgent, tant pour l’affermissement de la foi des plus jeunes que pour l’annonce explicite de la foi trinitaire dans notre monde, de nous fortifier à cet égard. La seule mention des trois personnes de la Sainte Trinité dans la doxologie finale ou les paroles accompagnant le signe de la croix, ne suffisent sans doute pas à ce que la liturgie puisse à cet égard jouer son rôle catéchétique. La fête de la Sainte Trinité étant bien souvent célébrée, en même temps que des premières communions ou des professions de foi, le rythme des catéchèses trinitaires reste bien faible !

Mais chaque dimanche, voire chaque jour, la participation à la célébration de la messe peut nous donner, à travers l’écoute des paroles des prières eucharistiques II, III ou IV, de réentendre non seulement l’évocation explicite de ces trois personnes divines, mais aussi l’évocation de leur mission propre et de leurs relations mutuelles [3] : adressée au Père, source de tout don parfait, la prière eucharistique nous fait lui demander d’envoyer l’Esprit-Saint pour sanctifier les oblats et réaliser la présence du Christ (dans le pain et le vin consacrés) -distinction des personnes, parfaite communion dans leur action ad extra-.

2 – Petite théologie de l’Esprit-Saint

Historiquement, dans l’antiquité chrétienne, la christologie a précédé la théologie de l’Esprit-Saint. Cela explique que certains textes très anciens n’évoquent la personne de l’Esprit-Saint que dans une rapide conclusion [4].

Dans un monde sécularisé, plus que jamais, chaque chrétien, dans le combat spirituel qu’il mène, doit pouvoir s’appuyer quotidiennement sur l’Esprit-Saint et ses sept dons, ce qui implique qu’il le connaisse et sache l’invoquer personnellement, au-delà des rudiments catéchétiques transmis notamment lors de la préparation à la confirmation. Les prières eucharistiques II, III et IV (avec leurs préface propres ou leur prologue, le cas échéant) offrent -et c’est nouveau- de multiples mentions explicites à l’Esprit-Saint, qui viennent éclairer ses missions propres et rendre plus familière aux fidèles leur relation à la 3ème personne de la Sainte Trinité dans leur propre prière.

Bien sûr, l’Esprit-Saint apparaît d’abord comme celui par qui le Père vient sanctifier notamment les oblats (épiclèse) ; l’Esprit-Saint apparaît encore comme celui qui vient opérer l’unité du corps (mystique) du Christ pour ceux qui seront sanctifiés par la communion à son corps eucharistique (2ème épiclèse). L’Esprit-Saint, dans la finale du prologue de la prière eucharistique n° IV, apparaît encore comme celui qui poursuit l’œuvre (du Christ) en ce monde et achève toute sanctification, reprenant par là les explicitations déjà présentes dans l’évangile selon saint Jean où l’Esprit-Saint est désigné comme le 2ème paraclet [5], ou dans la théologie des Actes où l’action de l’Esprit-Saint est décrite avec les verbes mêmes qui servent à qualifier l’action du Christ ressuscité [6].

3 – Acclamation au Christ

Après la consécration vient directement, dans la forme extraordinaire du rite romain, la prière Unde et memores qui souligne les deux éléments qui caractérisent le mystère eucharistique : « il est commémoration ou anamnèse et il est oblation ou sacrifice » [7].

Dans la liturgie rénovée après Vatican II, la dimension de commémoration ou d’anamnèse fait l’objet d’une proclamation par le peuple des fidèles qui prend place avant la prière Unde et memores (ou son équivalent dans les prières eucharistiques II, III et IV). Cette acclamation présente plusieurs caractéristiques qui méritent d’être soulignées et respectées, notamment par les auteurs de musique liturgique, faute de quoi, on risque d’en perdre tout le bénéfice. Cette acclamation donc s’adresse directement au Christ. C’est un point capital. Toute la prière eucharistique s’adresse au Père, mais à ce moment, la consécration ayant rendu le Christ présent dans le pain et le vin consacrés, le peuple des fidèles peut s’adresser à lui, pour manifester qu’il croit en sa présence sacramentelle dans les espèces consacrées.

Cette acclamation est encore l’occasion pour tout le peuple des fidèles de confesser explicitement sa foi au Christ mort et ressuscité, et de reconnaître que la liturgie de la messe nous met en présence du mystère de la croix ou -plus exactement- du Christ dans son mystère pascal : mort, résurrection et glorification.

Enfin, cette acclamation est aussi occasion de faire grandir l’espérance théologale des fidèles en renouvelant leur attente du retour du Christ en gloire, accomplissement de l’histoire du salut : Nous attendons ton retour dans la gloire.

4 – Espérance eschatologique

Dans cette acclamation d’anamnèse que nous venons d’évoquer se trouve un élément nouveau par rapport au contenu de la commémoration évoqué dans la prière Unde et memores du canon romain. Il s’agit précisément de cette proclamation de notre attente du retour du Christ en gloire. A proprement parler, il ne s’agit plus ici de commémoration, sinon de faire mémoire de la promesse faite par le Christ de son second avènement à la fin des temps [8]. C’est toute la spiritualité du temps de l’Avent (du moins de la 1ère partie de l’Avent jusqu'au 17 décembre) qui est ici proposée réintégrant la nécessaire perspective du second avènement dans le « jeu » des trois venues du Christ dont parle saint Bernard [9].

Cette espérance et cette attente du second avènement du Christ et de la vie éternelle, dans son lien avec la grâce propre de la communion eucharistique, étaient déjà admirablement formulées par saint Thomas d’Aquin dans l’antienne à Magnificat qu’il avait rédigée pour l’office du Très Saint Sacrement : « … recólitur memória passiónis eius, mens implétur grátia et futúrae glóriae nobis pignus datur.» ; nous ne saurions recevoir les arrhes sans désirer le tout. Cette antienne tout entière serait à mettre en regard de la proclamation d’anamnèse avec ses trois temps et la tension eschatologique qui l’anime : mémoire de la Passion, grâce de la présence, attente de l’accomplissement à la Parousie.

Cette invitation portée par l’anamnèse à s’associer au cri ultime de l’auteur de l’Apocalypse : « Amen, viens Seigneur Jésus ! » (Ap. 22, 20) se nourrit et s’accompagne d’une explicitation très heureuse de ce à quoi nous sommes appelés dans l’ordre de la vie éternelle : la prière eucharistique n° II dans le memento des défunts nous fait demander en leur faveur : eos in lumen vultus tui admitte, qui est un appel non seulement à être admis dans la lumière et la présence de Dieu, mais bien à le voir face à face, ce qui est l’objet de notre espérance eschatologique.

Ces différents points -évoqués de façon bien rapide- mériteraient sans doute une étude plus précise et approfondie. Mon intention modeste n’était pas d’épuiser le sujet, mais simplement de souligner comment l’attention aux mots de notre prière pouvait venir soutenir notre intelligence de la foi et –par là- nous permettre une célébration plus vive et plus fructueuse du mystère.

J’ai pris l’exemple des prières eucharistiques II, III et IV, qui me semble parlant et en bonne partie méconnu. Il y aurait sûrement matière à un exercice analogue avec le canon romain pour le faire « parler » davantage à l’intelligence croyante des fidèles, par exemple en le commentant à partir des catéchèses des basiliques de Ravenne où il est admirablement traduit dans les mosaïques qui les ornent..



Patrick LE GAL
Evêque aux Armées Françaises




[1] Ce texte reproduit in extenso une contribution écrite adressée aux organisateurs du Colloque organisé par le C.I.E.L. (Centre International d’Etudes Liturgiques) en novembre 2007.
[2] Le chanoine D.J. Lallement (1892-1977), disciple du Père Garrigou-Lagrange, enseigna la philosophie à l’Institut Catholique de Paris, à partir de 1921, restant avant tout un théologien et un spirituel.
[3] Dans la prière eucharistique n° II, cette double indication concernant les personnes de la Sainte Trinité est déjà anticipée dans la préface propre. Dans la prière eucharistique n° III, l’introduction évoque déjà les trois personnes de la Sainte Trinité, avant que l’épiclèse n’y revienne ; dans la prière eucharistique n° IV : l’articulation de l’action des trois personnes de la Sainte Trinité est soulignée à la fin du prologue.
[4] C’est le cas pour, par exemple, l’hymne Gloria in excelcis Deo. Dans les cantiques insérés dans la Bible grecque à la suite des psaumes, on trouve une version ancienne du Gloria qui ne comporte encore aucune mention du Saint Esprit. (LXX, éd. de Stuttgart, 1935, vol. II, 181)
[5] Cf. Jn 14,16 et 14,26
[6] Cf. Jules Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris 1910, p. 286 ss
[7] J.-A. Jungman, Missarum Sollemnia, Paris 1953, Vol. II, p. 136
[8] On trouve déjà cet élargissement de l’anamnèse dans les constitutions apostoliques et plus encore dans de nombreux formulaires orientaux, notamment en Syrie dès le IVème siècle (cf. Jungman – op. Cit. II pp. 139-140)
[9] « Nous savons qu’il y a une triple venue du Seigneur. La troisième se situe entre les deux autres. Celles-ci, en effet, sont manifestes, celle-là, non. Dans sa première venue il a paru sur la terre et il a vécu avec les hommes, lorsque -comme lui-même en témoigne- ils l’ont vu et l’ont pris en haine. Mais lors de sa dernière venue, toute chair verra le salut de notre Dieu et ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé. La venue intermédiaire, elle, est cachée : les élus seuls la voient au fond d’eux-mêmes, et leur âme est sauvée. Ainsi il est venu d’abord dans la chair et la faiblesse ; puis, dans l’entre-deux, il vient en esprit et en puissance ; enfin il viendra dans la gloire et la majesté. » Sermon pour l’Avent 5, 1-3 – éd. cist. 4, 188-190

Pour se procurer l'ouvrage du P. Lallement, voir ICI

Source de l'article ICI

     

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              Cette fameuse II, d'ailleurs... par Meneau  (2014-12-21 00:31:42)
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