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Conséquences dramatiques de cette consécration magistérielle.
par Scrutator Sapientiæ 2011-05-14 09:53:52
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Bonjour ab Rémi,

Voici, à mon sens, quelques conséquences dramatiques, plus subies que voulues, mais guère combattues, dénoncées, par l'Eglise, de la consécration magistérielle de la liberté religieuse, au Concile Vatican II :

1. Une confusion permanente entre droit, valeur, vertu, et dogme :

- confusion entre droit naturel et droit positif (ce n'est pas parce qu'un droit est positif, au sens de : posé et effectif, dans un ordre juridique civil donné, qu'il est nécessairement naturel, au sens de : découlant de l'autorité de la loi naturelle, ou au sens de : émanant de la nature humaine, ce qui n'est pas non plus la même chose, car je ne suis pas sûr que la loi naturelle ait été abîmée par le péché originel, alors que la nature humaine, elle, a bien été abîmée par lui ;

- confusion entre droit et valeur : ce n'est pas parce qu'un Etat reconnaît un droit qu'il reconnaît nécessairement une valeur à une pratique à laquelle il donne un cadre juridique ;

- confusion entre valeur sociale collective, "civilisationnelle", et vertu morale personnelle, "anthropologique" (non dans l'acception ethnologique, mais dans l'acception axiologique du terme) : ce n'est pas parce qu'une valeur collective est promue, au sein d'une collectivité, en tant que valeur sociale, devant et pouvant s'imposer à tous, ou devant et pouvant être acceptée, voire approuvée, par tous, qu'elle correspond nécessairement à une vertu personnelle, en tant que vertu morale, animatrice et inspiratrice de l'agir humain d'un être humain ;

- confusion, enfin, entre droit et dogme : l'acceptation d'un droit civil, avec ou sans conditions, remarques, réserves, ou restrictions, n'a pas à devenir l'équivalent d'un dogme, surtout quand il apparaît clairement qu'il peut être fait un bon usage, mais aussi un mauvais usage, du droit en question : les membres d'une secte peuvent très bien, eux-aussi, aspirer à la liberté religieuse ; qui donc leur déniera le droit de recourir à ce droit, dès lors qu'ils ne constituent pas, en l'exerçant, une menace pour l'ordre public, ou plutôt pour la vision dominante que l'on en a ?

2. Une confusion permanente entre le christianisme, qui est LA religion de la vérité qui nous libère, d'une manière "descendante et transcendante", à partir de l'entité divine, dans le Christ, et le "christianisme", qui serait UNE religion de la liberté qui se vérifierait, d'une manière "ascendante et immanente", à partir d'une intention humaine, dans le Christ.

Or, la vérité divine est située en amont et en surplomb, par rapport à la liberté humaine : celle-ci dépend de celle-là, cette idée de dépendance de la liberté humaine, vis-à-vis de la vérité divine, étant le type même de l'idée que les modernes ne supportent pas, toute dépendance de ce type étant jugée aliénante ou isolante, archaique ou passéiste, rétrograde ou sclérosante, en un mot : "intégriste".

Il ne faudrait pas, en d'autres termes, que la polarisation contemporaine sur le droit à la "liberté de religion", sur la notion de "liberté de religion", aboutisse à un alignement ecclésial sur la "religion de la liberté" qui est la "religion" commune à la très grande majorité de nos contemporains, et qui est d'inspiration philosophique subjectiviste, même si cette inspiration n'est pas toujours explicitée.

Si l'on se rallie à la liberté de religion, si on lui fait bon accueil, au sein même de l'Eglise, on s'expose au risque d'y faire, par la suite, également bon accueil, même malgré soi, au subjectivisme en matière religieuse, et au relativisme en matière religieuse, qui en est la conséquence ; Dieu se rie ainsi de tous ceux qui déplorent les effets (le relativisme en matière religieuse), de ce dont ils chérissent les causes (le subjectivisme, ou, en tout cas, la reconnaissance, le plus souvent en des termes positifs, de la subjectivité (inerrante ?), en matière religieuse).

3. Troisième conséquence dramatique : vous la trouverez entre la page 199 et la page 202 du livre "Pour un nouvel humanisme - Essai sur la philosophie de Jean-Paul II", du Père Antoine GUGGENHEIM, ouvrage récent et intéressant, dans lequel il s'interroge, à voix haute, sur l'expression "vraie religion", afin et avant de donner un congé définitif à l'acception normative et objective de cette expression, qui n'a plus, selon lui, à être pensée et vécue d'une manière contra-positionnelle, à l'égard des fausses religions, mais juxta-positionnelle, vis-à-vis des autres religions, presque comme si celle-ci étaient d'autres "vraies" religions, ou d'autres religions contribuant, elles aussi, mais d'une manière différente, à l'expression, aujourd'hui, dans le monde, de la vérité, "multiforme", ou "symphonique", en matière de religion.

D'aucuns peuvent être tentés de (se) dire : le droit à la liberté religieuse, c'est le droit au respect des différences, ou au respect de l'indifférence, en matière de religion ; dans l'acception juridico-politique étatique du terme, à la limite, je peux le comprendre, bien que ce soit la porte ouverte sur bien des instrumentalisations de ce droit, qui peut servir aussi bien la volonté de licence ou la volonté de puissance en matière religieuse, ce qui fragilise, en définitive, l'Etat lui-même (mais certes pas ceux qui ont tout à fait intérêt à ce que la plus grande partie de la société civile, à laquelle ils n'appartiennent évidemment pas, subisse cette fragilisation de l'Etat).

Mais si l'on considère tout cela sous un angle pneumatico-religieux, a-t-on encore le droit de dire que l'acceptation, uniquement "au temporel", du droit au respect des différences, au respect de l'indifférence, n'a pas à être synomyme, "au spirituel", d'approbation de valeurs, d'attribution de vertus, à des doctrines et à des pratiques qui ne sont, en stricte rigueur de termes, que des "dif-errances", en matière religieuse, ou à une absence de doctrine et de pratique qui n'est que de "l'indif-errance", en matière religieuse ?

Si l'on préfère : sous l'angle de l'acceptation des faits, je peux très bien comprendre que l'on puisse parler des différentes religions non chrétiennes, mais sous l'angle de l'appréciation des croyances, je peux moins bien comprendre que l'on ne puisse pas ou plus parler des "dif-errantes" religions non chrétiennes.

Bonne journée ab Rémi, et merci beaucoup pour votre message.

PS : Un peu d'humour pour terminer ; relisez Pacem in Terris, au numéro 31 : on pourrait s'attendre à ce qu'"au droit de chercher librement le vrai" corresponde, par exemple, le devoir de le chercher pour le trouver (et non pour se complaire dans une recherche stérile) et pour y adhérer vraiment en profondeur (et non pour y adhérer seulement en surface), une fois qu'on l'a trouvé.

Mais non, c'est déjà trop demander, car, pour Jean XXIII "au droit de chercher librement le vrai répond le devoir d'approfondir et d'élargir cette recherche".

Tout est dit, je le crois.

Scrutator.

     

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 Un article intéressant sur la "liberté religieuse" par ab Rémi  (2011-05-12 19:24:15)
      Sans doute... par Justin Petipeu  (2011-05-12 19:47:20)
      Ah oui ? par Vianney  (2011-05-12 20:55:48)
          Je crois qu'il faut comprendre par Justin Petipeu  (2011-05-12 20:59:54)
              Évidemment... par Vianney  (2011-05-12 21:36:48)
                  Effectivement....et complément par Justin Petipeu  (2011-05-12 22:42:51)
                      Du baratin, et rien d’autre par Vianney  (2011-05-13 00:59:30)
          Oui, Grégoire XVI avait vraiment la mémoire courte par Meneau  (2011-05-13 09:57:51)
      Enfin ! par Ion  (2011-05-13 00:39:56)
          Infaillibilité, mon oeil par Vianney  (2011-05-13 01:05:50)
              Voyons voir... par bbdg  (2011-05-13 07:27:28)
                  [réponse] par Marco Antonio  (2011-05-13 07:47:54)
                  Quelques hypothèses valables par Vianney  (2011-05-13 08:31:26)
                      Vous oubliez une hypothèse... par Marchenoir  (2011-05-13 09:28:15)
                          Non, je ne l’oublie certainement pas par Vianney  (2011-05-13 09:56:19)
                              Cher Vianney par Gentiloup  (2011-05-13 17:25:33)
                                  L’avis d’un expert par Vianney  (2011-05-13 18:46:25)
                                      Bravo et merci par Romanus  (2011-05-14 10:36:04)
                                          Je peux vous assurer que ça en vaut la peine par Vianney  (2011-05-14 12:01:00)
              Distinction par Ion  (2011-05-13 08:08:17)
                  “Basé sur la Révélation” ? par Vianney  (2011-05-13 08:40:21)
                      Vous touchez là le point crucial. par Meneau  (2011-05-13 12:04:30)
                          Pas uniquement Pie IX d’ailleurs par Vianney  (2011-05-13 14:40:35)
                  Distinction inopérante par Meneau  (2011-05-13 15:28:51)
      Plaidoyer en faveur de la liberté RESPONSABLE en matière religieuse. par Scrutator Sapientiæ  (2011-05-13 22:36:28)
          Le prétendu “retour aux sources” par Vianney  (2011-05-14 10:14:07)
              Vraiment merci beaucoup pour votre réponse. par Scrutator Sapientiæ  (2011-05-14 17:10:16)
      Conséquences dramatiques de cette consécration magistérielle. par Scrutator Sapientiæ  (2011-05-14 09:53:52)
      Quand je pense à tous ces saints... par Romanus  (2011-05-14 11:01:45)


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