CHAPITRE IX
Que les vertus tirent leur perfection de l'amour sacré.
La charité est entre les vertus comme le soleil entre les étoiles; elle leur distribue à toutes leur clarté et beauté. La foi, l'espérance, la crainte et pénitence viennent ordinairement devant elle en l'âme pour lui préparer le logis; et comme elle est arrivée, elles lui obéissent et la servent comme tout le reste des vertus, et elle les anime, les orne et vivifie toutes par sa présence.
Les autres vertus se peuvent réciproquement entraider et s'exciter mutuellement en leurs oeuvres et exercices; car qui ne sait que la chasteté requiert et excite la sobriété, et que l'obéissance nous porte à la liberté, à l'oraison, à l'humilité?
Or, par cette communication qu'elles ont entrelles elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observée par l'obéissance à double dignité, à savoir la sienne propre et celle de l'obéissance : ains elle a plus de celle de l'obéissance que de la sienne propre.
Car comme Aristote dit que celui qui dérobait pour pouvoir commettre la fornication, était plus fornicateur que larron, d'autant que son affection tendait toute à la fornication, et ne se servait du larcin que comme d'un passage pour y parvenir; ainsi, qui observe la chasteté pour obéir, il est plus obéissant que chaste, puisqu'il emploie la chasteté au service de l'obéissance.
Mais pourtant du mélange de l'obéissance avec la chasteté ne peut réussir une vertu accomplie et parfaite, puisque la dernière perfection, qui est l'amour, leur manque à toutes deux; de sorte que si même il se pouvait faire que toutes les vertus se trouvassent ensemble eu un homme, et que la seule charité lui manquât, cet assemblage de vertus serait voirement un corps très parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celui dAdam, quand Dieu de sa main maîtresse le forma du limon de la terre, mais corps néanmoins qui serait sans mouvement, sans vie et sans grâce, jusqu'à ce que Dieu inspirât en icelui le spiracle (souffle, du latin spiraculum) de vie, c'est-à-dire, la sacrée charité, sans laquelle rien ne nous profite.
Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine, qu'elle perfectionne toutes les vertus, et ne peut être perfectionnée par icelles, non pas même par l'obéissance, qui est celle laquelle peut le plus répandre de perfection sur les autres.
Car, encore bien que l'amour soit commandé, et qu'en aimant nous pratiquions l'obéissance, si est-ce néanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obéissance, ains de la bonté de celui qu'il aime; d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obéissant, mais parce qu'il aime un bien excellent.
Certes, en aimant, nous obéissons, comme en obéissant nous aimons; mais si cette obéissance est si excellemment aimable, cest parce quelle tend à l'excellence de l'amour; et sa perfection dépend, non de ce quen aimant nous obéissons, mais de ce quen obéissant nous aimons.
De sorte que tout ainsi que Dieu est également la dernière fin de tout ce qui est bon, comme il en est la première source, de même l'amour, qui est l'origine de toute bonne affection, en est pareillement la dernière fin et perfection.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde