CHAPITRE XV
Du plus excellent exercice que nous puissions faire parmi les peines intérieures et extérieures de cette vie, en suite de l'ndifférence et trépas de la volonté.
Et sur ces paroles, elle s'endormit, tandis que son père, jugeant à propos de la saigner, disposa ce qui était requis, et venant à elle, ainsi qu'elle se réveilla, après l'avoir interrogée comme elle se trouvait de son sommeil, il lui demanda si elle ne voulait pas bien être saignée pour guérir.
Mon père, répondit-elle, je suis vôtre : je ne sais ce que je dois vouloir pour guérir, c'est à vous de vouloir et faire pour moi tout ce qui vous semblera bon; car, quant à moi, il me suffit de vous aimer et honorer de tout mon coeur, comme je fais.
Voilà donc qu'on lui bande le bras, et que le père même porte la lancette sur la veine mais tandis qu'il donne Le coup et que le sang en sort, jamais cette aimable fille ne regarda son bras piqué, ni son sang sortir de la veine;
ains tenant les yeux arrêtés sur le visage de son père, elle ne disait autre chose, sinon parfois tout doucement Mon père m'aime bien, et moi je suis toute sienne; et quand tout fut fait, elle ne le remercia point, mais seulement répéta encore une fois les mêmes paroles de son affection et confiance filiale.
Or, dites-moi. maintenant, mon ami Théotime, cette fille ne témoigna-t-elle pas un amour plus attentif et plus solide envers son père, que si elle eût eu beaucoup de soin de lui demander des remèdes à son mal, de regarder comme on lui ouvrait la veine, ou comme le sang coulait, de lui dire beaucoup de paroles de remerciement?
Il n'y a certes doute quelconque en cela car si elle eût pensé à soi, qu'eût-elle gagné, sinon d'avoir souci inutile, puisque son père en avait assez pour elle?
Regardant son bras, qu'eût-elle fait, sinon recevoir de la frayeur? Et remerciant son père, qu'elle vertu eût-elle pratiquée, sinon celle de la gratitude?
N'a-t-elle pas donc mieux fait de s'occuper toute ès démonstrations de son amour filial, infiniment plus agréable au père que toute autre vertu?
Mes yeux sont toujours au Seigneur, car il désengagera mes pieds des filets et des pièges. Es-tu tombé dans les filets des adversités; eh ! ne regarde pas ton aventure, ni les pièges esquels tu es pris regarde Dieu, et le laisse faire, il aura soin de toi.
Jette ta pensée sur lui, et il te nourrira. Pourquoi te mêles-tu de vouloir ou ne vouloir pas les événements et accidents du monde, puisque tu ne sais pas ce que tu dois vouloir, et que Dieu voudra toujours assez pour toi tout ce que tu pourras vouloir sans que tu t'en mettes en peine?
Attends donc en repos d'esprit les effets du bon plaisir divin, et que son vouloir te suffise, puisqu'il est
toujours très bon; car ainsi ordonna-t-il à sa bien-aimée sainte Catherine de Sienne : Pense en moi, lui dit-il, et je penserai pour toi.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde