CHAPITRE XIII
Que la très sacrée Vierge Mère de Dieu mourut d'amour pour son fils.
Or, si cette mère vécut de la vie de son Fils, elle mourut aussi de la mort de son Fils; car quelle (telle, pour telle, telle, qualis talis, en latin) est la vie, telle est la mort. Le phénix, comme on dit, étant fort envieilli, ramasse sur le haut d'une montagne une quantité de bois aromatiques sur lesquels, comme sur son lit d'honneur, il va finir ses jours ; car lorsque le soleil au fort de son midi jette ses rayons plus ardents, ce tout unique oiseau, pour contribuer à l'ardeur du soleil un surcroît d'action, ne cesse point de battre-des ailes sur son bûcher jusquà ce qu'il lui ait fait prendre feu, et, brûlant avec icelui, il se consume et meurt entre ses flammes odorantes.
De même, Théotime, la Vierge mère ayant assemblé en son esprit, par une vive et continuelle mémoire, tous les plus aimables mystères de la vie et mort de son Fils, et recevant toujours à droit fil (directement) parmi cela les plus ardentes inspirations que son Fils soleil de justice, jetât sur les humains au plus fort du midi de sa charité, puis d'ailleurs faisant aussi de son côté un perpétuel mouvement de contemplation; enfin le feu sacré de divin amour la consuma toute comme un holocauste de suavité, de sorte quelle en mourut, son âme étant toute ravie et transportée entre les bras de la dilection de son Fils. O mort amoureusement vitale ! ô amour vitalement mortel!
Plusieurs amants sacrés furent présents à la mort du Sauveur, entre lesquels ceux qui eurent le plus d'amour eurent le plus de douleur : car l'amour alors était tout détrempé en la douleur, et la douleur en l'amour : et tous ceux qui pour leur Sauveur étaient passionnés d'amour, furent amoureux de sa passion et douleur; mais la douce mère, qui aimait plus que tous, fut plus que tous outre-percée du glaive de douleur.
La douleur du Fils fut alors une épée tranchante qui passa au-travers du coeur de la mère, d'autant que ce coeur de mère était collé, joint et uni à son Fils d'une union si parfaite que rien ne pouvait blesser l'un qu'il ne navrât aussi vivement l'autre.
Or, cette-poitrine maternelle étant ainsi blessée d'amour, non seulement ne chercha pas la guérison de sa blessure, mais aima sa blessure plus que toute guérison, gardant chèrement les traits de douleur quelle avait reçus, à cause de l'amour qui les avait décochés dans son coeur, et désirant continuellement d'en mourir, puisque son Fils en était mort, qui, comme dit toute l'Ecriture sainte et tous les docteurs, mourut entre les flammes de la charité, holocauste parfait pour tous les péchés du monde.
CHAPITRE XIV
Que la glorieuse Vierge mourut d'un amour extrêmement doux et tranquille.
On dit d'un côté que Notre-Dame révéla à sainte Mathilde que la maladie de laquelle elle mourut ne fut autre chose qu'un assaut impétueux du divin amour; mais sainte Brigitte et saint Jean Damascène témoignent quelle mourut d'une mort extrêmement paisible; et l'un et l'autre est vrai, Théotime.
Les étoiles sont merveilleusement belles à voir, et jettent des clartés agréables; mais si vous y avez pris garde, c'est par brillements (éclats soudains), étincellements et élans quelles produisent leurs rayons, comme si elles enfantaient la lumière avec effort à diverses reprises, soit que leur clarté étant faible ne puisse pas agir si continuellement avec égalité, soit que nos yeux imbéciles ne fassent pas leur vue constante et ferme à cause de la grande distance qui est entre eux et ces astres.
Ainsi, pour ordinaire, les saints qui moururent d'amour sentirent une grande variété d'accidents et de symptômes de dilection avant que d'en venir au trépas, force élans, force assauts, force extases, force langueurs, force agonies, et semblait que leur amourn enfantât par effort et à plusieurs reprises leur bienheureuse mort : ce qui se fit à cause de la débilité de leur amour, non encore absolument parfait, qui ne pouvait pas continuer sa dilection avec une égale fermeté.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde