CHAPITRE XIII
Que la très sacrée Vierge Mère de Dieu mourut d'amour pour son fils.
Eh! qui doutera donc que ce saint père, parvenu à la fin de ses jours, nait réciproquement été porté par son divin nourrisson, au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de là le transporter dans le sien à la gloire, le jour de son ascension?
Un saint qui avait tant aimé en sa vie ne pouvait mourir que d'amour: car son âme ne pouvant à souhait aimer son cher Jésus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui était requis au bas-âge d'icelui, que restait-il sinon qu'il dit au Père éternel :
O Père ! j'ai accompli l'oeuvre que vous m'aviez donnée à charge ? et puis au Fils : O mon enfant! comme votre père céleste remit votre corps entre mes mains au jour de votre venue au monde, ainsi en ce jour de mon départ de ce monde je remets mon esprit entre les vôtres.
Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faits à l'endroit du Fils de Dieu, après ceux qui furent pratiqués par sa céleste épouse, vraie mère naturelle de ce même fils, de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour, mort la plus noble de toutes, et due par conséquent à la plus noble vie qui fût oncques entre les créatures, mort de laquelle les anges mêmes désireraient de mourir, s'ils étaient capables de mort.
Si les premiers chrétiens furent dits n'avoir qu'un coeur et une âme, à cause de leur parfaite mutuelle dilection, si saint Paul ne vivait plus lui-même, ains Jésus-Christ vivait en lui, à raison de l'extrême union de son coeur à celui de son Maître, par laquelle son âme était comme morte en son coeur quelle animait, pour vivre dans le coeur de son divin Sauveur;
ô vrai Dieu, combien est-il plus véritable que la sacrée Vierge et son Fils n'avaient qu'une âme, qu'un coeur et qu'une vie; en sorte que cette sacrée mère, vivant, ne vivait pas elle, mais son Fils vivait en elle !
Mère la plus amante et la plus aimée qui pouvait jamais être, mais amante et aimée d'un amour incomparablement plus éminent que celui de tous les ordres des anges et des hommes, à mesure que les noms de mère unique et de fils unique sont aussi des noms au-dessus de tous autres noms en matière d'amour.
Et je dis de mère unique et d'enfant unique, parce que tous les autres enfants des hommes partagent la reconnaissance de leur production entre le père et la mère.
Mais en celui-ci comme toute sa naissance humaine dépendit de sa seule mère, laquelle seule contribua (fournit, donna) ce qui était requis à la vertu du Saint-Esprit pour la conception de ce divin enfant, aussi à elle seule fut dû et rendu tout l'amour qui provient de la production, de sorte que ce fils et cette mère furent unis d'une union d'autant, plus excellente qu'elle a un nom différent en amour par-dessus tous les autres noms;
car à qui de tous les séraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous êtes mon vrai fils, et je vous aime comme mon vrai fils? et à qui de toutes les créatures fut-il jamais dit par le Sauveur :
Vous êtes ma vraie mère, et je vous aime comme ma vraie mère; vous êtes ma vraie mère toute mienne, et je suis votre vrai fils tout vôtre? Si donc un serviteur amant osa bien dire, et le dit en vérité, qu'il n'avait point d'autre vie que celle de son maître, hélas! combien hardiment et ardemment devait exclamer cette mère :
Je n'ai point d'autre vie que la vie de mon fils, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne ! Car ce n'était plus union, ains unité de coeur, d'âme et de vie entre cette mère et ce fils.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde