CHAPITRE XII
Histoire merveilleuse du trépas d'un gentilhomme qui mourut d'amour sur le mont d'Olivet (Mont des Oliviers)
Mais ses compagnons et serviteurs qui virent ainsi subitement tomber comme mort ce pauvre amant, étonnés de cet accident, coururent de force au médecin, qui venant trouva qu'en effet il était trépassé; et pour faire jugement assuré des causes d'une mort tant inopinée, s'enquiert de quelle complexion, de quelles moeurs et de quelle humeur était le défunt, et il apprit qu'il était d'un naturel tout doux, aimable, dévot à merveille, et grandement ardent en l'amour de Dieu.
Sur quoi, sans doute, dit le médecin, son coeur s'est donc éclaté d'excès et de ferveur d'amour. Et afin de mieux affermir son jugement, il le voulut ouvrir et trouva ce brave coeur ouvert avec ce sacré mot gravé au dedans d'icelui; Jésus mon amour! L'amour donc fit en ce coeur l'office de la mort, séparant l'âme du corps sans concurrence d'aucune autre cause. Et c'est saint Bernardin de Sienne, auteur fort docte et fort saint,, qui fait ce récit au premier de ses sermons de l'Ascension.
Certes, un autre auteur presque du même âge, qui a célé son nom par humilité, mais qui serait néanmoins digne d'être nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroir des spirituels, raconte une antre histoire encore plus admirable; car il dit quès quartiers de Provence il y avait un seigneur grandement adonné à l'amour de Dieu et à la dévotion du très saint Sacrement de l'autel.
Or, un jour étant extrêmement affligé d'une maladie qui lui donnait des vomissements continuels, ou lui apporta la divine communion, laquelle n'osant recevoir à cause du danger qu'il y avait de la rejeter, il supplia son curé de la lui mettre sur la poitrine, et le signer avec icelle du signe de la croix, ce qui fut fait, et en un moment, cette poitrine enflammée du saint amour se fendit, et tira dedans soi le céleste aliment dans lequel était le bien-aime, et à même temps expira.
Je vois bien à la vérité que cette histoire est grandement extraordinaire, et qui mériterait un témoignage du plus grand poids; mais après la très véritable histoire du coeur fendu de sainte Claire de Monfalcon, que tout le monde peut voir encore maintenant, et celle des stigmates de saint François qui est très assurée, mon âme ne trouve rien de malaisé à croire parmi les effets du divin amour.
CHAPITRE XIII
Que la très sacrée Vierge Mère de Dieu mourut d'amour pour son fils.
On ne peut quasi pas bonnement douter que le grand saint Joseph ne fût trépassé avant la Passion et mort du Sauveur, qui sans cela n'eût pas recommandé sa mère à saint Jean. Et comme pourrait-on donc imaginer que le cher enfant de son coeur, son nourrisson bien-aimé, ne l'assistât à l'heure de son passage? Bienheureux sont les Miséricordieux, car ils obtiendront Miséricorde.
Hélas! combien de douceur, de charité et de Miséricorde furent exercées par ce bon père nourricier envers le Sauveur lorsqu'il naquit petit enfant au monde ! Et qui pourrait donc croire quicelui sortant de ce monde, ce divin Fils ne lui rendit la pareille au centuple, le comblant de suavités célestes?
Les cigognes sont un vrai portrait de la mutuelle piété des enfants envers les pères, et des pères envers les enfants; car comme ce sont des oiseaux passagers, elles portent leurs pères et mères vieux en leurs passages, ainsi quétant encore petites leurs pères et mères les avaient portées en même occasion.
Quand le Sauveur était encore petit, le grand Joseph son père nourricier, et la très glorieuse Vierge sa mère l'avaient porté maintes fois, et spécialement au passage qu'ils firent de Judée en Egypte, et d'Egypte en Judée.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde